Sélection de textes écrits sur le thème de la danse
© œuvre de Sophie Bertrand pour Jour 53 à l'exposition "la Poésie des Confins" à l'espace Beaujon (centre Paris Anim', 208 rue du faubourg Saint-Honoré à Paris 8e).
Après le 22 septembre, l'exposition changera de lieu et sera accueillie à la Maison des Associations du 8e arrondissement, 28 rue Laure Diebold.
(© Photo HB, désolé pour la piètre qualité...)
LILY DANSE (I)
Lily clame
De son corps silencieux
Âme visionnaire
L’être irrévérencieux
Révolutionnaire
Lily clame
Lily valse
Et ses bras nus s’allongent
Loin ses poings se ferment
Révulse les mensonges
En fane les germes
Lily valse
Lily vole Et son âme éthérée Dévore la sorgue
De son corps enfiévré Consume la morgue
Lily vole
Lily donne S’abandonne à la scène
Fière hasta siempre
Virevolte sans haine
De l’aube à vêprée
Lily donne
Lily tangue Mains tutoyant le ciel
Pieds giclant le sable
Inclassable inlassable
Frêle Immatérielle
Lily tangue
Lily danse Et son corps cadencé Les sens évanouit Son rêve chaloupé Enivre la nuit
Lily danse
Lily danse
Paris, 19 avril 2019
© Autobiopoèmes, Chansons
JOUR 41
Nous étions bel·le sous le soleil Il dessinait par les persiennes Sur tes seins tes hanches merveilles Des ombres marines vermeilles
Danses ou transes dionysiennes Nous étions fol·le sous le soleil
Paris, 26 avril 2020
© Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement
JOUR 53
à Lily
Ce confinement
là-haut leurs crécelles
masques et lourdes bergamasques
grasse commedia dell’arte
confinent à l’absurde
crispent l’en-vie
diffament le désir
entorturent le travail
agonissent la paresse
blasphèment l’artiste
éclipsent la culture
aliènent l’hemme
et mutilent l’avenir
* * * * * * * * * * * * *
Dans l’attente d’un meilleur demain
tu comptes les lattes
du parquet des persiennes
les barreaux du balcon
les fenêtres d’en face
les clochettes fanées de chaque brin de muguet
ou les pieds de mes vers
avec et sans diérèse
* * * * * * * * * * * * *
Tes pensées se perdent
tes soupirs s’évanouissent
l’horloge de ton cœur rythme-t-elle encore
l’incertitude insoutenable de l’instant
* * * * * * * * * * * * *
Mais soudain
de la monotonie psalmodiée des jours
de la grisaille des failles indociles
entre mais au-delà les murs
ta voix retentit
crescendo cristalline
ravive et désaltère l’âme
comme le chant des cascades dont on se rapproche après une marche harassante
intemporelle et fragile
comme l’écho brisant la solitude
* * * * * * * * * * * * *
Alors tes mains tes bras tes épaules
se mettent en mouvement
ton visage s’illumine
tes rêves t’élèvent
tu te mets à danser
en lentes arabesques
puis dans un tourbillon
d’ellipse en spirales
libre insoumise
audacieuse et frivole
tu brises les césures
éparpilles les rimes
chorégraphies la vie
sublimes le corps
t’accapares l’espace
tutoies le ciel et la lune
délivres les étoiles
enrôles les puissances
insultes le temps
contamines le silence
assassines le vide
poétises le réel
ressuscites l’espoir
Paris, 8 mai 2020 © Autobiopoèmes, Des mots pour un déconfinement
SAMEDI 16 MAI
Dans ces matins rêches
qui respirent le ciel
en ces soirs incertains
quand expire le soleil
tu traverses les limbes
dans la transparence soyeuse
et les dentelles ajourées
d’un temps limpide et pur
Face au miroir bleu sans tain
contre la violence abyssale
par la force des hiers
la beauté sublimée
et les transes amoureuses
tu danses
Tu danses
jusqu’à l’extase
vers un inaccessible demain
Paris, 16 mai 2020
© Autobiopoèmes, Déconfin’amor
LUNDI 18 MAI
Ne crains pas le précipice
il te faut marcher
cheminer entre les angoisses
et les fantômes de l’enfance
sur la crête de vie
vers où tu t’élances
vaincre tes peurs
en t’inventer d’autres
défier les dieux et les déesses
jusqu’à ne plus les croire
écrire
chanter
danser
ta propre histoire
ton odyssée
Paris, 18 mai 2020
© Autobiopoèmes, Déconfin’amor
2-5 JUIN
La chaleur vespérale monte
des rires caprins des terrasses
vers les trilles stridentes des martinets
En ce ciel encore bleu
la lune projette sa lumière gibbeuse
ses ombres capricieuses
elle arrondit son sein
manigance ses amours
enceinte de mes songes
Tu danses
hésitant
et sure pourtant
te hisses sur les toits de zinc
funambule entre deux cheminées
que mordore un rai de soleil mourant
Je te suis du regard
le ciel se teinte de rose
le vent se lève
accélère la course folle
d’un nuage solitaire
fasciné par Dana
Lune et nue
volent l’une vers l’autre
en une fusion cotonneuse
Tu embrasses l’horizon
la canopée de Paname
et te mets à chanter
de ta voix cristalline et nue
cette mélodie sans nom
qui porte ma clameur
mes délires et tes délices
vers le mont Parnasse
Les fenêtres s’ouvrent
les stores s’enclosent
le ciel noircit
les verres tintent
les rires tour à tour
engraissent et s’estompent
par vagues
Le jasmin embaume le soir
Silence céleste
Un amoureux tire un trait
sur ce train lointain
son amour s’étire
jusqu’à la fêlure
comme la corde d’acier
que dilate l’ardeur
de la frêle fée sur son fil
D’où sort ce sable sous ses pieds
de la Seine peut-être
silice qui vole et valse
et marchande les rêves
Tu trembles de beauté
tu fuis la mort
et crains l’amour
ou l’inverse
Tu m’inspires en spirales
tu musardes
amuses les failles des murs
où se tapissent les muses
Les murmures s’éclipsent
sous les amours emmurées
qui veillent cupides
et guettent l’étincelle
d’où jaillira la flamme
à embraser tes rêves
ou la flèche acérée
pour ébraser ton cœur
Paris, 2-3 juin 2020
* * * * * * * * * * * * * * * *
La nuit frémit
impatiente de l’aube
Tu danses et de tes bras
tu tutoies le ciel
disperses la brume
blanche et grise
des terrasses du Capri’s
Obscure et luminescente
tu me verses un rêve
mon verre se colore
arc-en-ciel
en mémoire
mon vieux violon désaccordé
grince une valse à l’envers
romance colophanée
Plus tu danses
plus j’engrise
serai-je bientôt
charbonné
La nuit tous les chats sont noirs
Je clandestine dans ton rêve
et ta transe lumineuse
légère comme
une gitane
Après le café médianoche
j’allume une Che
braise ténébreuse
chavire dans l’ivresse
des voluptueuses volutes
puis rassemble les miettes
de ma carcasse ébréchée
Tu refuses un dernier verre
Tu m’invites à flâner
dans les arcanes de ton corps
ou les impasses de ton cœur
Je m’écorche à ta peau
traverse tes cascades
tes buissons d’églantine
m’engouffre somnambule
en tes sombres cavernes
Je me perds dans les méandres
de stupre et de soufre
Tu m’abandonnes à la source infertile
d’un fragile et légendaire avenir
Tu inondes mes lèvres
d’un plaisir éméché
Tu réfutes un dernier vers
Morphée m’attire
dans l’ivresse infernale
de son velours noir bleuté
Paris, 4-5 juin 2020
© Photo HB, Artiste anonyme, Paris le 20 mars 2020, rue Jacques Hillairet (12e)
19
En offrande Nos corps nus sur l'estive après l'albe transhumance de nos cœurs L'âme en comète incertaine dans l'immensité de mer et ciel mêlés Le vol gracile de la sterne la brusque plongée du poignard dans les chairs Et la valse fragile de l'éphémère
crépusculaire
Danse macabre
Saint-Laurent-sur-Mer, 19 juillet 2020
Longues-sur-Mer, 20 juillet 2020
© Autobiopoèmes, Océanités
(R)ÉVOLUTIONS
Tu tournoies
comme le vin grenat
au fond de mon verre
tourbillonnes
comme le sang dans ton cœur
bouillonnant jusqu’aux tempes
et derviches vers le ciel
en volutes
de tes rêves diurnes
Paris, le 28 novembre 2020
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
29
Elle piétine libre et nue
les carlines mortes
Sous ses pas tournoie
le soleil d’hiver
Jour léthargique
Jour liturgique
Elle danse en hypnose
fascine les pentes douces
de ses yeux trop noirs
Elle dévore le cœur
des hommes
en porte le deuil
On la dit sorcière
elle tressaille
sous les flammes du bucher
Elle sent la gentiane
et la froidure des flammes
Ses bras sont ses ailes
vers ses neiges célestes
Son dieu décrée
scelle l’inconciliable
Anesthésique insomnie
Je dérêve
Paris, 4 décembre 2020
© Autobiopoèmes, Rever(s)
FUNAMBULES
Quel rêve farfelu de vouloir danser funambules
toi et moi sur le même fil
Nous avions trop bu
trop abusé du rhum parfumé
ton cou sentait la nuit
tes seins la girofle et la cannelle
Tu partais du nord-est
j’étais déjà à l’ouest
nous avions perdu le nord
En apesanteur
nous titubions l’un vers l’autre
notre histoire sentait le soufre
Attirés par le vide
nous valsons éthérés
dans les volutes dorées
des feux de la rampe
Aspirés par le vide
Nous sombrons
dans le crépuscule abyssal
sans baudrier ni filet
Il faut qu’amour et mort
étreignent dieux et déesses
Paris, 12 janvier 2021
© Autobiopoèmes, Amour(ette)s
CADANSE
Mes pieds n'ont jamais su danser seul mon cœur s'emballe à chaque embellie
* * * * * * *
La nuit mes rêves dansent voyagent m'évadent de ce corps gauche de son enveloppe mal à droite
* * * * * * *
Le rêve garde la mémoire de mes pas la met en cadence les met en danse
* * * * * * *
J'aime la cadanse des mots dans la nostalgique errance des rêves sépia
* * * * * * *
S'il te plaît de cadanser avec moi cadansons jusqu'à l'aube nouvelle enrubannée de rimants ou dérimants songes
* * * * * * *
Nous nous étreindrons comme vieille et vieux
atteindrons seule à seul l’heure fragile
où s’éteindront les feux
et se teindront nos vœux
de cette gerbe violine
à noyer prêtre et sépulcre
* * * * * * *
Nous nous étreindrons comme vieille et vieux
atteindrons seule à seul l’heure fragile
où s’éteindront les feux
et se teindront nos vœux
de cette gerbe violine
à noyer prêtre et sépulcre
* * * * * * *
Alors nous dévierons les règles affranchirons les mots dériverons les rêves
arythmerons les vers dans une folle décadanse
* * * * * * *
Nous sauterons sur les bancs de sentier pierreux en chemin vicinal
sur les parvis désacralisés
sur les places venteuses
dans les cris des marchés
* * * * * * *
Je reviendrai perclus de doutes comme un Auguste sans son Pipo comme un lasso sans son cowboy
comme un arc sans ses flèches comme une anguille sans les Sargasses comme l'écume sans la vague
comme Guillaume sans Mathilde
et ça ne me dit rien qui vaille
* * * * * * *
L'aurore et ses fleurs
L’automne et ses feuilles
leurs horreurs
attendront
Longues-sur-Mer, 21-22 avril 2021
© Autobiopoèmes, (B)REVES
L'AUTOMNE APRÈS LE PRINTEMPS
Même ma voix ne sait plus danser au mieux tremble-t-elle feuille morte en plein cœur de l'été
Longues-sur-Mer, 4 aout 2021
© Autobiopoèmes, (B)REVES
© Photo HB, Artiste anonyme, Paris le 4 décembre 2019, rue de Reuilly (12e)
LE CACHET DE LA POSTE FAISANT FOI
La corresponddanse est bien envoyée
légère
aérienne
suffisamment timbrée
elle a du cachet parfait à corps poétique clef des chants célestes
elle est partage parfumé
Longues-sur-Mer, 16 aout 2021
© Autobiopoèmes, (B)REVES
CARREAU DU TEMPLE
Que les femmes sont belles à danser dans le soleil hi-vernal les ombres arabesquent leur peau nue leur danse est mélancodieuse maléfangélique
danse des sortilèges danse essence des en-corps danse essentielle elle rythme leurs sens encéleste les sentiments elle est cette fêlure de l'âme elle est ce carreau brisé talon d’Achille point névralgique de l'armure temple de la chair et du désir
du sourire en scène
acoustique en cette cour des miracles en cet oasis aux mirages
elles innervent
enfièvrent
cette halle de verre et d’acier
aux mille reflets
infantes de la balle
paumes vers les cieux
yeux dans mes yeux
implorant le fervent
la transe amoureuse
* * * * * * * * * * * * *
Fasciné par ce regard altier
presque pervers
avatar atavique démoniaque à damner les rois les reines dionysiaque à charmer les devins et les divines je me laisse subjuguer
enflammer
envouter
emporter
bercer par le sac et le ressac la beauté névrosée de cette fille de cette femme jeune ou vieille qu’importe matissée
métissée
mystique mais libre
jusqu’au final en farandole
infernale
océane et tellurique
en anachronique chorée
vertige de païennes derviches
bal des ardentes
avant l’eschatologique effondrement
* * * * * * * * * * * * *
Par la transe
ou la danse
elles périssent
ressuscitent
sans cesse
de leurs cendres
Paris, 30 janvier 2022
© Autobiopoèmes, Fluctuat nec mergitur
(Texte inspiré par le spectacle "Sur le Carreau", chorégraphié par Yves-Noël Genod
à Paris - Carreau du Temple, le 30/01/2022)
Comments