63
Je t'attends à la fenêtre les minutes s’égrènent
semblent des siècles
mon corps épouvantail lance des SOS
quand le tressaillement du chat
annoncera-t-il ton retour dis quand reviendras-tu frapper comme à coutume de ton index plié sur le ventail vitreux
trois brefs trois longs trois brefs trois brefs trois longs trois brefs
trois brefs trois longs trois brefs auras-tu sur tes pas le loup blanc le dévoreur de rêve à tes trousses le prince charmant misogyne harceleur
ou le monstre errant échappé du donjon
poursuivant après toi
tes chimères et vieux démons
Je t'attends à la fenêtre et tu n'arrives pas dehors les foules déroulent
les êtres semblent s’attirer se séparer l'averse ricoche sur le rebord tinte au carreau je n'y arrive pas trop d'impatience trop d'importance assis sur la poubelle le chat garde mon cœur absinthant l'attente sur un quai sans âme et sans correspondance il suit mon regard
hagard se demande pour quelle fallace
pour quel hasardeux espoir
Je t'attends à la fenêtre as-tu faim de fruits rouges et noirs as-tu soif de venins amers as-tu froid
vois comme je frissonne la pluie cesse et la nuit tombe avec traitrise entre chienne et louve la rue s'emmitoufle dans son manteau de brume que douchent les réverbères ce soir comme hier cloche sans fin Saint-Esprit sombre et déraisonne
Je t'attends à la fenêtre
rêves-tu de m'embrasser
m'enlacer
me lacer me lacérer rêves-tu d'avalanches d'avaler ma langue de vins et de vertiges
rêves-tu de cascades
de torrents
de tremblements
Je t’attends à la fenêtre
depuis si longtemps
combien là-bas de métros se sont-ils arrêtés
combien de bus sont-ils repartis
combien de je t’aime ont-ils expiré
lors de leur vol aléatoire
comme un souffle de pissenlit
Je t'attends à la fenêtre quelle heure peut-il bien être celle du leurre et de la folie du fourbe et du laid celle du sang d'encre
Je t’attends à la fenêtre
le temps est-il de paraitre
ou de déposer une offrande
est-il à tuer de mort lente et je t'attends à la fenêtre
Paris, 10-15 novembre © Autobiopoèmes, REVER(S)
(chaque strophe comprend un nombre premier de vers : 19, 17, 13, 11, 7, 5, 3, 2)
64
Nœud de vipère
nœud de galère
la vie la mort
quoi C'est beau un nœud coulant un nœud neuf surtout un qui n'a jamais servi car ça sert un nœud coulant c'est même très utile ça serre sans effort même quand tout est raide même quand tout est dur c'est comme un chamallow quand on rêve loukoum ça coule comme la Seine au printemps ça glisse matelot sous les vents toutes voiles dehors ça va ça vient comme un vers de Verlaine sur des lèvres vérolées un révolver de Rimbaud dans la bouche alouvie C'est cool un nœud coulant ça laisse du beau sur la peau de l'automne après l'été un ciel juste après le brasier après que le soleil a coulé des teintes fraiches après les chaudes éteintes les étoiles c'est âpre un nœud coulant comme un jus de prunelles en novembre comme un pisse-dru nouveau en fond de gorge élimée comme un souvenir de môme en cœur fossile C'est drôle un nœud coulant avant la chute du tabouret
Paris, 18 novembre © Autobiopoèmes, REVER(S)
65
Pourquoi fallait-il se laisser
tordre les cœurs
tuméfier les corps
avant même que n’éclose la pivoine
avant qu’elle ne se fane
Je me souviens de ces rares moments enfance
lorsqu’étincelaient les cétoines
Paris, 22 novembre
© Autobiopoèmes, REVER(S)
66
Tu me désempares
me dépassionne
me désespères me désavoues me déprécies
me décrédites me déshonores me dénatures
me détermines
me désaccordes
me désenchantes
me dérotises
me désassembles me démantèles me déstructures
me désagrèges me décomposes Et tu me dis pourtant – je te déchaine je te délivre Tu me dis encore – je t'aime
t’adore ainsi Tu dérailles désaimes aussi
Paris, 14 décembre © Autobiopoèmes, REVER(S)
67
Lorsque je ne pourrai plus écrire je serai mort mais si mon cœur bat encore dans un corps sans âme machinalement comme la charentaise à la victoire aux ailes coupées qui sonnait les heures et les demi-heures des jours et des nuits de mon enfance n'attendez pas la descente des poids cylindriques on peut aussi figer le balancier pour que s'arrête le mécanisme insomniaque qui ose égrener les secondes les minutes les heures l'éternité
Paris, 16 décembre © Autobiopoèmes, REVER(S)
68
"Monsieur depuis au moins vingt ans vous risquez à tout instant
l’infarctus du myocarde
l’accident vasculaire cérébral
vous flirtez avec la mort en plus de vous protéger vous ne pourrez plus vous passer de La Machine adieu fatigue et perte de mémoire même votre libido sera décuplée
vous formerez la nuit un couple inséparable n'oubliez surtout pas de la brancher dès que vous vous allongez vous ne devez pas vous endormir sans ah j'oubliais vous devez supprimer de votre vie
tout ce que vous aimez boire et manger
à jamais
il est heureux que vous ne soyez obèse si vous pouviez moins travailler ce serait parfait mais n’est-ce-pas nul n'est parfait et puis bougez bougez bougez" SAOS
donc
deus ex machina
Docteur
la mort je la baise
avec révérence
quand je dors
quand je fais l’amour
d’ailleurs c’est elle l’obèse
à force de se goinfrer
à tous les râteliers
des jardins d’Éole
aux vagues de Manche et de Méditerranée
des disparitions brutales des pères de mes élèves
aux coups de brutes qui massacrent les femmes
des famines pour les enfants du Mali
au crabe qui dévore ceux de Roussy
des typhons des Philippines
aux cendres du Semeru
alors laissez tranquilles mes désirs
que serait la vie sans folie
Alors voilà
voilà pourquoi
il fallait faire de mon sommeil
un enfer Voilà pourquoi
depuis le jour (covidé) je sors masqué la nuit (en apnée) je dors masqué grand carnaval terne et plastifié sommeil cerné de tuyaux ancré à l'appareil et son chant des profondeurs comme un plongeur ligoté à son rocher Je ne dors plus
mes insomnies jouent avec les ombres persiennes du plafond et quand je dors je me vois sur le dos immobile le regard fixe comme s'il devenait impossible de me ré-animer si je m'endors enfin entre fin de nuit et petit matin les crocs du chat dans le tube souple me réveillent la bouche ensalée d'une voix d'outre-tombe je le repousse il faudra rafistoler l'air ne doit pas s'échapper
comme fuit toujours ma mémoire Je meurs chaque nuit du manque de tendre - on n'embrasse plus on ne câline plus un homme masqué le crâne sanglé tuyauté enchaîné libido bernique
berné l’amour aussi semble à bout de souffle Alors il me prend des envies de me désaliéner d'arracher les amarres de me défaire de ce corps incapable de s'entendre avec son cœur il me prend des envies de prendre le large de fuir les ports et les attaches
il me prend des envies
de lèvres sauvages
de parfums doux
de peaux veloutées
d’amours à en mourir
il me prend des envies
de me désentuber
de chanter fort et faux mais chanter quand même
de danser moi qui ne sais pas danser
il me prend des envies
après un café assassin de sommeil
de rhum cubain à l’orange et à la cannelle
où s’agite une gousse de vanille fendue
d’en boire à tutoyer les dieux
du fumer un tabac qui engrise mes poumons
jusqu’à l’asphyxie
il me prend des envies
de laisser les battements de mon cœur las libres de rythmer sans partition sans métronome de s'arrêter quand il voudra pour s'endormir
pour m’endormir enfin
Paris, 21 décembre © Autobiopoèmes, REVER(S)
70
Dans le vénéré vénal plus que vénérable vase en cristal de second choix flottent en taches écarlates sauvages et morts les pétales de mai de mes éphémères amours damnées condamnées celles que
ni par gout ni par choix
on choie
conchie enchaîne
entraine
à devenir croix en écorces de chêne liège roussies au feu de garrigue feues amours écorchées larmes fossiles piégées dans le marbre et ton visage impassible tagué dans l'impasse pisseuse où les poisseuses étreintes
ne survivent jamais au crépi qui s'effrite à l'été qui palpite et s'efface avant l'heurt je ne suis que vaurien adulescent vénérien à l'obsolescence mal programmée
Paris, 11 janvier © Autobiopoèmes, REVER(S)
71
Je ne suis que l’ombre l’ombre de la lune
à trembler sur la vague
à s’ensombrer dans l’écume amère
Je ne suis que l’ombre
l’ombre d’un nuage
enamouré du vent
et je dessine sur le sable des arabesques mouvantes
Je ne suis que l’ombre
l’ombre de l’éphémère rouillé
fragment de temps sépia
qui s’efface se tord et se consume sous la flamme
Je ne suis que l’ombre
l’ombre de ton amour
de ton cœur velours volage
entre étoiles surgies des décombres
Je ne suis que l’ombre
l’ombre engrisée de tes silences
l’ombre noircie de tes absences
l’ombre de mon ombre
L’ombre de rien
Paris, 20 janvier © Autobiopoèmes, REVER(S)
72
Because of the emptiness
you seem to see in my eyes
you think you read in my minds
that I'm waiting for you my lady
in the silence of my dreams
but I'm walking through my nightmare’s din
in the fleeting daylight
my eyes are wide open
they absorb the blinding light
of this fucking sun
but my soul stretched the chain
which prevents the enemy fleet
from entering the port
closed its door and shutters
my heart’s caulking
it’s barricading itself
it no longer feels
neither love nor hate
my soul has closed its door
you my queen you’re walking in the mud
and your mouth’s vomiting eels and frogs
you don't think anything anymore
your heart and your feelings
are dark brown and smells
of wet pussy and shit
Paris, 23 janvier © Autobiopoèmes, REVER(S)
73
Tomber n'est rien le jour tu te relèves la nuit plus forte plus grande tu serres les poings fracasses la porte les murs de plâtre de béton de brique les barreaux de fer aux fenêtres en trompe l'œil qui t'emprisonnent qui retiennent tes pas butent ton regard te séparent de ton amour Les nuits libèrent ce qu'asservissent les jours
Paris, 25 janvier © Autobiopoèmes, REVER(S)
74
Dans le chahut de mes délires
s'immiscent des fées sanguinaires
sans pitié
de leurs serres acérées
elles transpercent nos chairs exsangues
avalent ce qu'il nous restait d'âme
dénervent nos amours
dévorent nos cœurs
À la jointure de ton mutisme et de mes murmures
sans bris
le miroir se fissure en étoile
s'y créent autant de reflets
que de portions de glace
Es-tu plus belle
en fractales
es-tu celle qui mène le bal
aguiche
enchaine
se déchaine
Es-tu chatte
es-tu chienne
Suis-je esclave
suis-je maitre
Sommes-nous braves
sommes-nous traitres
En ce donjon des pestilences
aux oubliettes du silence
il faut égorger les souvenirs
dépecer les amours
incinérer les peurs
ne laisser aucune trace
que l'éphémère désir
assouvi
Je reste enceint
de ta semence amoureuse
de tes fluides comme brulure d'un passé pacifié
Il reste des lèvres à ma mémoire
une langue qui la baise
une main qui la fouille
une peau qui la colle et frissonne
de nos luxures lunaires
Paris, 5 février © Autobiopoèmes, REVER(S)
75
Dans le chalut de tes désirs
tu pêches des amours sans queue ni tête
des monstres avides qui peuplent ta flibuste
et tu jalouses malade les œillades des flottilles ennemies
À fond de cale
les esclaves entonnent un chœur de vie et de mort
ton cœur ravagé les condamne à l’anamour
dans ce grand voyage sans escale
Tu auras beau écailler les sirènes prises dans tes filets les griller
équeutées
étêtées
entre deux feuilles de laurier les croquer sur du pain polka avec une pointe de sel et du beurre de Surgères tu ne m'empêcheras ni de rêver ni d’aimer au-delà des mers
j’ai trop fumé le calumet
je reste sur ma hune
à draguer les étoiles
et peut-être la lune
Je te laisse les astérides mortes sur le pont
et draguer la vase
au fond de ton havre nacré
Je te laisse bouchère
poissonnière poisseuse
boucher l’entrée du vieux port
Je te laisse tes amours mortes au front
d’une guerre sans nom
Je serai bien loin
amoureux de Paname
panamoureux
Il sera bien tard
quand tu regretteras
ton Pan amoureux
Paris, 6 février © Autobiopoèmes, REVER(S)
76
J’ai beau frapper à grands coups de heurtoir
tout est silence derrière la porte du temps
lugubre et glace
Alors comme un voleur
je pénètre par effraction
remonte le couloir immense et vide
et pourtant parsemé d’embuches
des parvenues fontaines
des revenants ithyphalliques
sortent des murs
secouent leurs chaines
éjaculent leur haine
* * * * * * * * * * * * *
Je ne reconnais plus personne
ni dieu ni déesse
ni maitre ni maitresse
les interminables heures de labeur
ont anesthésié ma mémoire
Je suis seul
avec mes doutes
mes errances
ce mauvais rêve
à crever de peine
et ce temps d’étain qui passe
d’un désir de trépassé
à l’amour transpercé
d’une flèche cupide
* * * * * * * * * * * * *
Feues mes amours trépanées
par ton scalpel avide
Paris, 9 février
© Autobiopoèmes, REVER(S)
77
La peur sur tes mains encre à battre tes tempes le tempo de la pluie sur le carreau du temple Le silence du sablier désavoue le miel et laisse filer le temps au lit de la rivière Vers l'embouchure j'ai désamarré mes amours à les trop vouloir libres elles ont vogué sans chaine
loin de mes camps d’apaches loin de mes ports d'attache elles gonflent les voiles mais pas seulement elles se chargent d'écume s'emplissent de vent L'éphémère et le désir ont rompu l'alliance largué leurs armures jeté l'ancre délavée à figer les rêves et les mensonges La ligne d'horizon
se courbe se fracture à laisser se mélanger ciel et mer chœurs d'archanges et chants de sirènes
* * * * * * * * * * * * *
Haineuse en talion
experte hautaine en holocauste elle naufrage le temps et mon corps comme un navire honni
ravi sans peine à sa destinée chaviré sans livrer bataille épave désertée
envasée sous les brisures du grand sablier Jamais repue de ses festins d’amante religieuse
à l’affut de sa victime expiatoire
inlassable nécrophage elle profane en leur caveau mes amours
dissoutes de ses délires acides elle délivre les monstrueuses chimères à m'en dévorer l'âme à m'en calciner l'écorce
En juge érigée
elle condamne
exécute la sentence
jusqu’à ne laisser de mes amours
qu’une peine capitale
qu’un cœur exsangue incapable d’aimer
et quelques étincelles rougies au-dessus du bucher
Paris, 12-13 février
© Autobiopoèmes, REVER(S)
78
En lendemain de fête prestidigitateur loser en jour de défaite seul et sans flouze occis en pleine débandade sans pigeon sous mon kleenex ni mouette dans la manche sans amour en escarcelle sans même un treize après mon douze sans lest dans la nacelle bonimenteur aux rimes mauvaises à la poudre d’escampette chanteur de saudade aux mélodies médiocres venant de loin ni noires ni blanches un peu rondes un peu cloches un peu blondes un peu croches amoureux sans réciproque j’ai soldé mon sommeil à la solitude consommé non assaisonnés mes mots en mode pain dur hiver rude consumé mes nuits sans te rassasier à frotter nos peaux comme deux silex pour en jaillir l’insolente étincelle qui fait aimer avant le sexe le temps des cerises et l'échancrure des chemises j’ai conspué le ciel et ses orages sans espoir ses feux de paille ses éclairs d’indifférence ses arachnéennes étoiles j’ai bu tout l’amer j’ai bu toute la mer de toutes les mers jusqu’à la dernière algue jusqu’au dernier krill et l’ultime fleur de sel au creux de la vague à t’en bruler les lèvres dévaster les entrailles sans balise de détresse lacérer mes amours en franges j’ai noyé mes poumons de dentelle englouti mon cœur en exil submergé mes soleils et mes lunes déchu les anges gardiens de tes rêves il me reste tes je t’aime et tes allez marche ou crève merci maitresse finie l’ivresse
Paris, 15 février
© Autobiopoèmes, REVER(S)
79
Je saoule l’hiver à lui faire perdre la tête
mais comme l’hydre de Lerne deux lui repoussent
à la hâte
chaque fois
il revient à la charge
on le dit général
il n’est que monstre imbibé de vodka
ses flatulences
ses sécrétions
trainent leur pestilence
de la Seim à la mer Noire
Pourquoi faut-il que s’enlise l'hiver
pourquoi laisse-t-il moisir
ses aubes blanches
ses vêpres grisonnantes
Hiver de givre
à glacer les cœurs
briser les reins
mâtiner les peurs
Ivre hiver d’armes
de sang
de larmes
d’encens
Hiver à mitraille
hiver d’entrailles
hiver de funérailles
Hiver d’hymnes et de messes
de déchirures
de sales traitrises
de lâches renoncements
Parviendrai-je à caresser le printemps
ses parfums
ses couleurs
ses chants mélodieux
parviendrai-je à déflorer
ses bourgeons
Ma main s'est ridée dans la froidure
mes doigts ne sont plus que fissures
chacune d'entre elle parle amour
et déraison
si ce n'est désamour et raison
je promène timide sur ta peau douce
la rugosité de mes sentiments
la morsure de mes émotions
mais ni tes épaules ni ton dos ne se plaignent
à mes oreilles résonnent les battements d'un cœur à la jeunesse harassée
Paris, 6-7 mars © Autobiopoèmes, REVER(S)
80
(Entre deux tours)
Voici le nouveau jour non pas le jour nouveau ça miaule et roucoule à l'aube bleue ça coule de mièvre non pas de miel j'ai chaussé mes sabots de sept lieues ma louve a les babines rouges pendante ma langue basse ma queue la gueuse cuve et couve sous son duvet de mauvais poil poison d'avril sa lune saigne on agite face au rêve le sigle noir aux lignes brisées mise en cène glauque perverse où pavanent paradent des croisillons – ces petits nazis en croisade – pas de loi pas de l'oie dans leur crâne siliconé nuages et vous hauts murs de grisaille chemins verticaux asphaltés je vous déteste vous masquez mon soleil et mes seins du vendredi sortez de mon silence et tant que vous y êtes posez ma chimère sous le paillasson si je retrouve ce soir ma sente sinueuse sans bourdon sans clairon avec ce qu'il faut de mousses et de fougères pour amortir mon cœur plombé je reprendrai mon rêve là où vous l'avez noyé
Paris, 15 avril © Autobiopoèmes, REVER(S)
81
(Fanaison)
Ton rêve fane au soleil sur un rayon de trop de suffisance sur ton cœur lunaire mère de l'intranquillité je sais ce sourire à tes yeux comme une ancre brisée mémoire d'étoiles défuntes
Paris, 13 mai © Autobiopoèmes, REVER(S)
82
(Traîtrises II)
La vie a dépoli mon visage
il en reste des ruisseaux de sel
et des taches de lune
J'ai caressé tant de clous et de pierres
que mes mains ont la rugosité
des murs décrépis
et la rouille des amours oubliées sous les intempéries
J'ai pris mon cœur dans les ronces
il en est sorti lacéré
et de chaque plaie s'échappe son souffle
extrême
ultime
Le métronome est brisé
la boussole affolée
le battement ne fait plus mélodie
nous ne voguerons pas vers le merveilleux
Couvert de cicatrices
le présent s'évapore
sans possible pardon
Depuis que tu l'as chassé de tes veines
mon sang cataracte
je te suis étranger
en migrance infinie
Mes rêves de simple et de beau
se dérobent dans les méandres d'incertains demains
Alors j'invente sans foi
des mots
des sons
des rythmes
artifices d'humanité
ersatz de jours meilleurs
un amour enfermé dans une bouteille à la mer
La Jarne, 4 mai
© Autobiopoèmes, REVER(S)
83
(Brocante)
Tu me penses cher
je te dépense
à ramper vers un rêve de toi
à solder de tout compte
nos amours liquidées
nos reliquats liquéfiés nos lettres de relance
nos fractures impayées
nos souvenirs brocantés
qui ne trouvent pas preneurs
qu’on brade à cinq heures
quand faiblit la flamme
qu’on bazarde à six
quand écrase la flemme
de remballer nos vies
dans de vieux journaux
froissés en fées d’hiver
* * * * * * * * * * * * *
Alors il ne reste entre nous
qu’une valise élimée
à la clef brouillée
à jamais exilée
nos mains hésitent
à saisir la poignée
mémoire rafistolée
de corps serrés
sur le quai de la gare
nos yeux résistent
nos cœurs s’enkystent
nos mains s’invitent
s’agrippent l’une à l’autre
en oublient sur la place
la valise amantée
* * * * * * * * * * * * *
Elles ne se lâcheront
que pour cogner nos verres
d’une infâme piquette
celle qu’on tète avant l’exil
au soir cruel des défaites
Paris, 24 mai
© Autobiopoèmes, REVER(S)
84
Visages de pierre
comme en prière
sagesse de mésange
ou de démon
sur un portail romancé
* * * * * * * * * * * * *
Soleil métis à mordorer le regard
à défier les vents
à défiler le temps
nous ne serons ni dieux
ni diables
mais dieux mâtinés de diables
démophiles
* * * * * * * * * * * * *
Si grésillent les châtaignes
sur nos peaux catinées
maculées de klein
découpées
collées
si nos corps matissés s’endansent
sur le Livre des abimes
entre enluminures
et sanguines icônes
sueurs et cuirs mêlés
si nos cœurs s’étreignent
en infernales rondes
le monde valse à l’envers
et sa tornade le disloque
* * * * * * * * * * * * *
À la lie de limbes indociles
nos âmes nues s’éteignent
exténuées à l’aube carmine
suppliciées dans cette transe sublime
* * * * * * * * * * * * *
Toute prophétie ne sera qu’autodafé
Paris, 25 mai
© Autobiopoèmes, REVER(S)
85
Aujourd’hui n’est que néant
vertige extatique
au bord du bord du monde
où devisent des visages masqués
* * * * * * * * * * * * *
Hier sera
un pétale de rêve à l’envers de tes cheveux
une étoile tatouée sur la pente de ton cœur
tu languiras sur les lattes ingrates
entre les seringues vides
les ombres persiennes
et le parfum des seringats
* * * * * * * * * * * * *
Demain fut
fuite du temps pressé
stigmates enfouis sous le tapis
mémoire en ruminance éternisée
* * * * * * * * * * * * *
Que désenchante le merle
aux pires jacqueries des pies
le soleil est de travers
déborde les planches
le temps épie la parole rebroussée
épuise l’amour retranché
dégorge son sel sous le déluge
de mes quarante jours
et mille et une nuits
* * * * * * * * * * * * *
Aujourd’hui clos
pléonasmique
jusqu’à l’écœurance
Paris, 11 juin
© Autobiopoèmes, REVER(S)
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