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Photo du rédacteurHenri Baron

AUTOBIOPOÈMES - Devoir(s) de mémoire(s)

Dernière mise à jour : 13 juin 2021


Textes écrits de mars 2019 à aujourd'hui


La visite des camps d'Auschwitz I et II, le 17 mars 2019, est la genèse de ces textes.


"On n'écrit pas pour faire beau, on écrit pour respirer mieux"

Antoine Emaz in D'écrire, un peu, AEncrages & Co, 2018




BIRKENAU (La Clairière des Bouleaux)

Quels témoins vous fûtes Sur cette terre barbarie Quelles déchirures de l'âme Quelles larmes de mort Qu’implorent vos écorces bitumées écorchées pour ces corps écartelés Que riment vos branches décharnées squelettiques pour tous ces êtres déshumanisés Parlent-elles de renouveau d’éclosion Appellent-elles au souvenir au partage Que gardent en mémoire vos rameaux élancés Vers un néant sans fin des cendres célestes dispersées de ces vies confinées à un nombre défunt confisquées consumées Reparlent-ils d’espérance d’infinité Rappellent-ils l’Amour l’Humanité Plus jamais je ne verrai ces arbres tels des arbres.

Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)




MARE DE CENDRES

à EP & TF

Les racines ont puisé dans les cendres Leur force de vie Les arbres renversés se mirent Taiseux flous et sombres Le vent ride l'eau noire en rêves brisés Murmure leur mémoire piétinée Ombre au frisson putride Une rose souffrance à la surface Larme de sang parfum de soufre Factice harmonie Si les oiseaux chantent désormais Leur partition sonne faux Le silence soudain hurle l'indicible Indécente beauté L’eau se pare de milliers d'âmes étoilées Couleurs de Vie L'espace d'un instant Le temps d'un effroi En l'immensité grise et nue Et le froid dans nos cœurs Ce soir je suis un Autre

Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)


SOUVIENS-TOI QU’IL·ELLES ÉTAIENT BEAUX·ELLES


Souviens toi qu'elles étaient belles Souviens toi qu'ils étaient beaux Parcelles d'astres éphémères Soleils reniés dans le brouillard de la nuit Hemmes Enfants jeunes Vielles ou vieux Tziganes ou juif·ves Athées ou croyant·es Elles sont parties Ils sont partis Sans savoir sans vouloir pour le voyage ultime Blotti·es dans ce train Puant d'éternité Nuit charriant l'humanité Vers la mort nue Vers la mort tue Mort sans nom Sans sépulture Cendres virevoltant Vers le ciel Danse macabre Dans ce paradis gris Pestilentiel


Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 Paris, 24 mars 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)

AUSCHWITZ II

Je hais la haine le parfum des blessures la saveur aigre des tortures la mélopée des souffrances Tout ruissèle et se terre là où le sang les cendres les larmes imprègnent nos morts nourrissent la vie Je hais la haine Sur la frise du vent je dessine des notes litanie mémorielle La flamme vacille des sacrifiées Hommes Femmes Enfants Je hais la haine Sous le souffle fétide du temps le courage de l'urgence le courage d'être le courage de rester humain·e Je hais la haine Bourreaux bouchers barbares amnistiés laissés libres laissés vivre n’êtes-vous pas hantés par les spectres des âmes arrachées gazées incinérées Je hais la haine Et toi jeune malcroyant mets en berne ta flamme tes oriflammes ta préférence nationale Ne marchande pas les morts ne manipule pas les mots ne trouble pas la paix fragile des dieux dans leur silence leur inexistence ne trouble pas la paix gracile des lieux Je hais la haine Et toi noble bourgeois bien couché sur ton capital matelassé t’endors-tu toujours en priant les yeux ouverts fixant le plafond bistre de ton bunker de haine « plutôt Hitler que le Front Populaire » Es-tu crédible avec ta sauvagerie policée uniformisée pour rendre hommage à Simon Judith et Luludja

Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 Paris, 27 janvier 2020 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)



AUSCHWITZ I

1

Le poète marche sur les crêtes de l’abime Il funambule entre l’âme des sources et celle des déserts Oscille entre vie et trépas Il se perd dans le labyrinthe de ses veines de ce sang souillé Renait des entrailles de la terre Phénix renaissant des cendres d’inhumanité Par son âme lézardée sombre et tremblante – tétanisée - jaillit la lumière mémorielle brasier d’humanité

Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 6 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)


 

2

Dans ses atours sombres Danse la mort Vacille ma mémoire Ténébreuse Engloutie Je me faufile Comme aimanté Dans la forêt citadine J’y cherche l’amour L’humanité J’erre et j’implore Mais la ville emprisonne Broie les cœurs noircit les âmes À quoi cela rime-t-il ?

Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 7 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)


 

3


Par la lucarne de ma mémoire S’évade un rêve d’enfance La lumière est dehors Les ténèbres en dedans La tendresse évanouie La détresse est ma nuit

Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 13 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)


4


Für die graue Lawinen

in deinen dunklen Alpträumen nichts habe ich kommen sehen weder den unsicheren Wind noch den mörderische Regen weder die vielseitigen Schreie noch das Ende der Geschichte Nacht und Nebel Niemand gleich* Niemand gleich ? Doch ! Die Überlebenden der Unmenschlichkeit und das bescheidene Flüstern der Ascherrinerung !



Pour l’avalanche grise je n’ai rien vu venir en tes sombres cauchemars ni le vent incertain ni la pluie assassine ni les cris versatiles ni la fin de l'Histoire Nuit et brouillard Plus personne Plus personne ? Si ! Les survivants de l’inhumanité et l’humble murmure de la mémoire des

cendres !

Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 14 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)


* « Nacht und Nebel, niemand gleich » (Wagner, L’Or du Rhin)

 

5

Le ciel se fissure comme un après avorté L’orage porte en sa trombe la semence du destin et le fracas des vies brisées


Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 20 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)

 

6

Le soleil sur les briques froides anesthésie les rêves les condamnent aux ténèbres Danse macabre hypnotique Noce funèbre barbelée L’Ode à la joie arti-malé-fice vient marteler les tempes pour tromper l’effroi dociliser les âmes asservir les corps les réduire en cendres déshumaniser jusque dans l’oubli Mortifère mélodie Harmonie de l’enfer

Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 20 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)

 

7


Dans son jardin perdu

au milieu de ses pages grises

songe le poète

chante le merle

un trille ancestral

célèbre les semailles

Pour l’un la terre

fume un parfum d’inhumanité

saigne la saison sème l’irraison

Pour l’autre tout en oraison

jaculatoire infinie

la terre exhale

ses sons senteurs

douceurs et couleurs

Le silence crie dans notre âme

le nom des vivants

sous la chape de cendres

La vie nait de la mort


Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019

Longues-sur-Mer, 23 avril 2019

© Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)

 

8



Écorces aveugles

et pourtant visionnaires

Écorces ancestrales

mythées de nos souffrances

Visages ridés de tant d’indifférence

de notre insouciance meurtrière

Défuntes écorces mortuaires

recelant la vie grouillante

Cendre des écorces humaines

Gardant la sève mémorielle

Les poètes y gravent

comme en un Livre des Noms

les amours déracinées

Écorces ressuscitées

par leur sa sève vernaculaire

Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019

Longues-sur-Mer, 2 mai 2019

© Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)



9

Ce qu'il faut de ténèbres

pour répandre la haine la terreur la traitrise

massacrer le présent

Ce qu'il faut d’inhumain

pour vivre de murs

se repaitre de mort

de barbelés de sang

Ce qu'il faut de bassesse

pour en taire l'horreur

et pour s'y complaire

en effacer les traces


Ce qu'il faut de silence

pour déchirer les mots

masquer les cicatrices

et conter l'invisible

Ce qu'il faut de lumière

pour capter un regard

y déceler l'amour la tendresse l'espoir

Ce qu'il faut de courage

pour graver l'éternel

murmurer l'indicible et sourire à nouveau

Ce qu'il faut d'âme et cœur

pour renêtre paisible

étouffer l'insincère

et bâtir un demain


Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 Paris, 27 janvier 2021 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)

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