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  • Photo du rédacteurHenri Baron

AUTOBIOPOÈMES - Fluctuat nec mergitur (2e partie)

Dernière mise à jour : 28 nov. 2022

~ de juillet à décembre ~


Textes écrits de 2000 à aujourd'hui




GRAZIE BELLA GRAZIA


à Margot

Qu’il pleuve

vente

bourrasque

tonne

sous des ciels d’encre ou de colère

le maussade s’évanouit

ici n’est plus Paris

tu m’évades aux accents doux et mélodieux du Piémont

lorsque ton sourire irradie le jour

ensoleille la nuit


Bella ciao



Paris, 1er juillet

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

QUAI DES AIRS


Sur le quai des airs j’attends un nuage s’effiloche en gouttes de rêves bousculé par les vents les courants j’entends sa colère sa rage zébrer le ciel Il passe dans un fracas de métal et de sueur et les vibrations de l'être soudain le déluge cesse j’essore mon cœur l’enserre en ma besace dans le parfum de tes lettres j’attends l’essence des sentiments j’entends l’absence de tes pas et l’incessant océan qui pilonne mon âme

Courseulles, 2 mars Paris, 5 juillet © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

TU N’AIMES PAS LA POÉSIE…

Pourtant tu l'apprivoises câline chaque matin de la douceur satinée de la couette à la caresse féline À vous deux

vous ralentissez la course du temps tu déjeunes d'un croissant de soleil d'un vers de rosée et s'il pleut tu ne vois qu'arc-en-ciel Ton miroir l'absorbe

avec ton reflet

Tu parfais la rime

quand tu veloutes ton sourire pastellises tes paupières combles les rides charmeuses de la nuit Elle te met en retard chante la liberté laissée à tes boutonnières les plis de ta robe angélique virevoltent sous le vent et le regard des passant·es Elle s'accomplit avec le cœur que tu poses sur ce qu'on ne voit pas gens et choses sans importance Au travail adonnée en terrasse animée 'calme et volupté' Tu es sans le savoir sans le vouloir jusqu'aux volutes célestes de ta cigarette Poésie Et je t'aime ainsi même si tu ne lis pas ce que j'écris


Paris, 5 juillet

Longues-sur-Mer, 14 août

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur



 


RENTRÉE PASTIS


Rentrée des classes et pourquoi pas porte des rêves balade sur la grève lutte des classes ouverture de la classe envolée la classe classe en l'air en plein air au bon air la classe


Paris, 1er septembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur



Si je ne compte pas celles qui sont juste de l'école de la vie, c'est aujourd’hui ma... 51e rentrée scolaire ! Ma rentrée "pastis", en quelque sorte...


 

DIMANCHE MATIN D’AUTOMNE

Les marronniers sont depuis longtemps rouillés

Il pleut des écorces de platane dans le café de la vieille dame et sa compagne sursaute elles éclatent d'un grand rire sonore et joyeux

Le soleil de septembre chauffe les pavés fissurés je me faufile entre paniers et cabas

Un vieil homme joue de la guitare

elle sonne comme al aoud mais son timbre est couvert par les cris des marchands

On entend parler melons et mirabelles raisins pour pas cher – ce n'est pas un avis en partage

à l’étal on brade le vrai et pourtant on le jure

Je traverse le marché comme un grand voyage vers la porte dorée je m'arrête à chaque mot chaque geste chaque parfum

de mer ou d’orient à la futilité des choses et des êtres




Paris, avenue Daumesnil, 4 septembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

BRIS DE VIE



D’après une création de Magali MO


Il était tard

j’ai brisé le verre à ma main

j’ai jeté le cadre

son bois s’est éparpillé comme autant de petits os fracturés

j’ai déchiré la photo

ai rendu méconnaissable

le reflet de mon regard

coupé mes cheveux

tailladé mon trop-plein d’opaline


Tu voulais recoller les morceaux

comme à chaque fêlure

vite balayer les échardes sous le tapis

pour ne pas risquer la gangrène

panser mes plaies

pour masquer tes méfaits

rassembler les bribes éparses

au soleil de fin d’été

crucifié

dilué dans un ciel sans nom

sans avenir


Je ne voulais ni cicatrice

sous tes sparadraps

ni mon visage en puzzle

version mille pièces

comme un rire scotché jauni par le temps

flétri par l’attente

couleurs passées par ta lumière divine

et le sel de mes larmes


Tu voulais rassembler nos souvenirs

sans les miens

recoudre mes rêves

les suturer sur ma peau

comme ton chef d’œuvre

où chef est ton maitre mot

je ne serais que ton hors d’œuvre

comateuse

je rêvais d’églantine

tu m’abreuvais de muguet

tu transformais mon Premier Mai en jour de toussaint

tu hurlais m’aimer pour deux

mais tes mains mentaient

tes mains

ta peau

ta bouche

tes yeux

tout en toi mentait


Alors je ne veux plus

que tu me colles

que tu me touches

ni au cadre brisé

ni à mon portrait déchiré

je ne suis plus

mais je serai


Et je ne me laisse plus t’appartenir



Paris, 13 septembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


© Œuvre de Magali MO



LA FORGE




La nuit s’allonge

sans repos

le temps suspend l’inspiration


En ma poitrine une enclume

s’alourdit sans cesse

de toutes les scories

déposées là par

la vie

les fausses amours

les interminables semaines laborieuses


Le barquis par intérim

me tire du peu de sommeil que me laisse ma dorsale jubilaire

insuffle l’air salvateur

ravive l’âme jusqu’à l’épuisement


L’étau compresse mes tempes

le marteau martèle au poinçon

ce qu’il me reste de mémoire


Le feu assèche ma bouche

accole ma langue mes lèvres

nous avons trop mais mal embrassé


Mes mots restent prisonniers

des tenailles brulantes

nul ne sait ce qu’ils adviennent


Mon corps est une vieille forge


Chaque nuit

est une danse

lente

masquée

apnéique

avec la mort



Paris, nuit du 17 au 18 septembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur

 


LA COUPE EST PLEINE




Dans ce graal

vous boirez le sang des esclaves sacrifiés pour bâtir un temple à la futilité des arènes putrides pelouses dans le désert cercueils de béton climatisés Vous pourvoyeurs de carbone dioxydé assassins de la Terre proxénètes voilés à peine pourfendeurs des femmes libres et des droits humains c'est la mort que vous sanctifiez

Toi devant ta télévision public assoiffé de foot à t'en avaler gerber ta conscience pour un ballon qui comme eux comme toi ne tourne décidément pas rond c'est la mort que tu applaudiras Nous femmes et hommes libres ne voulons être complices de décisions assassines coupables de non assistance à planète êtres vivants en danger Nous voulons pour nos enfants rester libres et protéger ce qui peut l'être encore



Paris, 18 septembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 


TEMPS DE CHIEN·NE DE VIE


Je n’en peux

je n’en veux

plus

de leur camisole capitonnalisée

de leurs vieilles lunes électriques aux léchures de bitume

de leurs angles au cordeau rugueux juste assez ouverts pour enmarcher au pas

lobotomisés

ni des laisses qui m’attachent à leur service pour mendier mon repas

ni des pièges qu’iels crochètent aux grilles des écrans plats

aux médias capiteux con-descendants embaumés de haine

ni des muselières de cuir et de métal clinquant

pour entairer mes révoltes

avorter le désir d’être courbe et non courbé


Laissez-moi paisible

dans la noirceur de ma nuit

qu’elle vente

qu’il pleuve


Je pose l’éteignoir sur la violence de leurs mots

j’arrose acide leurs coins rugueux et leur souvenir

je fuis leurs armes qu’iels disent de paix

leurs gestes qu’iels disent tendresse

et leur obole avilissante au sortir de grand-messe


Laissez-moi libre

comme le sont mes vers

sans avenir

sans prison

avec pour seuls mirages les fabuleux reflets de son âme

et les chimères de son amour



Paris, 3 octobre

Henri BARON

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur



ARSENAL II



Comme une évidence passer l'écluse attendre le soir l'argent des vaguelettes et sur la coque marbrée des péniches le sourire de milliards de lunes en écho le ballet tout en voltige de quelques mouettes criardes En haut des marches derrière la ferraille un métro fané dépose le soir et le génie s'affole de tant d'humanité Finalement attendre la nuit


Port de l’Arsenal, Paris, le 6 octobre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

JE VOUS CONDAMNE À VIVRE

Je défierai l'austérité du temps sa vérité supposée ses chaos sans nom ses histoires amères ses songes maléfiques ses fées adultères ses fidèles sorcières et tu t'étendras sur le lit de mousse et de feuilles à moitié mortes

J'attendrai sous un orme où tu m'inviteras d'une danse de main à tendre ma caresse à t'effleurer ce sera solstice et feux de l'été

Tu danseras nue sur la place à côté des arènes tu seras ma reine au bal des givrés sous une lune ardente le miroir de l'eau reflètera l'écorce de mes yeux les paupières ensablées de mes jours étoilés épuisés par les sautes de vent et les amours frigides

Je tournerai le dos aux années funestes je voguerai seul sans port d'attache sous pavillon pirate par souffle arrière sans terre ni mère orphelin de rêve le vent me fera vaciller le soleil brulera mes mots et si mes doigts ont la caresse du sel

Je serai celui qui lèchera ta peau un deux trois soleils ne seront pas de trop pour sabrer champagne percer le tonneau de rhum à l'orée d'ocres pourpres

J'attendrai l'aube torride le tocsin au lieu des matines

J'attendrai le baiser brulant de la louve pour ouvrir les bras sur les bassesses humaines et sillonner ta nuque ton dos tes reins de mon avidité consentie pressée de condamné à vie



Paris, 6 octobre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 


AUTOMNE

J’ai vendangé mes amours incertaines Là où se pose l’arc-en-ciel en ton âme en mon désespoir ou tes champs d’asphodèles Vis-je en tes rêves J’y meurs noyé d’amertume Sous le feu Sous l’enclume Je ne souffre plus de t’attendre Sous la treille ou le figuier entre faucille et marteau Passe l’automne incandescent Meurent nos amours dans un incendie de couleurs Indécence du pampre d’or et de pourpre Je m’enivre à la coupe du vent du vide et du deuil Sous le linceul du temps le silence m’ensorcèle Trinquons à l’inerte terre noire à nos amours feintes amours défuntes

Paris, 14 octobre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

MAUDITE MARIE



La nuit elle fabrique des asubakatchins

il libère les cauchemars au jour naissant Elle protège nos rêves les embellit de mauve et de rose il les fige d'effroi blanchit leur écorce

en noircit le cœur

y souffle le froid

le laid

la loi des rentiers Elle cajole les songes

les tisse en étoiles coagule où saignent les vaines blessures

les larmes salutaires

quand il est tarentule dévoreuse de vent de printemps et de femmes

écorcheuse de rêves

ensableuse inlassable araseuse insaisissable Elle suture les plaies

d’un amour ineffable

il supure sature elle essaie de dissiper les cicatrices

avec l'argile du miel de Manuka il ajoute à sa morsure le venin sa griffe féline tire les fils d'un destin sans issue

manipule en son castelet

des fommes asservies Elle jure être adulte

avec son âme blonde

son corps lisse son sexe épilé d'enfant de quarante ans

enfumée fumée L'arnaque est son royaume

il baise

trompe par tous les pores

partout le porc

ses teignes triquent tringlent

elle s'éteint comme un phare à l'aurore

comme un feu de plage abandonné

d'avoir trop bu trop chanté

il a trop tapé de ses mains

de ses poings les fesses le ventre les seins Elle a trop lu dans les runes

trop dévalé les dunes dessouillé son corps dans les vagues

dessoûlé sa gorge martyrisée

dessalé sa telline dégrisé la nuit

lors l'aube avale ses ailes d'angesse

lui s’extasie

sur son effroyable tendresse Au loin très loin

un rabbin

un muezzin

un évêque appellent à répandre la sève infidèle

la marée charrie ses pensées obscènes

les laisse s'échouer sur le sable

comme des selles de mazout le long des flancs nus de Marie

aussi blanche et bleue qu'un linceul désencré

qu'une coquille au cœur du désert

cœur échancré pour voyeur pervers Elle ne se réveille pas ses yeux écarquillés sans voir

elle ne se réveille pas son corps parlant inaudible rictus hurlant l'ordalie

l'ode orgiaque des enfers

et le requiem des scalpels dans les chairs Elle ne m'a même pas dit... Elle ne m'a même pas...

Monsieur votre fille est sortie du bloc

elle a été très courageuse

Henri BARON

Hôpital Rothschild, Paris, 22 octobre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur




1 2 3… LUNE !



1

2

3

soleil

pourquoi l'autre

et pas l'une

cour d'école

dans l'ombre ma parole

sans l'ombre d'un doute

soleil ô dieu soleil

astre des merveilles

de deux choses l'une

soit tu partages

soit tu partages


1

2

3

soleil

toujours les eux

dans le même panier

jamais les elles

savent pas voler

c'est pas sorcier

une lune un croissant

sans rancune

camarade soleil

elle ou il

c'est pareil

égalité

soleil ô dieu soleil

de deux choses l'une

soit tu partages

soit tu partages


1

2

3

soleil

je n'aime pas les missiles

sol-air

les canons les tanks

les porte-avions

les drôles et les drones de guerre

les bombes atomiques

les elles aux ils

les îles sans ailes

les sunlights des Tropiques

soleil ô dieu soleil

de deux choses l'une

soit tu partages

soit tu partages


1

2

3

soleil

blafard

soleil

cafard

tu voiles des mystères

tu violes la terre

tu engrosses la mer

de tous les plastiques que tu vomis

tu détruis l'âme de tes enfants

les abreuves de netflix

de squid game

de sexe frénétique

entre deux pubs de nesquik

et d'une femme offerte pour deux parfums achetés

tu t'en fiches et accuses l'école

et ses profs payés pour être en vacances au

soleil ô dieu soleil

de deux choses l'une

soit tu partages

soit tu partages


1

2

3

Soleil


T'es mort


Paris, 24 octobre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

GARE SAINT-LAZARE

J'enchoppe ma blonde

la mousse déborde la rousse en face

cou tatoué

d’un tatou brun

– à moins que

non d’un pangolin – me clindœillle ses lèvres s'entrouvrent

salines de trop

de frites grasses de fluides crasses Je n'entends pas ce qu'il en dégorge le café de la gare est trop disert Un dessert monsieur Elle se lèche les babines

grimace

elles ont l’âcre saveur des cabinets tagués du sous-sol

et je n'imagine Rien Non merci Je ne quitte pas la rousse avide de mon regard vide Un café peut-être Va pour un long les courts s'engouffrent trop vite ça manque de préliminaires on n'a que la brûlure aux lippes

l’amer au palais La blonde tape à côté de ma bouche

j'ai trop bu d'arnica

après le livide je me sens violacer la mousse blanchit ma barbe pouilleuse

mes fripes poisseuses

souillonnes à froid de choucroute en conserve

de saucisse au plasma Garce de gare offre moi la chance d'un bouquet final moi qui ne veux ni fleur ni couronne sauf à décorer la rousse à l'air chou Je signe que non – ça voulait dire oui – elle a compris non – non – sinon si je suis sûr qu'elle tâte le bouton d'or rose de son portable quand je gratte mon bourdon

sur une guitare à quatre cordes molles elle sort un miroir églantine sa bouche à piper à baiser à laisser des épines sur les peaux circoncises madame tartuffe réajuste ses nippes et son mouchoir vichy couleurs de PQ et neige de deux jours rue de Rome

sur ses seins aux yeux lourds

les voile à ma concupiscence elle ne voit pas elle louche elle montre ses dents dans un sourire-cicatrice je tremble à la morsure de ses mots

au venin qu'elle m'inocule

Monsieur vous êtes en nage Si je bave c'est que la rage frappe aussi les vaccinés alors range ton pourboire

vite avant que mon brasier ne fonde tes envies de femme

de poulbot

ou de chèvre

elle n’est pas même libre

tu vois je ne suis qu'ivre

je pense sans dépenser

je suis raide mais pas dingue

dans une autre vie j'étais fourreur de vieilles peaux rabiques

et j’étais de toutes les processions à la sainte-verge

mais me voilà volubile Il est tard sur le quai

Saint-Lazare frissonne

De grâce ne casse pas le lubrique

la musique Que fais-je là las sale et laid

nidoreux je rempile mon gâchis

m’accroche à la rampe je rampe entre deux eaux

sur le parvis rincé jusqu'aux os

je m’enroule et me faufile

aux pieds de la foule

À la lumière des phares je me crois à la mer

je ne suis bon qu'à la manche

à m’entailler les poignets à m'entorser la cheville

sur ces galets parallélépipédiques

Un vieux du derme critique et christique gémit

hystérique chauve comme un blanquer

Lève-toi et marche tu nous bassines libère la place et trace Ne crois-tu pas crevard

limite pervers qu'au lieu de croire aux infaux des encravaté·es costarisé·es standarisé·es

thinktankérisé·es mariné·es dans le jus valeursactualisé qu'au lieu de t'en prendre aux salauds de pauvres qui ne traversent pas la rue pour bosser et fraudent les allocs aux réfugiés dealers

égorgeurs aux étrangères putes au fonctionnaires feignasses aux ultragauchistes infiltré·es

aux wokistes sans et de tous genres tu devrais cuisiner les rupins repus qui frouillent

embrouillent

qui planquent ce qu'ils t'extorquent dans des îles galantes

usurpent les conquêtes de ta mère et de ton père

aliènent nos cœurs et nos cerveaux

au vingt heures

avant pendant après

les dissolvent dans du coca

marchandent le sommeil

et bientôt l’air

Ne te laisse pas trépaner

retire tes chaines poteau canin

avant de m’enchienner

Après m’avoir saigné

c’est toi qu’ils vampiriseront

Je vaticine

l'heure est grave

je ne serai pas normand ce soir Peu importe Paname est à prendre sur son lit de feuilles mortes

la nuit toutes les chattes sont grises pourvu que la lune se réverbère sur une flaque de pisse ou de pluie j'ai bu l'automne je boirai l'hiver ici quand bien même ailleurs et si tu m'aimes si je t'émeus laisse saliver ma honte captive

oublie mon panache timide entre les pattes on ne refuse pas un dernier plaisir au faux prêtre au prophète prosélyte au porc d'Amsterdam

aux élites assassines

Au bout de la rue le havre



Paris, 8 novembre

Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur



 


13 NOVEMBRE 2015

Vous aviez vingt ans plus ou moins le temps devant vous le temps d’avant l’averse de métal de haine noire armes mouvantes des hyènes obscures à l’envers de vos rêves volés meurtris Le carmin de vos chants charmes célestes l’éclat de vos rires les bris de vos verres bière d’Anvers ou d’ailleurs votre vin vos vies renversés violons éventrés

Révulsées

Révoltées et dignes Tout se fige et se voile vanité vaine envoutée cri d’alarme cri d’amour cri de Munch une larme indocile Sur vos lèvres blanches une éternité ravie sous la mousse vermeil vos âmes libres Carmen insoumises

Paris, 13 novembre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

VENDREDI 13


Vendredi

Treize


Dans l'arène indifférente en frénétique jeu de jambes l'orgie bat son plein on sabre champagne au creux feutré des loges

et la foule roule en bleu de liesse Nulle sirène en ce bal circassien on bâillonne on étouffe un chant funeste dans une explosion de bravos et de rires

la vague mugit

qu'importe si tout dehors n'est que cris pleurs et déraison

panem et circenses


L'espace d'un soir d'automne on défrise le poème en fractales on hystérise nos je t'aime on photographie livide le spectre des amants en terrasse après la rafale après l'heure heureuse longtemps après la bière Alors

quand la torpeur fige le pogo quand l'horreur carmine les sols et les murs

quand l’aigle noir se teint en grenat

quand le courage électrise et conjure les sorts

alors

comme un refrain murmuré submerge l'innocente insolence là où le mutisme s’abime entre deux crépitements de haine deux soubresauts de vie de mort

et de métal on ne sait plus on ne dit plus les yeux se voilent et le cœur pense sueurs et sangs mêlés à nos frères et sœurs assassiné·es


Samedi

on géographie le temps les sentiments

l’horreur on archive le vide

on triple le deuil

on historise l'amour

on radicalise le silence

on asservit les lumières

on capitalise la résilience

Il n'est pas de Vérité



Paris, 13 novembre

Henri BARON

Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

FILS DE P

Vous les fils

de paix ne pûtes bercer poupées verser vos larmes

aux armes bébés fausses alarmes de leurs cœurs en béton armé haut les corps à drames en chasse et les clairons tromper le temps flutes de classe

fils de pets

passés au fil de l’épée trempez vos plumes dans la crasse et le goudron remplir les orifices de vin de messe e mélasse en sacrifice de vestale sacrée de vice en office de vice en versa de versatiles vertus elles se prélassent quand j'inverse les rôles drôlesse rose et drôle

je te renverse et tu déverses ta liqueur ton ivresse livide sur ma bouche aride sur mon priape avide de sens interdits embuez mes rêves vides de sens tout en transes atlantiques sirènes cornues blondes charnues cornes de brunes quand tout s'engrise quand tout s'enlise corps nus humides au pieu timides rousses effarouchées enamourées belles empalées belles envolées belles emballées trouducune hésitation je caresse en tendresse si oui ninon sinon

rien



Paris, 26 novembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 


(R)ÉVOLUTIONS



Tu tournoies

comme le vin grenat

au fond de mon verre


tourbillonnes

comme le sang dans ton cœur

bouillonnant jusqu’aux tempes


et derviches vers le ciel

en volutes

de tes rêves diurnes



Paris, le 28 novembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 


ENTRE DEUX RAMES


Depuis la fin de l’été

chaque dimanche en sortie de messe

je déchire une photo sépia jaunie

au dos grabouillé

en souvenir de feux

de crépitements

d’étincelles

de braises


Sur le pont des Arts

j’en éparpille les lambeaux

confiant à la Seine

au sale temps qui se surpasse

mes bribes de vers au verso


Voici des lustres que je vis comme bourgeois entre porche et bitume entre porsche et biture


Je ruissèle au milieu des rats ma brisure de glace dit la gloire ternie comme celle des rondelles de cuivre rouges et de dédain

que vous me jetez sans me voir


Je ne suis que risée du peuple de Paname

dans mon paletot

pelé

pucé

mouillé à l’exintérieur

– folie ce qu’imbibe la haine

comme si chaque goutte de pluie

s’imprégnait de toutes ses particules


Seuls mes yeux sont secs

de toutes façons

j’ai renoncé

jusqu’au sens du frisson


La ville grouille d'un fier monde que j'honnis

elle m’abhorre

le vent de même

qui renverse sans cesse ma sébile en plastoc et ses vingt-cinq centimes

disperse l’haleine de leur regard

J’en ai changé de trottoirs

l’autre disait pourtant que le soleil était en face

il fallait juste traverser

j’ai ramé jusqu’à l’autre rive

où n’était qu’un miroir aux pigeons

d’immonde en immondice

ad libitum


Je ne fais pas fine bouche

Noël m’est inconnu

le Nouvel An n’y changerait rien

échappé d’une bagatelle

sans date de péremption

mon repas me tiendra jusqu’à demain

si vous le voulez bien


Le soir je me couche dans les cendres d'enfance sous mon duvet poisseux du vol d'innocence du vol d'insouciance


La nuit reste blanche dans la laideur des effluves et le silence intranquille la ville grouille encore

en gris

en noir

frénétique

les vautours s’agglutinent

autour des menus

des cinémas des théâtres

j’étais là sur les planches

en ces temps d’abondance

quand j’étais poète

du moins quand Le Monde ou Libé me le laissaient croire

je me ferme à la clameur

de celleux qui racontent leur lit

et leurs fausses muses liftées

liposuccées lipofillées


Je ne m’endors jamais

je fume comme une bouche de métro

rêvant d’une vraie pipe

de tabac doux

de cheveux parfumés

de mains douces

d’un sourire


Je veille

ne me réveillez pas

il me reste deux photos



Paris, 28 novembre

Henri BARON

Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

GARE DU NORD


À quoi bon gare du Nord

le Nord je l’ai perdu

emporté par les vents

un jour gris de printemps

un jour de petites vertus

de vertige et d’absence


À quoi bon gare du Nord

ses trains à noyer la défaite

en plat pays

vont au froid

vont à la pluie

vont à trépas

empestent l’urine

et les peurs paniques


À quoi bon gare du Nord

je ne joue pas

au monopoly

je ne gagnerai pas

au poker menteur

je ne gagnerai rien

roulette

russe ou pas

la vie l’est déjà

pair ou impair

rouge ou noir

là n’est pas l’espoir

là n’est pas le rêve


À quoi bon gare du Nord

ses cœurs serrés

ses corps pressés

hâte d’attendre les trains

les yeux baissés

tous feux éteints

comme un abcès qu’on crève


À quoi bon gare du Nord

salle des pas perdus

on se sent sale

on se sent seul

au sein d’une foule

artificielle et fétide

hélas incessantes

les semelles de plomb

on encaisse sur les quais

le temps qui lasse

le poids des départs

vont et viennent les mains factices

de ces marins de verre et de ferraille

qui poursuivent à la trace

mes amours barbelées

leurs lambeaux lacérés

funestes séquelles d’un perpétuel hier


À quoi bon gare du Nord

je prends n’importe quel train

sans billet

sans regarder

vers quelles laides noces il me convoie

dans quel pétrin je me vautre

au-delà de la banlieue

au-delà des tas de betteraves

bientôt défileront

les fils de ma mémoire

clandestine en chemin

d’acier

de pierrailles

d’étincelles de rouille

de crise de caténaires

je funambule en bord de rupture


À quoi bon gare du Nord

quand on rêve de mer

par la vitre crasseuse

les vagues verdâtres déferlent

j’entends le rire inoxydable

des mouettes en goguette

plus loin que le ballast

aux reflets gris et roses

plus loin que l’horizon torturé

et ses cadavres d’étoiles

s’embrouillent les sons

les formes

les couleurs

une néo-naupathie me tsunamise

quel est ce reflet dans la glace

aucune indulgence pour ce visage

ni ce traitre paysage

je n’espère plus rien

le soleil et les songes estropiés les ombres

dans mon dos

filandreuses

s’éloignent

s’amenuisent

disparaissent

je frissonne bientôt

sous la caresse épineuse

de la lisière du monde

où l’oubli déraisonne

avec l’Amour à dépendre

les ailes ficelées

un cœur à pourfendre


À quoi bon gare du Nord

tout autour se désagrège

les villes perdent leur superbe

elles semblent cligner des feux

dans cette campagne perdue

je souris à la mort

de ce rictus imbécile

les yeux dans le vide

et le vide dans les cieux


À quoi bon gare du Nord

puisqu’ici tout s’achève

Paris, 6-9 décembre

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 


INVITATION


Quand tu viendras chez moi Un matin frais de dentelle Je ne toucherai pas Sur la plage immense Qui fut celle de nos amours Je te regarderai Enlacer le soleil Je te contemplerai Te lover dans la mer Le soleil et la mer ne s'aiment-ils Que dans l'union sanglante Qui précède la nuit ? Quand tu viendras chez moi Dans cette chambre bleue Qui put être celle de nos amours Je ne te toucherai pas Ne dirai rien Il suffira d'un regard Soleil noir Silence nuit Saurons-nous faire l'amour Avec nos yeux ?

Paris, 15 décembre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur


 

ENTRE ANGE ET DÉMON


Il est temps d'instaurer la religion de l'amour. Louis Aragon in Le Paysan de Paris, 1926

Que fais-tu de mon âme athée De ma vieille âme damnée Quelle est cette religion De cendre et d'étoile De ciel et néant Être étrange Étranger Aux voies de l'amour Être là Être la Voix qui souffre

N'être là N'être la Soif de soufre Être ange ou démon Entre ange et démon Étrange et démon Ton cœur oscille Ton âme vacille Sans marteau ni faucille

Longues-sur-Mer, 30 décembre © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur




CE NE SONT PAS DES VŒUX


Ce ne sont pas des vœux

ce sont quelques rêves

décapitalisés

démacronisés

décovidés

quelques rêves pour ne pas crever

rêves à vivre

rêves à rire

rêves à venir

rêves d’où revenir

ou pas

rêves à ravir

à souvenirs

désordonnés

rêves de liberté


Ce ne sont pas des vœux

ce sont quelques rêves

pour la Terre

rêves tête en l’air

rêves d’univers

rêves d’infini

rêves de petits riens

de révoltes aussi

rêves solidaires

sorofraternels

rêves sans fric et sans frime

avec ou sans rime

utopies à deux

ou pour le monde

à lancer des bouteilles à la mer


Ce ne sont pas des vœux

ce sont quelques rêves

rêves d’enfance

sans revers

rêves à l’envers

allant vers

d’improbables destinées

de chemins de traverses

escarpés

boisés

sans ancre et sans amarre

rêves d’horizon

de déraison tendre

et de douce folie

rêve de beau


Ce ne sont pas des vœux

ce sont quelques rêves

rêves étoilés

à partager

rêves à voguer

sous la lune

rêves à aimer

rêves de vertige

parfumés d’îles

rêves épicés d’elles

rêves d’elfes et de fées

de soleil après la brume

de landes de bruyères

de sources d’eaux vives

et de feux à dénuder les âmes

Ce ne sont pas des vœux

ce sont quelques rêves

rêves à s’aimer

à semer des champs de lin

de coquelicots dans les blés

rêves de métives

de musiques et de danses

de vignes et de fête

rêves à verser dans un grand verre

rêves d’averse dans le désert

sans prophète

ni vrai ni faux

rêves d’ami·es

rêves d’amour

rêves à rêver



Paris, 1er janvier

© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur




VŒUX

J’aimerais vivre vieux en perpétuel surtemps pour voir naître et vivre les enfants de mes enfants J’aimerais vivre jeune m’élancer avec inlassablement laisser trace sur le sable à l’infini d’un Temps qui fut est sera J’aimerais vivre en colère pour injurier Celui qui passe Celle d’un autre siècle qui sombre et coule fossoyeuse de rêves trépasseur d’idéaux voler la faux sacrée sacrificielle marcher de rêve en rive funambule amnésique passeur de flamme souffleur d’enfer J’aimerais vivre peintre poète ou poète peintre laisser trace d’un passage laisser trace d’un partage sur nos pages sombres être celui qui feint être celui qui peint avive ravive anime enlumine illumine J’aimerais vivre d’Amour embellir les fissures où passeraient en courant l’air les vents les tourments la souffreteuse routine et Sa haine morbide cicatriser les blessures combler les abimes ne laisser que quelques fêlures d’où jaillirait la Lumière filante des étoiles et le grain de folie d’un paradis reconquis


Paris, 3 janvier © Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur

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