~ de juillet à décembre ~
Textes écrits de 2000 à aujourd'hui
GRAZIE BELLA GRAZIA
à Margot
Qu’il pleuve
vente
bourrasque
tonne
sous des ciels d’encre ou de colère
le maussade s’évanouit
ici n’est plus Paris
tu m’évades aux accents doux et mélodieux du Piémont
lorsque ton sourire irradie le jour
ensoleille la nuit
Bella ciao
Paris, 1er juillet
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
QUAI DES AIRS
Sur le quai des airs
j’attends
un nuage s’effiloche en gouttes de rêves
bousculé par les vents les courants
j’entends
sa colère sa rage zébrer le ciel
Il passe dans un fracas
de métal et de sueur
et les vibrations de l'être
soudain le déluge cesse
j’essore mon cœur
l’enserre en ma besace
dans le parfum de tes lettres
j’attends
l’essence des sentiments
j’entends
l’absence de tes pas
et l’incessant océan qui pilonne mon âme
Courseulles, 2 mars Paris, 5 juillet © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
TU N’AIMES PAS LA POÉSIE…
Pourtant tu l'apprivoises câline chaque matin de la douceur satinée de la couette à la caresse féline À vous deux
vous ralentissez la course du temps tu déjeunes d'un croissant de soleil d'un vers de rosée et s'il pleut tu ne vois qu'arc-en-ciel Ton miroir l'absorbe
avec ton reflet
Tu parfais la rime
quand tu veloutes ton sourire pastellises tes paupières combles les rides charmeuses de la nuit Elle te met en retard chante la liberté laissée à tes boutonnières les plis de ta robe angélique virevoltent sous le vent et le regard des passant·es Elle s'accomplit avec le cœur que tu poses sur ce qu'on ne voit pas gens et choses sans importance Au travail adonnée en terrasse animée 'calme et volupté' Tu es sans le savoir sans le vouloir jusqu'aux volutes célestes de ta cigarette Poésie Et je t'aime ainsi même si tu ne lis pas ce que j'écris
Paris, 5 juillet
Longues-sur-Mer, 14 août
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
RENTRÉE PASTIS
Rentrée des classes
et pourquoi pas
porte des rêves
balade sur la grève
lutte des classes
ouverture de la classe
envolée la classe
classe en l'air
en plein air
au bon air
la classe
Paris, 1er septembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
Si je ne compte pas celles qui sont juste de l'école de la vie, c'est aujourd’hui ma... 51e rentrée scolaire ! Ma rentrée "pastis", en quelque sorte...
DIMANCHE MATIN D’AUTOMNE
Les marronniers sont depuis longtemps rouillés
Il pleut des écorces de platane
dans le café de la vieille dame
et sa compagne sursaute
elles éclatent d'un grand rire sonore et joyeux
Le soleil de septembre chauffe les pavés fissurés
je me faufile entre paniers et cabas
Un vieil homme joue de la guitare
elle sonne comme al aoud
mais son timbre est couvert par les cris des marchands
On entend parler melons et mirabelles raisins pour pas cher – ce n'est pas un avis en partage
à l’étal on brade le vrai et pourtant on le jure
Je traverse le marché comme un grand voyage vers la porte dorée je m'arrête à chaque mot chaque geste chaque parfum
de mer ou d’orient à la futilité des choses et des êtres
Paris, avenue Daumesnil, 4 septembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
BRIS DE VIE
D’après une création de Magali MO
Il était tard
j’ai brisé le verre à ma main
j’ai jeté le cadre
son bois s’est éparpillé comme autant de petits os fracturés
j’ai déchiré la photo
ai rendu méconnaissable
le reflet de mon regard
coupé mes cheveux
tailladé mon trop-plein d’opaline
Tu voulais recoller les morceaux
comme à chaque fêlure
vite balayer les échardes sous le tapis
pour ne pas risquer la gangrène
panser mes plaies
pour masquer tes méfaits
rassembler les bribes éparses
au soleil de fin d’été
crucifié
dilué dans un ciel sans nom
sans avenir
Je ne voulais ni cicatrice
sous tes sparadraps
ni mon visage en puzzle
version mille pièces
comme un rire scotché jauni par le temps
flétri par l’attente
couleurs passées par ta lumière divine
et le sel de mes larmes
Tu voulais rassembler nos souvenirs
sans les miens
recoudre mes rêves
les suturer sur ma peau
comme ton chef d’œuvre
où chef est ton maitre mot
je ne serais que ton hors d’œuvre
comateuse
je rêvais d’églantine
tu m’abreuvais de muguet
tu transformais mon Premier Mai en jour de toussaint
tu hurlais m’aimer pour deux
mais tes mains mentaient
tes mains
ta peau
ta bouche
tes yeux
tout en toi mentait
Alors je ne veux plus
que tu me colles
que tu me touches
ni au cadre brisé
ni à mon portrait déchiré
je ne suis plus
mais je serai
Et je ne me laisse plus t’appartenir
Paris, 13 septembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
© Œuvre de Magali MO
LA FORGE
La nuit s’allonge
sans repos
le temps suspend l’inspiration
En ma poitrine une enclume
s’alourdit sans cesse
de toutes les scories
déposées là par
la vie
les fausses amours
les interminables semaines laborieuses
Le barquis par intérim
me tire du peu de sommeil que me laisse ma dorsale jubilaire
insuffle l’air salvateur
ravive l’âme jusqu’à l’épuisement
L’étau compresse mes tempes
le marteau martèle au poinçon
ce qu’il me reste de mémoire
Le feu assèche ma bouche
accole ma langue mes lèvres
nous avons trop mais mal embrassé
Mes mots restent prisonniers
des tenailles brulantes
nul ne sait ce qu’ils adviennent
Mon corps est une vieille forge
Chaque nuit
est une danse
lente
masquée
apnéique
avec la mort
Paris, nuit du 17 au 18 septembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
LA COUPE EST PLEINE
Dans ce graal
vous boirez le sang des esclaves
sacrifiés pour bâtir un temple à la futilité
des arènes putrides
pelouses dans le désert
cercueils de béton climatisés
Vous
pourvoyeurs de carbone dioxydé
assassins de la Terre
proxénètes voilés à peine
pourfendeurs des femmes libres et des droits humains
c'est la mort que vous sanctifiez
Toi devant ta télévision public assoiffé de foot à t'en avaler gerber ta conscience pour un ballon qui comme eux comme toi ne tourne décidément pas rond c'est la mort que tu applaudiras Nous femmes et hommes libres ne voulons être complices de décisions assassines coupables de non assistance à planète êtres vivants en danger Nous voulons pour nos enfants rester libres et protéger ce qui peut l'être encore
Paris, 18 septembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
TEMPS DE CHIEN·NE DE VIE
Je n’en peux
je n’en veux
plus
de leur camisole capitonnalisée
de leurs vieilles lunes électriques aux léchures de bitume
de leurs angles au cordeau rugueux juste assez ouverts pour enmarcher au pas
lobotomisés
ni des laisses qui m’attachent à leur service pour mendier mon repas
ni des pièges qu’iels crochètent aux grilles des écrans plats
aux médias capiteux con-descendants embaumés de haine
ni des muselières de cuir et de métal clinquant
pour entairer mes révoltes
avorter le désir d’être courbe et non courbé
Laissez-moi paisible
dans la noirceur de ma nuit
qu’elle vente
qu’il pleuve
Je pose l’éteignoir sur la violence de leurs mots
j’arrose acide leurs coins rugueux et leur souvenir
je fuis leurs armes qu’iels disent de paix
leurs gestes qu’iels disent tendresse
et leur obole avilissante au sortir de grand-messe
Laissez-moi libre
comme le sont mes vers
sans avenir
sans prison
avec pour seuls mirages les fabuleux reflets de son âme
et les chimères de son amour
Paris, 3 octobre
Henri BARON
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
ARSENAL II
Comme une évidence passer l'écluse attendre le soir l'argent des vaguelettes et sur la coque marbrée des péniches le sourire de milliards de lunes en écho le ballet tout en voltige de quelques mouettes criardes En haut des marches derrière la ferraille un métro fané dépose le soir et le génie s'affole de tant d'humanité Finalement attendre la nuit
Port de l’Arsenal, Paris, le 6 octobre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
JE VOUS CONDAMNE À VIVRE
Je défierai l'austérité du temps
sa vérité supposée
ses chaos sans nom
ses histoires amères
ses songes maléfiques
ses fées adultères
ses fidèles sorcières
et tu t'étendras sur le lit
de mousse et de feuilles
à moitié mortes
J'attendrai sous un orme
où tu m'inviteras
d'une danse de main
à tendre ma caresse
à t'effleurer
ce sera solstice
et feux de l'été
Tu danseras nue sur la place
à côté des arènes
tu seras ma reine
au bal des givrés
sous une lune ardente
le miroir de l'eau reflètera
l'écorce de mes yeux
les paupières ensablées
de mes jours étoilés
épuisés
par les sautes de vent
et les amours frigides
Je tournerai le dos
aux années funestes
je voguerai seul
sans port d'attache
sous pavillon pirate
par souffle arrière
sans terre ni mère
orphelin de rêve
le vent me fera vaciller
le soleil brulera mes mots
et si mes doigts ont la caresse du sel
Je serai celui qui lèchera ta peau
un deux trois soleils
ne seront pas de trop
pour sabrer champagne
percer le tonneau de rhum
à l'orée d'ocres pourpres
J'attendrai l'aube torride
le tocsin au lieu des matines
J'attendrai le baiser brulant de la louve pour ouvrir les bras sur les bassesses humaines et sillonner ta nuque ton dos tes reins de mon avidité consentie pressée de condamné à vie
Paris, 6 octobre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
AUTOMNE
J’ai vendangé mes amours
incertaines
Là où se pose l’arc-en-ciel
en ton âme
en mon désespoir
ou tes champs d’asphodèles
Vis-je en tes rêves
J’y meurs noyé
d’amertume
Sous le feu
Sous l’enclume
Je ne souffre plus de t’attendre
Sous la treille ou le figuier
entre faucille et marteau
Passe l’automne
incandescent
Meurent nos amours
dans un incendie de couleurs
Indécence du pampre d’or et de pourpre
Je m’enivre à la coupe du vent
du vide et du deuil
Sous le linceul du temps
le silence m’ensorcèle
Trinquons à l’inerte terre noire
à nos amours feintes
amours défuntes
Paris, 14 octobre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
MAUDITE MARIE
La nuit elle fabrique des asubakatchins
il libère les cauchemars au jour naissant Elle protège nos rêves les embellit de mauve et de rose il les fige d'effroi blanchit leur écorce
en noircit le cœur
y souffle le froid
le laid
la loi des rentiers Elle cajole les songes
les tisse en étoiles coagule où saignent les vaines blessures
les larmes salutaires
quand il est tarentule dévoreuse de vent de printemps et de femmes
écorcheuse de rêves
ensableuse inlassable araseuse insaisissable Elle suture les plaies
d’un amour ineffable
il supure sature elle essaie de dissiper les cicatrices
avec l'argile du miel de Manuka il ajoute à sa morsure le venin sa griffe féline tire les fils d'un destin sans issue
manipule en son castelet
des fommes asservies Elle jure être adulte
avec son âme blonde
son corps lisse son sexe épilé d'enfant de quarante ans
enfumée fumée L'arnaque est son royaume
il baise
trompe par tous les pores
partout le porc
ses teignes triquent tringlent
elle s'éteint comme un phare à l'aurore
comme un feu de plage abandonné
d'avoir trop bu trop chanté
il a trop tapé de ses mains
de ses poings les fesses le ventre les seins Elle a trop lu dans les runes
trop dévalé les dunes dessouillé son corps dans les vagues
dessoûlé sa gorge martyrisée
dessalé sa telline dégrisé la nuit
lors l'aube avale ses ailes d'angesse
lui s’extasie
sur son effroyable tendresse Au loin très loin
un rabbin
un muezzin
un évêque appellent à répandre la sève infidèle
la marée charrie ses pensées obscènes
les laisse s'échouer sur le sable
comme des selles de mazout le long des flancs nus de Marie
aussi blanche et bleue qu'un linceul désencré
qu'une coquille au cœur du désert
cœur échancré pour voyeur pervers Elle ne se réveille pas ses yeux écarquillés sans voir
elle ne se réveille pas son corps parlant inaudible rictus hurlant l'ordalie
l'ode orgiaque des enfers
et le requiem des scalpels dans les chairs Elle ne m'a même pas dit... Elle ne m'a même pas...
– Monsieur votre fille est sortie du bloc
elle a été très courageuse
Henri BARON
Hôpital Rothschild, Paris, 22 octobre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
1 2 3… LUNE !
1
2
3
soleil
pourquoi l'autre
et pas l'une
cour d'école
dans l'ombre ma parole
sans l'ombre d'un doute
soleil ô dieu soleil
astre des merveilles
de deux choses l'une
soit tu partages
soit tu partages
1
2
3
soleil
toujours les eux
dans le même panier
jamais les elles
savent pas voler
c'est pas sorcier
une lune un croissant
sans rancune
camarade soleil
elle ou il
c'est pareil
égalité
soleil ô dieu soleil
de deux choses l'une
soit tu partages
soit tu partages
1
2
3
soleil
je n'aime pas les missiles
sol-air
les canons les tanks
les porte-avions
les drôles et les drones de guerre
les bombes atomiques
les elles aux ils
les îles sans ailes
les sunlights des Tropiques
soleil ô dieu soleil
de deux choses l'une
soit tu partages
soit tu partages
1
2
3
soleil
blafard
soleil
cafard
tu voiles des mystères
tu violes la terre
tu engrosses la mer
de tous les plastiques que tu vomis
tu détruis l'âme de tes enfants
les abreuves de netflix
de squid game
de sexe frénétique
entre deux pubs de nesquik
et d'une femme offerte pour deux parfums achetés
tu t'en fiches et accuses l'école
et ses profs payés pour être en vacances au
soleil ô dieu soleil
de deux choses l'une
soit tu partages
soit tu partages
1
2
3
Soleil
T'es mort
Paris, 24 octobre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
GARE SAINT-LAZARE
J'enchoppe ma blonde
la mousse déborde la rousse en face
cou tatoué
d’un tatou brun
– à moins que
non d’un pangolin – me clindœillle ses lèvres s'entrouvrent
salines de trop
de frites grasses de fluides crasses Je n'entends pas ce qu'il en dégorge le café de la gare est trop disert Un dessert monsieur Elle se lèche les babines
grimace
elles ont l’âcre saveur des cabinets tagués du sous-sol
et je n'imagine Rien Non merci Je ne quitte pas la rousse avide de mon regard vide Un café peut-être Va pour un long les courts s'engouffrent trop vite ça manque de préliminaires on n'a que la brûlure aux lippes
l’amer au palais La blonde tape à côté de ma bouche
j'ai trop bu d'arnica
après le livide je me sens violacer la mousse blanchit ma barbe pouilleuse
mes fripes poisseuses
souillonnes à froid de choucroute en conserve
de saucisse au plasma Garce de gare offre moi la chance d'un bouquet final moi qui ne veux ni fleur ni couronne sauf à décorer la rousse à l'air chou Je signe que non – ça voulait dire oui – elle a compris non – non – sinon si je suis sûr qu'elle tâte le bouton d'or rose de son portable quand je gratte mon bourdon
sur une guitare à quatre cordes molles elle sort un miroir églantine sa bouche à piper à baiser à laisser des épines sur les peaux circoncises madame tartuffe réajuste ses nippes et son mouchoir vichy couleurs de PQ et neige de deux jours rue de Rome
sur ses seins aux yeux lourds
les voile à ma concupiscence elle ne voit pas elle louche elle montre ses dents dans un sourire-cicatrice je tremble à la morsure de ses mots
au venin qu'elle m'inocule
Monsieur vous êtes en nage Si je bave c'est que la rage frappe aussi les vaccinés alors range ton pourboire
vite avant que mon brasier ne fonde tes envies de femme
de poulbot
ou de chèvre
elle n’est pas même libre
tu vois je ne suis qu'ivre
je pense sans dépenser
je suis raide mais pas dingue
dans une autre vie j'étais fourreur de vieilles peaux rabiques
et j’étais de toutes les processions à la sainte-verge
mais me voilà volubile Il est tard sur le quai
Saint-Lazare frissonne
De grâce ne casse pas le lubrique
la musique Que fais-je là las sale et laid
nidoreux je rempile mon gâchis
m’accroche à la rampe je rampe entre deux eaux
sur le parvis rincé jusqu'aux os
je m’enroule et me faufile
aux pieds de la foule
À la lumière des phares je me crois à la mer
je ne suis bon qu'à la manche
à m’entailler les poignets à m'entorser la cheville
sur ces galets parallélépipédiques
Un vieux du derme critique et christique gémit
hystérique chauve comme un blanquer
Lève-toi et marche tu nous bassines libère la place et trace Ne crois-tu pas crevard
limite pervers qu'au lieu de croire aux infaux des encravaté·es costarisé·es standarisé·es
thinktankérisé·es mariné·es dans le jus valeursactualisé qu'au lieu de t'en prendre aux salauds de pauvres qui ne traversent pas la rue pour bosser et fraudent les allocs aux réfugiés dealers
égorgeurs aux étrangères putes au fonctionnaires feignasses aux ultragauchistes infiltré·es
aux wokistes sans et de tous genres tu devrais cuisiner les rupins repus qui frouillent
embrouillent
qui planquent ce qu'ils t'extorquent dans des îles galantes
usurpent les conquêtes de ta mère et de ton père
aliènent nos cœurs et nos cerveaux
au vingt heures
avant pendant après
les dissolvent dans du coca
marchandent le sommeil
et bientôt l’air
Ne te laisse pas trépaner
retire tes chaines poteau canin
avant de m’enchienner
Après m’avoir saigné
c’est toi qu’ils vampiriseront
Je vaticine
l'heure est grave
je ne serai pas normand ce soir Peu importe Paname est à prendre sur son lit de feuilles mortes
la nuit toutes les chattes sont grises pourvu que la lune se réverbère sur une flaque de pisse ou de pluie j'ai bu l'automne je boirai l'hiver ici quand bien même ailleurs et si tu m'aimes si je t'émeus laisse saliver ma honte captive
oublie mon panache timide entre les pattes on ne refuse pas un dernier plaisir au faux prêtre au prophète prosélyte au porc d'Amsterdam
aux élites assassines
Au bout de la rue le havre
Paris, 8 novembre
Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
13 NOVEMBRE 2015
Vous aviez vingt ans plus ou moins le temps devant vous le temps d’avant l’averse de métal de haine noire armes mouvantes des hyènes obscures à l’envers de vos rêves volés meurtris Le carmin de vos chants charmes célestes l’éclat de vos rires les bris de vos verres bière d’Anvers ou d’ailleurs votre vin vos vies renversés violons éventrés
Révulsées
Révoltées et dignes
Tout se fige et se voile
vanité vaine envoutée
cri d’alarme
cri d’amour
cri de Munch
une larme indocile
Sur vos lèvres blanches
une éternité ravie
sous la mousse vermeil
vos âmes libres
Carmen insoumises
Paris, 13 novembre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
VENDREDI 13
Vendredi
Treize
Dans l'arène indifférente en frénétique jeu de jambes l'orgie bat son plein on sabre champagne au creux feutré des loges
et la foule roule en bleu de liesse Nulle sirène en ce bal circassien on bâillonne on étouffe un chant funeste dans une explosion de bravos et de rires
la vague mugit
qu'importe si tout dehors n'est que cris pleurs et déraison
panem et circenses
L'espace d'un soir d'automne on défrise le poème en fractales on hystérise nos je t'aime on photographie livide le spectre des amants en terrasse après la rafale après l'heure heureuse longtemps après la bière Alors
quand la torpeur fige le pogo quand l'horreur carmine les sols et les murs
quand l’aigle noir se teint en grenat
quand le courage électrise et conjure les sorts
alors
comme un refrain murmuré submerge l'innocente insolence là où le mutisme s’abime entre deux crépitements de haine deux soubresauts de vie de mort
et de métal on ne sait plus on ne dit plus les yeux se voilent et le cœur pense sueurs et sangs mêlés à nos frères et sœurs assassiné·es
Samedi
on géographie le temps les sentiments
l’horreur on archive le vide
on triple le deuil
on historise l'amour
on radicalise le silence
on asservit les lumières
on capitalise la résilience
Il n'est pas de Vérité
Paris, 13 novembre
Henri BARON
Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
FILS DE P
Vous les fils
de paix ne pûtes bercer poupées verser vos larmes
aux armes bébés fausses alarmes de leurs cœurs en béton armé haut les corps à drames en chasse et les clairons tromper le temps flutes de classe
fils de pets
passés au fil de l’épée trempez vos plumes dans la crasse et le goudron remplir les orifices de vin de messe e mélasse en sacrifice de vestale sacrée de vice en office de vice en versa de versatiles vertus elles se prélassent quand j'inverse les rôles drôlesse rose et drôle
je te renverse et tu déverses ta liqueur ton ivresse livide sur ma bouche aride sur mon priape avide de sens interdits embuez mes rêves vides de sens tout en transes atlantiques sirènes cornues blondes charnues cornes de brunes quand tout s'engrise quand tout s'enlise corps nus humides au pieu timides rousses effarouchées enamourées belles empalées belles envolées belles emballées trouducune hésitation je caresse en tendresse si oui ninon sinon
rien
Paris, 26 novembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
(R)ÉVOLUTIONS
Tu tournoies
comme le vin grenat
au fond de mon verre
tourbillonnes
comme le sang dans ton cœur
bouillonnant jusqu’aux tempes
et derviches vers le ciel
en volutes
de tes rêves diurnes
Paris, le 28 novembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
ENTRE DEUX RAMES
Depuis la fin de l’été
chaque dimanche en sortie de messe
je déchire une photo sépia jaunie
au dos grabouillé
en souvenir de feux
de crépitements
d’étincelles
de braises
Sur le pont des Arts
j’en éparpille les lambeaux
confiant à la Seine
au sale temps qui se surpasse
mes bribes de vers au verso
Voici des lustres que je vis comme bourgeois entre porche et bitume entre porsche et biture
Je ruissèle au milieu des rats ma brisure de glace dit la gloire ternie comme celle des rondelles de cuivre rouges et de dédain
que vous me jetez sans me voir
Je ne suis que risée du peuple de Paname
dans mon paletot
pelé
pucé
mouillé à l’exintérieur
– folie ce qu’imbibe la haine
comme si chaque goutte de pluie
s’imprégnait de toutes ses particules
Seuls mes yeux sont secs
de toutes façons
j’ai renoncé
jusqu’au sens du frisson
La ville grouille d'un fier monde que j'honnis
elle m’abhorre
le vent de même
qui renverse sans cesse ma sébile en plastoc et ses vingt-cinq centimes
disperse l’haleine de leur regard
J’en ai changé de trottoirs
l’autre disait pourtant que le soleil était en face
il fallait juste traverser
j’ai ramé jusqu’à l’autre rive
où n’était qu’un miroir aux pigeons
d’immonde en immondice
ad libitum
Je ne fais pas fine bouche
Noël m’est inconnu
le Nouvel An n’y changerait rien
échappé d’une bagatelle
sans date de péremption
mon repas me tiendra jusqu’à demain
si vous le voulez bien
Le soir je me couche dans les cendres d'enfance sous mon duvet poisseux du vol d'innocence du vol d'insouciance
La nuit reste blanche dans la laideur des effluves et le silence intranquille la ville grouille encore
en gris
en noir
frénétique
les vautours s’agglutinent
autour des menus
des cinémas des théâtres
j’étais là sur les planches
en ces temps d’abondance
quand j’étais poète
du moins quand Le Monde ou Libé me le laissaient croire
je me ferme à la clameur
de celleux qui racontent leur lit
et leurs fausses muses liftées
liposuccées lipofillées
Je ne m’endors jamais
je fume comme une bouche de métro
rêvant d’une vraie pipe
de tabac doux
de cheveux parfumés
de mains douces
d’un sourire
Je veille
ne me réveillez pas
il me reste deux photos
Paris, 28 novembre
Henri BARON
Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
GARE DU NORD
À quoi bon gare du Nord
le Nord je l’ai perdu
emporté par les vents
un jour gris de printemps
un jour de petites vertus
de vertige et d’absence
À quoi bon gare du Nord
ses trains à noyer la défaite
en plat pays
vont au froid
vont à la pluie
vont à trépas
empestent l’urine
et les peurs paniques
À quoi bon gare du Nord
je ne joue pas
au monopoly
je ne gagnerai pas
au poker menteur
je ne gagnerai rien
roulette
russe ou pas
la vie l’est déjà
pair ou impair
rouge ou noir
là n’est pas l’espoir
là n’est pas le rêve
À quoi bon gare du Nord
ses cœurs serrés
ses corps pressés
hâte d’attendre les trains
les yeux baissés
tous feux éteints
comme un abcès qu’on crève
À quoi bon gare du Nord
salle des pas perdus
on se sent sale
on se sent seul
au sein d’une foule
artificielle et fétide
hélas incessantes
les semelles de plomb
on encaisse sur les quais
le temps qui lasse
le poids des départs
vont et viennent les mains factices
de ces marins de verre et de ferraille
qui poursuivent à la trace
mes amours barbelées
leurs lambeaux lacérés
funestes séquelles d’un perpétuel hier
À quoi bon gare du Nord
je prends n’importe quel train
sans billet
sans regarder
vers quelles laides noces il me convoie
dans quel pétrin je me vautre
au-delà de la banlieue
au-delà des tas de betteraves
bientôt défileront
les fils de ma mémoire
clandestine en chemin
d’acier
de pierrailles
d’étincelles de rouille
de crise de caténaires
je funambule en bord de rupture
À quoi bon gare du Nord
quand on rêve de mer
par la vitre crasseuse
les vagues verdâtres déferlent
j’entends le rire inoxydable
des mouettes en goguette
plus loin que le ballast
aux reflets gris et roses
plus loin que l’horizon torturé
et ses cadavres d’étoiles
s’embrouillent les sons
les formes
les couleurs
une néo-naupathie me tsunamise
quel est ce reflet dans la glace
aucune indulgence pour ce visage
ni ce traitre paysage
je n’espère plus rien
le soleil et les songes estropiés les ombres
dans mon dos
filandreuses
s’éloignent
s’amenuisent
disparaissent
je frissonne bientôt
sous la caresse épineuse
de la lisière du monde
où l’oubli déraisonne
avec l’Amour à dépendre
les ailes ficelées
un cœur à pourfendre
À quoi bon gare du Nord
tout autour se désagrège
les villes perdent leur superbe
elles semblent cligner des feux
dans cette campagne perdue
je souris à la mort
de ce rictus imbécile
les yeux dans le vide
et le vide dans les cieux
À quoi bon gare du Nord
puisqu’ici tout s’achève
Paris, 6-9 décembre
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
INVITATION
Quand tu viendras chez moi
Un matin frais de dentelle
Je ne toucherai pas
Sur la plage immense
Qui fut celle de nos amours
Je te regarderai
Enlacer le soleil
Je te contemplerai
Te lover dans la mer
Le soleil et la mer ne s'aiment-ils
Que dans l'union sanglante
Qui précède la nuit ?
Quand tu viendras chez moi
Dans cette chambre bleue
Qui put être celle de nos amours
Je ne te toucherai pas
Ne dirai rien
Il suffira d'un regard
Soleil noir
Silence nuit
Saurons-nous faire l'amour
Avec nos yeux ?
Paris, 15 décembre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
ENTRE ANGE ET DÉMON
Il est temps d'instaurer la religion de l'amour. Louis Aragon in Le Paysan de Paris, 1926
Que fais-tu de mon âme athée
De ma vieille âme damnée
Quelle est cette religion
De cendre et d'étoile
De ciel et néant
Être étrange
Étranger
Aux voies de l'amour
Être là
Être la
Voix qui souffre
N'être là
N'être la
Soif de soufre
Être ange ou démon
Entre ange et démon
Étrange et démon
Ton cœur oscille
Ton âme vacille
Sans marteau ni faucille
Longues-sur-Mer, 30 décembre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
CE NE SONT PAS DES VŒUX
Ce ne sont pas des vœux
ce sont quelques rêves
décapitalisés
démacronisés
décovidés
quelques rêves pour ne pas crever
rêves à vivre
rêves à rire
rêves à venir
rêves d’où revenir
ou pas
rêves à ravir
à souvenirs
désordonnés
rêves de liberté
Ce ne sont pas des vœux
ce sont quelques rêves
pour la Terre
rêves tête en l’air
rêves d’univers
rêves d’infini
rêves de petits riens
de révoltes aussi
rêves solidaires
sorofraternels
rêves sans fric et sans frime
avec ou sans rime
utopies à deux
ou pour le monde
à lancer des bouteilles à la mer
Ce ne sont pas des vœux
ce sont quelques rêves
rêves d’enfance
sans revers
rêves à l’envers
allant vers
d’improbables destinées
de chemins de traverses
escarpés
boisés
sans ancre et sans amarre
rêves d’horizon
de déraison tendre
et de douce folie
rêve de beau
Ce ne sont pas des vœux
ce sont quelques rêves
rêves étoilés
à partager
rêves à voguer
sous la lune
rêves à aimer
rêves de vertige
parfumés d’îles
rêves épicés d’elles
rêves d’elfes et de fées
de soleil après la brume
de landes de bruyères
de sources d’eaux vives
et de feux à dénuder les âmes
Ce ne sont pas des vœux
ce sont quelques rêves
rêves à s’aimer
à semer des champs de lin
de coquelicots dans les blés
rêves de métives
de musiques et de danses
de vignes et de fête
rêves à verser dans un grand verre
rêves d’averse dans le désert
ni vrai ni faux
rêves d’ami·es
rêves d’amour
rêves à rêver
Paris, 1er janvier
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
VŒUX
J’aimerais vivre vieux
en perpétuel surtemps
pour voir naître et vivre
les enfants de mes enfants
J’aimerais vivre jeune
m’élancer avec inlassablement
laisser trace sur le sable à l’infini
d’un Temps qui fut
est
sera
J’aimerais vivre en colère
pour injurier Celui qui passe
Celle d’un autre siècle qui sombre et coule
fossoyeuse de rêves
trépasseur d’idéaux
voler la faux sacrée
sacrificielle
marcher de rêve en rive
funambule amnésique
passeur de flamme
souffleur d’enfer
J’aimerais vivre peintre poète ou poète peintre
laisser trace d’un passage
laisser trace d’un partage
sur nos pages sombres
être celui qui feint
être celui qui peint
avive
ravive
anime
enlumine
illumine
J’aimerais vivre d’Amour
embellir les fissures
où passeraient en courant
l’air les vents les tourments
la souffreteuse routine
et Sa haine morbide
cicatriser les blessures
combler les abimes
ne laisser que quelques fêlures
d’où jaillirait la Lumière
filante des étoiles
et le grain de folie
d’un paradis reconquis
Paris, 3 janvier © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
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