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  • Photo du rédacteurHenri Baron

AUTOBIOPOÈMES - Des mots pour un déconfinement

Dernière mise à jour : 25 déc. 2020


Textes écrits du 17 mars au 10 mai 2020




JOUR -1

Depuis des semaines se développait l'épi(pan)démie liée au coronavirus quand, ce lundi 16 mars, le président de la République française annonce le confinement sur l'ensemble du territoire. Comment allions-nous vivre ces longues journées, semaines ? Comment garder l'indispensable lien social ? L'idée m'est immédiatement venue de me lancer un défi, moi qui aime travailler, retravailler sans cesse mes textes, parfois pendant des mois : écrire chaque jour pour me, nous déconfiner. Pousser les murs, abolir les frontières, rester ensemble, partager. Lecteur·trice, amoureux·se de la vie, de la poésie, prends bien soin de toi, de celles et ceux que tu aimes. Et, d'où que tu sois (plus ou moins) confiné·e, s'il te vient l'envie de partager une émotion, une remarque, un texte, une photographie, une création plastique, tes messages sont les bienvenus.

Paris, 16 mars

 

Le mot : confiner

« Forcer à rester dans un espace limité. » Robert « Enfermer quelqu'un dans un lieu, le tenir dans d'étroites limites : Confiner un subordonné dans le cadre de ses fonctions. » Larousse « Reléguer quelqu'un dans un certain lieu. » Littré « Procédure de sécurité visant à protéger des personnes dans des espaces clos afin d’éviter, un contact avec un nuage nocif (de gaz ou radioactif), ou la propagation d’une maladie infectieuse. » Wictionnaire Synonymes : enfermer, cloitrer, isoler, retirer, reléguer, cantonner, boucler Étymologie : vient du mot confins, du latin médiéval confinia lui-même issu du latin confine de finis : limite. Confinner apparait dès 1225 dans le sens d’enfermer ; le mot confinement entre en scène en 1579 dans le sens d’emprisonnement.


Tous ces textes et ces photographies ©Henri Baron, sont parus au jour le jour, tout au long du confinement, sur mon blog précédent (https://grabouillages.monsite-orange.fr).

 

1ère partie

JOUR 1

Seul·e comme un·e CONcédé·e CONtrouvé·e CONfessé·e CONtrarié·e CONtesté·e CONsterné·e CONtourné·e CONspiré·e CONjuré·e CONtracté·e CONtrôlé·e CONvoqué·e CONfronté·e CONcentré·e CONvulsé·e CONgédié·e CONsigné·e CONfisqué·e CONcassé·e CONdamné·e CONsumé·e CONfiné·e

Seul·e comme une…

Paris, 17 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement



JOUR 2

à Lily, 15 ans aujourd'hui

Quand l'hiver dilue gomme efface Ce printemps tait scelle confine

Si l'été terre brise étouffe L'automne nie meurt enterre Je vis par ce que tu rêves crées espères Je vis par ce que tu danses chantes dessines Je vis par ce que tu cries hurles déclames Je vis par ce que tu es Je vis parce que tu es

Paris, 18 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 3

Mon amour est une gare désaffectée Aucun pas n'y résonne aucun cri aucun pleur aucun rire Rien ni personne ne trouble l'écho du silence infini C'est à peine si mon souffle dans l'immense vacuité fume et danse en même temps dense et vide comme le goulot de la bouteille ébréché où se blessent mes lèvres pour siffler l’arrivée sur le quai désert d’un express fantôme correspondance annulée lettres perdues destinée futile L'horloge sans aiguille pendue sur un mur gris aux poutres rouillées semble brouiller ma mémoire Le temps piège sous son rets le train de mes rêves aller sans retour fatale erreur d'aiguillage d’un amour carcéral désinfecté J’erre hagard égaré salle des pas éperdus d’un garde-barrière désincarné au passage à niveau corrodé torturé voies brisées terminus Serre-moi seul au monde Confiné

Paris, 19 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 4

Printemps sans fleur épitaphe d’un amour écorché Soleil sans fard espérance d’un amour écroué Espoir sans fin pénitence d’un amour exfiltré

Paris, 20 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 5

Je n'adore ni n'assassine Je n'aime ni ne tourmente Je ne rêve ni ne vaticine Je ne vole ni ne sauve Je n'élève ni ne vexe Je n'envie ni ne vois Je n'enfume ni n'enflamme Je ne viens ni ne vais  Je n'espère ni n’indiffère L'aurea mediocritas Horace et désespoir sont d'un mortel ennui

Paris, 21 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


JOUR 6

Il fixe les cercles concentriques qui se forment et déforment sur la flaque paisible jusqu'à l'évanouissement Comme autant d'ombres enserrant sa mémoire ils estompent ses souvenirs jusqu'à l'effacement Où sont les rêves d'antan les parfums les saveurs les herbes folles jusqu'au ruissèlement Il longe les murs ignore les murmures emmure le silence jusqu’à l’effritement Il reste les brumes les chimères la folie les rimes délétères  jusqu'à l'éclatement Il sublime le froid ses sortilèges le vide l'absence et la nuit jusqu'à l'épuisement  Il sait le leurre de croire attend l'heure lâche et l'hiver morphine jusqu'à l'endormissement Il hait les petites morts sordides et lentes de ces morts assassines  jusqu'au délitement Il redoute les amours  le chant des déroutes  des inventaires sans âme jusqu'au déchirement Ni pardon ni vengeance  la vie s'effiloche en mitraille lambeaux de ciel échafaud jusqu'au craquèlement  Et si faute d’amour il te blesse à mort que s’acharne le sort jusqu'au renoncement Si je meurs un jour Ne priez pas Riez pour moi Jusqu’à l’embrasement

 

6th DAY

He stares at the concentric circles which form and deform on the peaceful puddle until it vanishes Like so many shadows enclosing his memory they fade his remembrances until it erases Where are the yesteryear dreams the perfumes and flavors the wild grasses until it trickles It runs along the walls ignores whispers walls the silence until it crumbles The mists remain chimeras madness noxious rhymes until it bursts It sublimates the cold his spells the void absence and night until it burns He knows the lure to believe wait for the loose hour and morphine winter until it sleeps He hates the little slow and sordid dead if these murderous dead until it liquefies He dreads love the song of defeats soulless inventories until it tears Neither forgiveness nor revenge life is fraying in grape-shot scraps of sky scaffold until it cracks If lack of love it hurts you to death if the fate persists until it denies If I die someday Don't pray Laugh for me Until it ignites

Paris, 22 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 7


Ton printemps s’invite à la fenêtre et le soleil se joue des ombres Silence pesant – d’une après-midi d’été malgré l’air frissonnant – rompu par le râle rauque d’une corneille graillant d’amour Mars a son armure virale et puisque l’on rationne l’irrationnel… Je m’inviterai dans tes rêves m’y loverai sous la caresse de tes ailes (velours) J’y blanchirai tes nuits (incertaines) de celles qui tombent des étoiles

Paris, 23 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


JOUR 8

Sur les pas empesés Piétinés de pièce en pièce Dans les yeux étourdis hydroalcooliques De l’hydre idolâtrée Je te vois tu t’en vas Tu me mens Tu me manques Tu m’aimes Tu m’émeus Tu me tentes Tu m’étends Je t’entends J’ai cent ans Le temps me manque Je t’attends Fou du roi Tu foudroies Froide reine Roi de cœur En silence En sirène En murmure En murène Emmurée Esseulée Et seul laid Je t’essaime Tu désaimes Je t’enlace Tu te lasses Je te sers Tu me serres Tu m’enserres Je m’enferre Tu m’enterres Sous tes pas empressés À tes yeux éperdus Seize lumières Se sont éteintes Sans étreinte Seize petits vieux Petites vieilles Seize ici quinze là-bas Par dizaines Sans regard Sans un mot Ah mes vos profits Sans regard Sans un mot Juste avec notre colère Légitime Inutile Ah mais si demain

Paris, 24 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 9



Serais-je un écrieur Un qui crie de l'intérieur Qui écrie vers l'extérieur J'écrie t'écrie décrie Tel l'écri des mouettes Insulte aux confiné.es L'esprit de la bohème L'écri de ce poème Blême poètesse Éprise de liberté De vie de mort mêlées D'envies d'ennuis Je ne travaille pas Je broie des fraises Je rêve de braises D’oriflammes rouges En lignes arrières Insipides Tu ne vaux rien Je ne veux rien Sinon la force D’écrier D’azurer D’encieller Charbonner Tant de pages blanches Calciner La morgue à ta bouche L’ineptie de tes mots Ton souffle fétide Le spectre du silence

Paris, 25 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement



JOUR 10


Dans les abysses de tes yeux poètes se noie la mémoire abimée de l'enfance Il n'en reste anesthésiée que l'infinuité de constellations d'étoiles emmorphinisées des millénaires avant des paravents du temps qui s'effiloche et s'efface sombre ou s'envole endeuille le souvenir de cieux séculaires et l’immatérielle envie de magnifier le ciel Et si ton rêve survit si ta sève un jour irrigue le bonheur si ton sang manigance pour égrener les jours pour égrainer d'amour le jardin de tes peines d'autres étoiles d'autres lunes résilientes illumineront les pupilles embuées ombragées de l'espérance jusqu'à la réconciliation de ton âme et de la vie

Paris, 26 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 11


L’écorce sentinelle du marronnier de la cour dit l’arbre et son histoire ses nœuds-cicatrices ses plaies nerveuses temporelles rugueuses ou douces terres promises de lichens et de mousses Ses racines souffrent à fleur de terre et de bitume Lorsque son feuillage vernal presque enfantin renait et bruit au chant des merles des moineaux des mésanges lorsque ses bourgeons suintant attirent dans la ramure les ramiers acrobates qui supplantent entre les murs les cris familiers des élèves l’arbre s’étire céleste et s’enracine en vertige dans l’horizon vert azur et l’ombre d’un murmure

Paris, 27 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 12


Belle ténébreuse énigmatique ton regard océan fascine et invite au silence à laisser rugir les vagues de désir à taire ces mots qui supplient la raison et nous abandonner cœur à cœur à l'essencielle infinie passion Sensuelle Alibech ou fille des ténèbres ton sourire est lumière il illumine mes songes obscurs de ta délicieuse insolente jeunesse Ton épiderme diaphane est doux à mes lèvres qui frissonnent ta chair ensorcelante divinité troublante de nudité sur le cuir du divan Ton frisson soulève mes rêves anachorètes et torturés souffle le voile sur tes reins opalescents et j'imagine mille et une nuits épidermiques dans les enfers de ton paradis philogyne Survivrai-je au désir à son envoutement à sa mort lente et mystique au feu qui me consume comme un accomplissement de ma lancinante mélancolie Saurai-je être digne de renaitre de mes cendres Rendrai-je à ton charme énigmatique et ténébreux l’irradiante beauté de ton infernal et délicieux jardin Saurai-je être à toi

Paris, 28 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 13

De dune en dune en ce soir qui s'étire sans lune sans phare sans fard sans je t'aime je promène sur ta peau la promesse d'un désir le croissant d'un sourire ou peut-être la blessure le parfum de ces murs qui confine à la folie qui confine la folie et son silence On entend même le velours de ta chair incandescente frissonnant sous la plume et mes doigts incertains On entend même le battement de tes cils et le torrent de vie qui parcourt tes veines l’espace de ton corps épris de liberté comme une dernière fois On entend même le sable de tes seins qui ondule au souffle muet de ton cœur dans l'Indécis instant immobile et nu On entend même en cet Éden encloitré la cascade salée de cette sublime perle d’écume exsudée On entend même en mon âme ce poème taciturne et non-né

Paris, 29 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 14

Quatorzaine écoulée une avalanche ensevelit nos certitudes mars s'en est allé Nous rêvions d'océan d'embruns de giboulées de soleil de printemps Nous rêvions de nouveau rivage insensé de blondes sirènes mais du haut de misaine l'horizon s'est voilé l'espoir envolé et l'hiver seule demeure avec ses sabordages et ses naufragées Des iles parfumées il ne reste qu'un gouffre à l'infini béant gouffre du néant des artifices promis il ne reste qu'un cratère sacrificiel inassouvi d'illégitimes amours de piètres trahisons de nos pures passions Nos poèmes nos poèmes de peau nos poèmes de chair nos poèmes de sang de cœur à corps nos poèmes d’âme d’amour ont fini consumés sur le bucher perfide d'inquisiteurs avides victimes assassines De lunes absentes en coupable absinthe vieux corsaire en déroute claquent les voiles et le pavillon de mort et de sang je vous en crève que mon rêve vous hante aux vents d’espérance d’un meilleur avril

Paris, 30 mars Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 15

Tu éparpilles la vie et ses nuages lourds Tu écartèles les mages et leurs recueils censurés leurs poèmes écueils leurs poèmes cercueils d’existences éparses à l’innommable alchimie Tu désavoues dieux pervers et déesses abjectes et les sacrifies sur l’autel des confins tu crucifies les origines et leurs vieilles chimères Tu songes à livrer l’amour à l’ivraie l’amour à l’ivresse à bannir les moissons les arcanes du siècle Tu mêles le ciel de lin l’or des blés de l’enfer l’adventice sanguine opiacée à la mer plombée à l’amère lubie d’un mirage inachevé Tu métronomes les rêves incarcères les sirènes embrases l’espoir à l’aurore calcinée Poète du soleil et des lunes fades au destin sans nom Poète des lumières et des ombres indociles Poète des mémoires et de l’oubli séculaires Poète de l’infini de l’immensité du vide Poète de la vie et de la mort invasive

Paris, 31 mars © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 16


Tu lèves l’ancre des murailles de chairs et de cris largues d’un souffle les amarres d’os et de cendres émascules l’archange d’argile de sa gangrène verbeuse abrèges sa souffrance d’une rature rageuse À l’aube en sa robe asphaltée de foutre et de sang tu dilapides et rends vaine toute espérance abolis le divin et son océan d’ignorance Tu es le phare vulnérable mais fier sur son banc de sable et de craie la foudre et le néant Tu noircis les soleils et blanchis l’horizon captives les heures et remontes le temps Tu perces le mur sidéral au fond de l’impasse des limbes t’y engouffres en lames de larmes dans le vacarme d’un carnaval funèbre Tu jubiles de ces corps drapés de drames de ces noyades d’amour avec ou sans sirène de la violence acouphène de l’incertaine sarabande du temps en avide tocsin d’un printemps qui s’achève en glas diabolique avant même avoir été Tu t’accroches aux aléatoires lueurs éthyliques te retiens aux cordages trébuches sur la grève maudis la tempête qui débrume nos ports Tu hais pourtant le marin titubant sa vieille défroque toxique le vide étouffant les versants volatiles les versets psalmodiés les vers et les rimes Tu écoutes l’attente et son obscène silence Tu écourtes le temps de ta danse macabre l’encercles de tes bras taiseux en rythmes les sens de ce refrain funéraire antienne lugubre et ridicule ad infinitum ad libitum « Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision s’agissant du confinement » « Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision » « Je ne laisserai personne dire qu’il y a eu du retard » « Je ne laisserai personne dire »* Tu n’es plus rien ni pour personne Ad nauseam

Paris, 1er avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


* Édouard Philippe à Matignon le 28 mars 2020 Version originale par Emmanuel Macron sur Twitter le 20 juillet 2017 « Je ne laisserai personne dire que des choix budgétaires se font aux dépens de notre sécurité. » Merci à Laurine Roux de m'avoir inspiré la conclusion de ce texte. 


 

Jour 17


En hommage à Laurent, trop jeune professeur pour décéder du coronavirus

Pourras-tu remonter l'horloge de tes rêves amender les terres noires de ta pensée apaiser la mer moire de tes sentiments et redessiner les courbes de tes déroutes Je lis entre tes mots ces espaces d'albâtre où l'écrit s'évapore dans les cris d'un amour qui se meurt dans les déchirements de ton âme Les étoiles déchues viennent par centaines périr sur le bitume piétinées souillées par les chiens et les pas pressés de passants inquiets Nous les laissons-là avec habitude s’effacer sans deuil ni cérémonie dans la honte et l’oubli les limbes des cités

Aucun dit pour l’indicible aucune haine aucun pardon pour de s(m)inistres imbéciles qui abandonnent cœur et raison

Paris, 2 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


JOUR 18

Tu es mon ambroisie Ma césure à l’hémistiche L’amertume et la vertu Le psilocybe et sa sagesse insipide Les psaumes et leur opaque pythie Mes poèmes résorbés Le métronome monotone et nu L’océan belliqueux et fier La marche au clairon de l’aurore Mes recueils inédités Mais tu cisèles mes maux M’inocules ta folie Arrimes mes rimes Pauvres et riches Fêles mes verres À moitié vides De ton acerbe absinthe La mort s'en fiche Et sa voix cristalline Recueille en mon cercueil austère Les priapées que je n’aurai pas lues Tous ces vers que je n’aurai pas rêvés

Paris, 3 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 19


Je marche sur un fil d'acier entre Charybde et Scylla fil de vie fil de soie fil de soi Je funambule ma solitude dans les interstices de mots Je suspends leur sens et mon spleen au-dessus du vide Au-delà de cet insolent printemps morose et noir je nous projette de la fenêtre vers un solstice incertain un serein idéal de cerises et de roses de tridules d’arondes des dunes nues et blondes et de tumultueux estrans Après la mort l’amour

Paris, 4 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 


JOUR 20

(Un temps périt)

Le temps m’importune lorsqu’il est sentinelle cartographie les étoiles meurtrit le printemps transite en mes chairs sillonne mes rides scrute mon destin déteste mes rêves contient mes amours et mes désirs d’ailleurs en sa ligne de mire retient mes pas pressés ou perdus détient les clefs de ma geôle maintient l’ordre despote entretient la haine et soutient le pire Mais le temps m’appartient je l’abolis l’atomise l’alchimise le tempsdescerise Puis par la lucarne à la cantonade je chante l’appel à l’escapade m’évade avec mes troubadours mes camarades L’espoir bientôt soufflera sur nos barricades

Paris, 5 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 21

Mon être est un âtre Il n'est parfois que cendres Mais quand ta main d'amour y rallume une flamme quand de l'étincelle jaillit le feu qui réchauffe le cœur et illumine la nuit je suis un autre Et j'aime cet enfer-là

Mon être est un éden Il n’est parfois qu’argile boueuse Je m’y enlise souvent m'égare sur les sentes sinueuses de nos sentiments mes mots bafouillent et se pétrifient Alors ton amour aspire mes pensées ta peau douce et ta caresse nue lissent mes aspérités gomment les grilles le printemps gazouille et refleurit Et j’aime ce paradis là

Paris, 6 avril

© Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




 

2e partie


JOUR 22

Dans nos nuits spectrales Poètesses vos mensonges sont vérité Vous absorbez la folie du monde De toutes vos failles de vos cervelles et sangs d'encre jaillit la lumière Écrire mithridatise Vous lire immunise

Paris, 7 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 


JOUR 23

Tout sombre dans tes rêves trop de gravité de pénombre bleutée trop de ténèbres passées de rêves amputés Mer sans phare ni lune navire sans fanal cale sans réverbère Sans flamme sans âme hommes et femmes en marche uniformisées laissent la tendresse se noyer dans les rigoles ternies sans les étoiles qui s’éternisent sous les yeux du gosse que je fus sans les yeux de celui que je restai Sur le chemin de l’école j’imaginais souvent l’odyssée des feuilles de mahonia de troène ou d’épine vinette délicatement posées sur la vague du caniveau qui sentait l’averse ou la lessive tiède Longtemps je continuais à divaguer avec elles jusqu’à ce qu’elles s’estompent ou disparaissent dans le sourd fracas de mon rectangle des Bermudes ou plus tôt les jours de frimas dans le manteau de brumes vaporeuses émanant de mon Gulf Stream J’embarquais mousse ou capitaine vers d’incroyables destinées sur ces instables vaisseaux et leurs gréements de fortune guettant de mon mat de misère d’inconnues et fabuleuses contrées Je n’étais pas pauvre mais avide et riche de ces aventures qu’on n’achevait jamais même si funestes s’usaient les piles sous l’édredon Les rêves voguaient sans ancre sans amarre jusqu’à l’aube nouvelle

(à suivre)

Paris, 8 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 


JOUR 24


(suite du jour 23)

Tout sublimait la nuit ses arabesques noircies ses invisibles lunes ses défuntes étoiles scarifiées Même mes amours noèmes mélusinées leurs oblongues fées stellaires blondes et fières sirènes berçaient d’un long poème l’âme amère morte d’une jeunesse menottée sacrifiée L’école finie dissimulé dans les champs après quelque chicane je pansais mes plaies en imitant les oiseaux Épris de liberté lunaire j’inventais l’univers le dessinais en mots les laisser voleter frivoles et libres dans l’immensité lumineuse du ciel d’Aunis je rêvais l’avenir étoilé qui ne serait pas le mien Je poursuivais les éphémères guettais les insectes sur les bleuets et pavots sauvages Puis dans les fossés pour me faire pardonner genoux et coudes à rapiécer échancrures à repriser je cueillais en bouquet luzerne et sainfoin et rentrais en course folle pour défier le temps

Esclave et maitre de mes rêves

Paris, 9 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 


JOUR 25

(suite du jour 24)

Tout était règles et devoirs Âpre telle une prunelle et fier jusqu’à la nausée Terre hermétique émétique hiératique hérétique pourtant hospitalière souvent Le printemps tout était insolence L’exubérante et trop éphémère floraison du cerisier

Sa Majesté Céleste

infertile et somptueuse finissait en tourbillons de neige cathartique insolentes batailles de pétales éclats de nos rires cris étouffés de rose Et la marche turque L’été tout était sensualité Le piano disséminait ses notes insouciantes Nous savourions les fraises volées mûres à peine aux merles mystifiés Les tomates gorgées de soleil s’écrasaient entre les lèvres réveillant les papilles avant l’âcre fumée des queues d’ail Et les scènes d’enfance L’automne tout était douceur Ces soleil dormants doraient l’écume À la musique apaisée sur les galets instables des vagues mourantes retournant vivre vers le large en se mêlant au vivant se joignait la complainte de Myria la Repentie fantôme des falaises et de mon Colorado Et le temps de l’été L’hiver tout était chaleur La lente dérive du soleil contrastait avec la course des nuages Emmitouflé derrière ma fenêtre je contais à la mine blottie sur mon épaule un bestiaire fabuleux Cette faune onirique s’accrochait aux ombres mouvantes et claires des tilleuls et s’essartaient sous les assauts du vent de galérne Je buffais sur les carreaux pour y dessiner mes affres Et la lettre à Élise Exquise et cruelle mémoire des sens Ne t’avertis-je pourtant insoumise naïve de ne te laisser asservir broyer conformiser entraver au néant Hommes et femmes en marche ne laissent rarement place au rêve

Paris, 10 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 26

Après le grand ménage de printemps il fait soleil dans ma mémoire Jetés aux oubliettes les gris souvenirs Mais il doit bien rester pourtant les séquelles d’orages anamnestiques des arbres calcinés de coups de foudre des terres ravinées par les pluies torrentielles des tympans brisés par le martèlement du tonnerre Il doit bien rester dans le noir tapies dans les coulisses d’obscures traitrises inavouées de scélérates blessures à jamais incicatrisables d’illusoires absolutions et d’insolvables prescriptions Mais nous vivons

Paris, 11 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 27


(on n’oubliera pas)

Je ne suis pas sourd j’entends chaque soir se mêlant aux cloches ou vice-versa vicieuse et versatile la claque du vingt heures les cinq mille soldats de Néron et les anges de Jupiter Je ne suis pas sourd et me suis même laissé certains jours chavirer emporter par l’élan d’un peuple communiant son soutien aux soignantes Je ne suis pas sourd Mais j’entends le chant capital des sirènes argentées sur l’écran de fumée écran d’encens sacrifiant sur l’autel du profit de la rentabilité le patrimoine l’énergie les transports l’école l’hôpital il nous prie d’applaudir nous prie d’obéir nous prie de croire nous prie de prier nous prie d’entonner de profundis aux funérailles des Jours heureux Je ne suis pas sourd j’ai toute ma mémoire debout les damnés de la terre demain nous appartient

Paris, 12 avril Texte et photo ci-dessous (première version manuscrite) © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement



 

JOUR 28

J'aimerais que mes jours ne voient jamais mes nuits Je les rêverais à en crever Je les écrirais à en crier Je les aimerais à en brûler

J'aimerais que mes nuits ne voient jamais le jour

Paris, 13 avril 2020 © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 29

(Mania Mainadôn)

Tu danses les absences les silences Tu butines le temps l’attente Tu pulvérises l’espace l’exil Tu supplies le soleil de calciner son souvenir Tu énerves le hasard et bouscules les oracles Tu esquives tu brises la faucille de Chronos ligatures ses veines éparpilles aux vents ses parcelles de sable et de tissus ses fragments d’os et sa rage Tu crucifies sur ton chemin comme par routine les Kères brunes bleutées de haine Tu sèmes le trouble est-ce vengeance d’attiser les braises d’enflammer les sens Tu séduis Thanatos par la malice de tes yeux le sucre de tes lèvres la pointe de tes seins déposes sur ce visage d’éphèbe androgyne un baiser velouteux Tu embrases tu inondes son corps d’ange gracile de caresses soyeuses éveilles son désir incestueux Puis de l’acide de tes larmes du tranchant de ta lame tu lui excises les ailes désenclaves les rêves désentraves les chimères libères les destins séquestrés phagocytes les enfers Alors tu purifies ta chair et ton âme au confluent du Styx et du Léthé À l’air libre les éphémères s’enivrent du nectar des argémones À tes lèvres cette suave langueur un sourire un graal un philtre de lambrusque et de népenthès Évohé Sensitivement tu te mets à danser tournoyer autour de ton thyrse écarlate tutoyer les nues et le rêve d’Icare Évohé Tes mains célestes glanent comme une offrande les soleils oubliés L’éternité

Paris, 14 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 30

Tu combles les vallons arases les collines assèches le lit des ruisseaux amasses les mensonges assassins Tu dépoussières la mémoire dérobes les souvenirs achèves les rêves L'horizon suinte de sueur et de sang Blessé sous les bombes il trouve la force de valser en silence Son chant en sourdine enserre sans y croire ma carcasse solitaire engluée dans le bitume d’une ville abandonnée Et l’on enterre les rêves les cris dans des tombes de verre Les herbes folles au cœur rêche au derme épineux poussent dans cet erg noir de silence et de doute Je repousse la vision de ta peau mais ton puits sans fin m’aspire

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Au vingt heures et deux minutes le lundi l’oracle despote joue avec les maux une pièce fétide et faussement contrite Apocalyptique et pathétique il déjoue les mots en apoétique écholalie il se joue de l’être il brouille les contours contourne l’humanité ses mains ses yeux le trahissent son fard masque à peine sa fourbe et sa haine que déverse l’envers du décor il macronise les Jours heureux Qui pense encore qu’il pense ce qu’il dit

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Les milliards d'étincelles suspendues dans ce ciel sinistre salissent ma mémoire et l’endroit de ma jeunesse de tes blasphèmes sordides de ta haine grise aigrie et tes factices je t'aime  signent l'avis de décès de tes amours réversibles singent l'histoire de ta vie sans passion Tu n’es rien Et rien pas même ma mort n’empêchera mes mots de sortir vers les vivants Je t’expire

Paris, 15 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

31 jours.

Un long, très long mois. Ce texte tente de rendre hommage aujourd'hui à celles et ceux qui accompagnent, dans des conditions souvent extrêmement difficiles, parfois au prix de leur santé, faisant courir des risques à leur propre vie, les dernières années, les derniers instants de nos ainé·es, dans la solitude d'une chambre où il·elles sont parfois comme confiné·es depuis bien plus d'un mois. Ce que la crise actuelle n'a fait qu'accentuer. L'occasion de dire ici qu'une réforme des retraites qui ne prendrait pas en compte les personnes âgées de notre pays, leur fin de vie dans la dignité, quand elles ne peuvent plus rester seules, ne pourrait qu'être combattue, et, je l'espère, vouée à l'échec. Il est urgent de repenser le service de santé dans son ensemble, en incluant la perte d'autonomie, de lui donner les moyens humains et matériels, d'en faire un des grands services publics prioritaires, de le sortir de la logique du marché et de ses marchandes de vieillesse. Car les applaudissements de vingt heures ne doivent pas masquer ce que devra être l'après, le pire étant que l'après ressemble à l'avant.


 

JOUR 31

Dans cet hospice miteux aux corridors sombres et fades aux chambres obscures et fétides où s'éternisent les fins de siècles où se confinent en s’y perdant les cœurs arides plus ridés que les visages les yeux emplis de vide sans lendemain sans larme les mains tremblantes sans épiderme à caresser ces doigts qui se tordent de trop attendre les faux-semblants quand le temps acariâtre égrène chaque filandreuse seconde chaque male heure la douleur d’être encore et l’étouffant silence qui précède la nuit quand l’envie dévie renonce au soleil tu cautérises les destins égarés tu constelles les regards déboussolés tu combles les ornières du temps affolé tu poétises le sépulcre aux murs blêmes et chaque souvenir radieux qui remonte à la surface de ces corps hagards endouce l’âme les fait frissonner de plaisir soutire l’ombre lumineuse d’un sourire simple éphémère simple pétale simple miel de vie Merci

Paris, 16 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 


JOUR 32

Demain nous serons forgeron·nes pour manier le marteau battre le fer encore chaud ciseler la faucille sur l'enclume des mots Demain nous serons hérauts d'un monde frater.sororel et social garant·es des droits de chacun·e des valeurs communes et des idéaux de paix Mais aux premières lueurs de l’aube une funeste corneille achève mon rêve encore beau le jette à la corbeille des promesses Dans son costume funèbre elle corbine sur l’encorbellement babille de corbillards et de corps beaux dans la mort


Paris, 17 avril

Texte et photo (Jardin des plantes de Paris, décembre 2015)

© Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

17 MARS - 17 AVRIL


Un petit bonus en ce 32e jour de confinement pour "fêter" ce premier mensiversaire de confinement...




 

JOUR 33

Quel est ce ramdam qui cogne à mes tempes qui rompt le silence qu'hier j'abhorrais Quels sont ces fantômes qui errent dans mon âme traversent ses murs À qui sont ces chaines qui brident mes rêves Ton cœur donne au mien son rythme et sa souffrance On meurt de trop de sel de sols arides de calvaires de granit et de soleils noirs On meurt de trop vivre trop marchander trop dépenser On meurt de trop emmarcher de trop avaler de reptiles on meurt de trop parler de ne rien dire d’écrire sans partage de trop embrasser trop mal étreindre Et si demain si demain s'ouvre la porte à l’aube aquarelle Si demain ciel terre et mer entonnent en chœur un hymne nouveau Si demain les poings se lèvent pour que fane le profit inventer l’impossible s’autoriser solidaires Si demain hemmes ensemble de tous âges mêlées se donnent la main refleurissent les âmes grises arcencielisent nos vies alors seulement alors peut-être je t’envolerai dans cette farandole sans doute un peu folle sans doute titubante vers des Jours heureux

Paris, 18 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 34

11 mai une éternité pour cette guimbarde en muselière par la lanterne la mer ou le ciel je ne sais plus je mettrais bien les voiles dans ce zinc de frise Hiva Oa J’ai rendez-vous avec Paul et Jacques apéro des arts je reviens ce tantôt les vacances s’achèvent et demain le prince silence restera souverain suprême même s’il n’en finit pas de gémir dans l’agonie d’une sorne qui renonce à l’éclipse et s’incruste au petit jorne

Paris, 19 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 35


Le jour la nuit le jour fait nuit du plein jour en nuit pleine L’école La maison maison-classe maison buissonnière Rien ne colle Rien ne tient Tout s’emmêle tableau de fumée sur écran blanc d’encre école sans rire ni couleur ni dispute ni cri Même l’oppressante ou libératrice sonnerie depuis trente-cinq jours ne martèle plus les bruyantes allées et venues Spirale caustique du silence sous mes pas étouffés surtout ne pas réveiller les spectres les ombres fantomatiques leurs danses stagnantes les œuvres inachevées et vos visages pétrifiés «UN PEU DE BRUIT S’IL VOUS PLAIT !» Le vieil escalier craque pour unique réponse Saturne semble avoir sévi plus que Jules dans ce lieu sombre et taiseux Cœur harassé pétrifié corrodé par le vide désormais insensible aux yeux sanguinolents de l’enfance qui passe

Paris, 20 avril © Autobiopoèmes, 


 

3e partie



Toujours confiné·es.  En profiter pour redécouvrir ces petits riens du quotidien,  ces petites merveilles que le temps pressé nous contraint à délaisser trop souvent.  Besoin de se réapproprier le temps.  Et l'espace. Nous, en fait...


 

JOUR 36

Âme ciel d’orage au cœur de mes nuits-pages blanches au creux du souffle évanescent du temps qui se fige ou ruisselle j'implore la muse infidèle  qu'elle inocule son venin- suie dans les veines de mes ténèbres distille ses amours ses haines

Je m’abandonne à tes doutes tes peines et tes deuils


Paris, 21 avril © Autobiopoèmes,Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 37


Les ombres naissent de la lumière

Comme je sais l'amertume à tes lèvres j'ai la saveur du sucre comme je sais les apparences trompeuses et l’envers sordide la fétide beauté du silence et les flots qui me bercent ou me saoulent je m’enveloppe des fragrances légères du vent Nimbée d'amour en mandorle d’améthyste à contempler le ciel Angesse en disgrâce tu veux briser le carcan qui t’emprisonne aux confins de l’absurde Au savoir vivre à la pleine lumière je préférai la pénombre la folle ivresse d’un amour libre et céleste

Je me lovai dans tes bras j'étais dans de beaux draps et froissai tes soies et dentelles On me disait souvent tu n'as besoin de parler traitres tes yeux parlent pour toi d'amour de désamour de bonheur ou de mélancolie Mais garde la mémoire les baisers de mon regard Et l’incandescence de tes nuits

Paris, 22 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 38


Un courant d’air audacieux marin une fenêtre claque sur le quai des mouettes tourbillonnent rient dans la cour d’école au-dessus de la dune de marronniers vole au vent le sable de leurs fleurs Un irrésistible désir de sortir sans esquisse sans clepsydre de parler à l’écume au vent de la lancinante mélopée des vagues funambuler sur l’horizon exorciser le maléfice voguer à l’aveugle accoster libre les sirènes lascives à Cythère ou ailleurs sur une ile incertaine oscillant sans sextant entre elles insouciantes et mon irrésistible désir de séduire les plus belles les plus blondes libertines de noyer les amarres ne plus revenir et comme une antienne défier le sort renier les ports défier la mer renier l’amer défier l’amour renier la mort

Paris, 23 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 39

Ce ramier n’en fiche pas une ramée il coule des jours heureux se laisse griser à la brise s’ensoleille et parade roucoule dans les rameaux et volète d’ombre en lumière Le dandy fait la cour à la palombe amoureuse qui se dandine débourgeonne en trapèze et gloutonne de sève s’enivre et chancèle Tourterelle et tourtereau se caressent semblent s’étourdir sans pudeur en l’éclat nuancé de leur plumage Sous les ébats de l’oiselle et de l’oiseau le marronnier enneige la cour de ses volatiles pétales Rassasiée elle et lui recouvrent de fientes comme un tapis de mousse les marelles des enfants Amours de cour coprolithique et cuprolithique

Paris, 24 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 40


La morsure de mon poème – prétentieux – est comme celle de l'aube – rhododactyle – Elle te saisit au réveil te fait sursauter te glace les veines te lacère Tu maudis me damne me condamne Tu frissonnes

Finalement tu l'aimes ce petit rien cette morsure d'ange Le temps s'insinue dans tous les interstices ton anneau saturnal

Je vis et je viens me satelliser t’indissociabiliser Tu médis Tu me dis Je t’aime

Paris, 25 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 41

Nous étions belle sous le soleil Il dessinait par les persiennes Sur tes seins tes hanches merveilles Des ombres marines vermeilles Danses ou transes dionysiennes Nous étions folle sous le soleil

Paris, 26 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 42

Que de remous d'amours Dans mes méninges Je nage j'emménage Sur la crête écumeuse

De vagues rêves Vaguement je divague En vers je rime et dérime Mes amours se mirent Se nouent se noient En mer moire se meurent Je n’entends ni l’orage Ni ma rage en écho

Insonore hurlement Indolore sentiment Inexorablement

Trop sensiblement

Paris, 27 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 43

Le temps s’évapore léger comme une enclume J’observe impuissant ses allées et venues Ses virevoltes rythment les heures J’écris son inconstance son impudeur Il enchevêtre les jours ride les rêves fane les visages au fond des geôles Il assèche les sources flétrit les âmes comme un coquelicot dans son bouton Son miroir de larmes reflète ta peine et la vie carcérale d’un printemps avorté Je n’aime ni son masque inutile anonyme ni ses peurs incontrôlables Je récuse tes artifices tes faux-semblants et préfère tes fêlures tes esquifs tes naufrages Tu déraisonnes sycophante d’indifférente mortifère en amazone amoureuse Tu aguiches je succombe

Paris, 28 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 


JOUR 44


Que sont devenues mes nuits de Paname parnassiennes amoureuses peuplées de féetauds et de fées Elles s’allongent en ce printemps viral et confiné qui tourne à l’orage prennent la teinte livide des morts sans visage sans nom sans deuil sans larme À peine un soupir un ultime et ces corps s’entassent sans âme sans adieu statistiques sordides dans les cases d’un tableau graphiques et diagrammes vides de sens emplis d’oubli


Paris, 29 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement





JOUR 45

J’aime dans un songe écouter la nuit clandestine les bruits étranges de la ville perverse aux murs nus et sales ses murmures amoureux sans âge ni passion qui gardent en âme une laisse insipide incolore inodore J’aime la nuit lorsqu’en songe passe une angesse sans bruit que le bruissement de ses elles et le mythe miteux son pucelage improbable et le sel sentinelle qui me ramène sage à la déraison

Paris, 30 avril © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement





JOUR 46

Ce confinement me désincarne je deviens félin mystique et gris mistigri j’oscille sur le seuil à la lourde entrouverte bacchantes en alerte Il est trop tôt ou peut-être un peu tard fait-il assez jour sous ces cieux menaçants Il n’y a dehors pas un chat ça m’inquiète mais au loin n’est-ce pas un cerbère un cabot qui musèle son maitre et le tient en laisse poil hérissé je sors mes griffes prêt à bondir il vaut mieux être sage rebrousser chemin repousser la porte je me dois de sortir le muguet est en fleurs la fleuriste n’attend pas et minette me tente cette chatte a du chien N’est-ce pas la bruine qui vient lente et pénétrante et sent le chien mouillé ce soleil m’éblouit le vent se lève un frisson sur mon échine des frimas au mois de mai le bitume m’agresse mes coussinets suintent ne serais-je pas trop gris Je suis agoraphobe il faut battre en retraite un molosse robocopé sous son masque attend que je sorte cet autre mâtin sans son masque me dis viens coco je te hais te confine te coronavirusse te dégrise en cellule chien bleu chat noir chauve-souris Sauve-qui-peut je suis pantophobe pangoline-nous reconfine-nous étrange étrangère LBD mon amour ma petite bombe lacrymale je miaule feule et rugis minouche avertie vaut deux crimes pauvre j’enrage de ces rimes qui ne riment à rien Trop de monde sur la ville piétine ta liberté d’être et d’aller là où bon te semble les grands te bafouent foulent aux pieds sur la grève les conquis sociaux nos jours heureux nous Premier mai confiné premiers pas printaniers c’est le manifeste du mois mon manifeste à moi je suis chat gris blanquerisé macronisé échaudé chassé de ses châteaux en Espagne

Paris, 1er mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement




JOUR 47

Quand le rêve m'abandonne sur les chemins escarpés d'un avenir incertain quand il m'emprisonne dans ses geôles froides le regard attiré par les flammes d’une forge mythique je m’égare Le ruissèlement de la lave qu’attise le soufflet me consume à ses mots à la morsure du brasier à la brulure de la langue à ces cris bâillonnés nos vies martelées trop approchées du soleil Vulcain frappe à la porte de mon cœur en enclume ce fatras du silence m'oxyde m’étourdit J'entends au loin corner le train dans la brume des jours je siffle l'ultime bouteille comme on en jette à la mer au destin maudit avec nos amours nos larmes rouillées Mène moi jusqu'aux rives de tes rêves dans nos dérives  vers la beauté nue  de nos errances folles en terre éphémère où nos vies s'achèvent en feu d’artifice

Paris, 2 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

48th DAY

Those uncredible stories rocked my childhood I end up not believing it anymore and concocted my own dreams I imagined many words created a magic world many ladies many lords I played with them I lived with them I sleeped with them I imagined many words I was drewing them in my soul I awaked them for life I was an creative and music god I met loves in bosom of my child life but I put on gloves I covered my heart my mind on my silly soul with a heavy black shroud I'll never dream again those scenes from childhood Thanks to the piano and Robert Schumann

Paris, 3 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 49

Saurai-je un soir éteindre les étoiles endormir mes neurones sur la plage dormante m’abandonner à la mer étale me livrer cœur et âme aux bras de Morphée m’y confiner noyé de larmes létales Je te sais par corps jusqu’à l’arc-en-ciel de nos nuits violines jusqu’aux tréfonds de ta chair jusqu’au phare chancelant sous l’assaut des vagues sans peur sans colère contre l’écume acérée que laisse le flux capricieux de ses lames sur ta peau et le sable dans tes replis les oyats sur tes dunes le vaisseau naufragé et l’ebbe sanglante qui glace les os Alors pourquoi ces limbes ces falaises crieuses ces rafales ces révoltes qui sapent l’argile les fossiles de craie pourquoi ces armes insoumis amour ces fleurs de sel qui souillent le revif de mes rêves palimpsestes les parsèment de galets d’éclats de silex pourquoi le silence de nos sexes après le tumulte des tempêtes Peu m’importe s’il est tard à ta montre Peu m’importe puisque la mer monte

Paris, 4 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 50

J’attends dans le silence inquiétant de la nuit blanche et noire Pourquoi n’entendre ce soir que les battements de ton cœur heurtant les carreaux ruisselants et le souffle angoissé de ta bouche soupirer sur mes lèvres closes La nuit muette crie sa souffrance dans l’ombre de ton absence Les mots se consument avant d’être dits Mes rêves parcheminés meurent avant de prendre vie J’attends dans le silence inquiétant de la nuit noire et blanche que s’estompent les silhouettes monstrueuses Pourquoi le jour libérateur ne nous sort-il pas de la frigide torpeur pénétrant nos corps confinés et mouillant nos draps gris et rêches où le ciel éteint l’assurance J’ai la gorge sèche d’avoir trop brulé les mots avant qu’ils ne t’atteignent J’ai l’âme épuisée d’avoir tant et tant espéré le printemps quand l’hiver étreindra l’été Je retourne à ma nuit contaminée J’implore le crépuscule saumâtre et blasphème ses chimères virales Je t’écris de ma nuit grise et cendrée de mes cauchemars sismiques et m’endors aux rives étranges d’un horizon lacunaire inversé Autour la ville se lève halète et germe Je te sais gémir J’aime te sentir arriver te draper de plaisir et de ciel saisir le rayon d’un soleil lunaire ensemencer l’espoir

Enfin le rêve vit


Paris, 5 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 51

La nuit desserre son étreinte et ce qu’elle avait figé Impuissants les marronniers en deuil sacrifient au bitume leurs fleurs de sable et mes fêlures d’intranquillité la cour est leur morgue Il neige en mai des flocons de colère dans la chambre mortuaire aux anges transis Les géants d’orgueil reprochent au jeune lilas blanc de la cour voisine son insolente candeur Tout tremble jusqu’à l’ombre floutée des cheminées sur la tôle du toit d’en face Le ciel de coton pour des rêves douillets où le chant des oiseaux berce l’invisible hésite entre grisaille et azur semble s’étirer dans le doute du petit matin fébrile La brique et la pierre ternes s’éclairent peu à peu Le soleil impose sa force à la pénombre cueille le jour et la pomme interdite efface l’ardoise de mes festins solitaires gomme la sorgue agonie mais m’en abandonne les stigmates efface les marches du temps

J'éteins le réveil Étincellent le zinc et l’Huma du matin

Paris, 6 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 52

Dans ce chemin bordé d’aubépines et de ronces de noisetiers et d’érables entre ville et campagne entre école et palisses d’infantiles ou d’adolescentes histoires d’errances premières idylles premiers émois premiers effrois premières magies naissent vivent meurent portées par les vents les corps et les cœurs au firmament Je n’ai pas oublié que je t’aimai

Paris, 7 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement


 

JOUR 53

à Lily

Ce confinement là-haut leurs crécelles masques et lourdes bergamasques grasse commedia dell’arte confinent à l’absurde crispent l’en-vie diffament le désir entorturent le travail agonissent la paresse blasphèment l’artiste éclipsent la culture aliènent l’hemme et mutilent l’avenir

* * * * * * * * * * * * *

Dans l'attente d'un meilleur demain tu comptes les lattes du parquet des persiennes les barreaux du balcon les fenêtres d’en face les clochettes fanées de chaque brin de muguet ou les pieds de mes vers avec et sans diérèse


* * * * * * * * * * * * *

Tes pensées se perdent tes soupirs s’évanouissent l’horloge de ton cœur rythme-t-elle encore l’incertitude insoutenable de l’instant

* * * * * * * * * * * * *

Mais soudain de la monotonie psalmodiée des jours de la grisaille des failles indociles entre mais au-delà les murs ta voix retentit crescendo cristalline ravive et désaltère l’âme comme le chant des cascades dont on se rapproche après une marche harassante intemporelle et fragile comme l’écho brisant la solitude

* * * * * * * * * * * * *

Alors tes mains tes bras tes épaules se mettent en mouvement ton visage s’illumine tes rêves t’élèvent tu te mets à danser en lentes arabesques puis dans un tourbillon d’ellipse en spirales libre insoumise audacieuse et frivole tu brises les césures éparpilles les rimes chorégraphies la vie sublimes le corps t’accapares l’espace tutoies le ciel et la lune délivres les étoiles enrôles les puissances insultes le temps contamines le silence assassines le vide poétises le réel ressuscites l’espoir

Paris, 8 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement

 

JOUR 54

Dehors le silence devient lourd Dedans l’atmosphère oppressante Elle annonce sa venue par un lent trille tambourine à la fenêtre palpite s’emballe au loin un tremolo de tonnerre l’orage approche résolu déchire un ciel en deuil accroche sa zébrure accelerando La violence de l’averse surprend d’abord verticale et drue d’une violence indomptable la rue s’agite lessivée les passants imbibés s’affolent s’abritent leur course s’efface sous la grisaille parfumée d’asphalte Le vent se lève et tout se met à danser les gouttes martèlent le carreau cascadent Je suis leur valse-hésitation leurs rencontres impromptues elles enflent et se séparent destin fragile et fugace Tout cesse comme on a commencé laisse d’éphémères stigmates des arabesques ruisselantes Bientôt le vent faiblit assèche les pleurs Prudent j’entrouvre la fenêtre Le merle assouvi s’amuse à siffler Un roucoulement lui répond dans les effluves de terre cielleuse Le cours des heures berce les ombres et les cœurs diluviens

Paris, 9 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement



JOUR 55

à Toi, pour un 10 mai

Je compostais souvent mes pages imaginais les confettis du poinçonneur Je regardais par la vitre défiler à grande vitesse la vie ma vie Puis je délaissai la foule des grandes lignes pour des tortillards tranquilles je me trompais parfois de train en hasardeux aiguillages je déraillai de temps en temps Épris de liberté je récusais les contrôles pensais lutte des classes justice sociale J’arrivai sans doute trop tard sur le quai bien des fois ou seulement quelques secondes après le départ Je crus voir à tort le bout du tunnel arriver à bon port après trop de rendez-vous ratés de correspondances interrompues De province je rêvai d’Austerlitz mais subis Waterloo Je posai mes valises au Terminus Nord en fredonnant Le Sud Je regardais les êtres qui n'étaient déjà plus pleurer sur les marches Je voulais les consoler sans oser à peine l’esquisse d’un sourire combien en laissai-je s’éloigner combien restèrent en gare alors que je partais Un jour de pluie mes caténaires rompirent je bannis le pantographe tirai ma sonnette d’alarme sautai du wagon gris en marche trébuchai sur le ballast butai contre les traverses pour marcher vers le soleil Je bloquai les aiguilles de l’horloge de fer vidai la clepsydre chantai les cerises et le merle moqueur Je rêvai d’autres chemins sans queue ni tête champêtres ou boisées à la mer à la montagne la vie l’amour toi nous sans fin


Paris, 10 mai © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement



Voilà... 10 mai 2020, dernier jour du confinement. Prenez soin de vous, de vos proches, peut-être encore plus maintenant.




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