Textes écrits de mars 2019 à aujourd'hui
La visite des camps d'Auschwitz I et II, le 17 mars 2019, est la genèse de ces textes.
"On n'écrit pas pour faire beau, on écrit pour respirer mieux"
Antoine Emaz in D'écrire, un peu, AEncrages & Co, 2018
BIRKENAU (La Clairière des Bouleaux)
Quels témoins vous fûtes Sur cette terre barbarie Quelles déchirures de l'âme Quelles larmes de mort Qu’implorent vos écorces bitumées écorchées pour ces corps écartelés Que riment vos branches décharnées squelettiques pour tous ces êtres déshumanisés Parlent-elles de renouveau d’éclosion Appellent-elles au souvenir au partage Que gardent en mémoire vos rameaux élancés Vers un néant sans fin des cendres célestes dispersées de ces vies confinées à un nombre défunt confisquées consumées Reparlent-ils d’espérance d’infinité Rappellent-ils l’Amour l’Humanité Plus jamais je ne verrai ces arbres tels des arbres.
Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
MARE DE CENDRES
à EP & TF
Les racines ont puisé dans les cendres Leur force de vie Les arbres renversés se mirent Taiseux flous et sombres Le vent ride l'eau noire en rêves brisés Murmure leur mémoire piétinée Ombre au frisson putride Une rose souffrance à la surface Larme de sang parfum de soufre Factice harmonie Si les oiseaux chantent désormais Leur partition sonne faux Le silence soudain hurle l'indicible Indécente beauté L’eau se pare de milliers d'âmes étoilées Couleurs de Vie L'espace d'un instant Le temps d'un effroi En l'immensité grise et nue Et le froid dans nos cœurs Ce soir je suis un Autre
Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
SOUVIENS-TOI QU’IL·ELLES ÉTAIENT BEAUX·ELLES
Souviens toi qu'elles étaient belles Souviens toi qu'ils étaient beaux Parcelles d'astres éphémères Soleils reniés dans le brouillard de la nuit Hemmes Enfants jeunes Vielles ou vieux Tziganes ou juif·ves Athées ou croyant·es Elles sont parties Ils sont partis Sans savoir sans vouloir pour le voyage ultime Blotti·es dans ce train Puant d'éternité Nuit charriant l'humanité Vers la mort nue Vers la mort tue Mort sans nom Sans sépulture Cendres virevoltant Vers le ciel Danse macabre Dans ce paradis gris Pestilentiel
Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 Paris, 24 mars 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
AUSCHWITZ II
Je hais la haine le parfum des blessures la saveur aigre des tortures la mélopée des souffrances Tout ruissèle et se terre là où le sang les cendres les larmes imprègnent nos morts nourrissent la vie Je hais la haine Sur la frise du vent je dessine des notes litanie mémorielle La flamme vacille des sacrifiées Hommes Femmes Enfants Je hais la haine Sous le souffle fétide du temps le courage de l'urgence le courage d'être le courage de rester humain·e Je hais la haine Bourreaux bouchers barbares amnistiés laissés libres laissés vivre n’êtes-vous pas hantés par les spectres des âmes arrachées gazées incinérées Je hais la haine Et toi jeune malcroyant mets en berne ta flamme tes oriflammes ta préférence nationale Ne marchande pas les morts ne manipule pas les mots ne trouble pas la paix fragile des dieux dans leur silence leur inexistence ne trouble pas la paix gracile des lieux Je hais la haine Et toi noble bourgeois bien couché sur ton capital matelassé t’endors-tu toujours en priant les yeux ouverts fixant le plafond bistre de ton bunker de haine « plutôt Hitler que le Front Populaire » Es-tu crédible avec ta sauvagerie policée uniformisée pour rendre hommage à Simon Judith et Luludja
Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019
Paris, 27 janvier 2020
© Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
AUSCHWITZ I
1
Le poète marche sur les crêtes de l’abime Il funambule entre l’âme des sources et celle des déserts Oscille entre vie et trépas Il se perd dans le labyrinthe de ses veines de ce sang souillé Renait des entrailles de la terre Phénix renaissant des cendres d’inhumanité Par son âme lézardée sombre et tremblante – tétanisée - jaillit la lumière mémorielle brasier d’humanité
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 6 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
2
Dans ses atours sombres Danse la mort Vacille ma mémoire Ténébreuse Engloutie Je me faufile Comme aimanté Dans la forêt citadine J’y cherche l’amour L’humanité J’erre et j’implore Mais la ville emprisonne Broie les cœurs noircit les âmes À quoi cela rime-t-il ?
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 7 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
3
Par la lucarne de ma mémoire
S’évade un rêve d’enfance
La lumière est dehors
Les ténèbres en dedans
La tendresse évanouie
La détresse est ma nuit
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019
Paris, 13 avril 2019
© Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
4
Für die graue Lawinen
in deinen dunklen Alpträumen nichts habe ich kommen sehen weder den unsicheren Wind noch den mörderische Regen weder die vielseitigen Schreie noch das Ende der Geschichte Nacht und Nebel Niemand gleich* Niemand gleich ? Doch ! Die Überlebenden der Unmenschlichkeit und das bescheidene Flüstern der Ascherrinerung !
Pour l’avalanche grise je n’ai rien vu venir en tes sombres cauchemars ni le vent incertain ni la pluie assassine ni les cris versatiles ni la fin de l'Histoire Nuit et brouillard Plus personne Plus personne ? Si ! Les survivants de l’inhumanité et l’humble murmure de la mémoire des
cendres !
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 14 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
* « Nacht und Nebel, niemand gleich » (Wagner, L’Or du Rhin)
5
Le ciel se fissure
comme un après avorté
L’orage porte en sa trombe
la semence du destin
et le fracas des vies brisées
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 20 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
6
Le soleil sur les briques froides anesthésie les rêves les condamnent aux ténèbres Danse macabre hypnotique Noce funèbre barbelée L’Ode à la joie arti-malé-fice vient marteler les tempes pour tromper l’effroi dociliser les âmes asservir les corps les réduire en cendres déshumaniser jusque dans l’oubli Mortifère mélodie Harmonie de l’enfer
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019 Paris, 20 avril 2019 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
7
Dans son jardin perdu
au milieu de ses pages grises
songe le poète
chante le merle
un trille ancestral
célèbre les semailles
Pour l’un la terre
fume un parfum d’inhumanité
saigne la saison sème l’irraison
Pour l’autre tout en oraison
jaculatoire infinie
la terre exhale
ses sons senteurs
douceurs et couleurs
Le silence crie dans notre âme
le nom des vivants
sous la chape de cendres
La vie nait de la mort
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019
Longues-sur-Mer, 23 avril 2019
© Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
8
Écorces aveugles
et pourtant visionnaires
Écorces ancestrales
mythées de nos souffrances
Visages ridés de tant d’indifférence
de notre insouciance meurtrière
Défuntes écorces mortuaires
recelant la vie grouillante
Cendre des écorces humaines
Gardant la sève mémorielle
Les poètes y gravent
comme en un Livre des Noms
les amours déracinées
Écorces ressuscitées
par leur sa sève vernaculaire
Oświęcim, Auschwitz, 17 mars 2019
Longues-sur-Mer, 2 mai 2019
© Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
9
Ce qu'il faut de ténèbres
pour répandre la haine la terreur la traitrise
massacrer le présent
Ce qu'il faut d’inhumain
pour vivre de murs
se repaitre de mort
de barbelés de sang
Ce qu'il faut de bassesse
pour en taire l'horreur
et pour s'y complaire
en effacer les traces
Ce qu'il faut de silence
pour déchirer les mots
masquer les cicatrices
et conter l'invisible
Ce qu'il faut de lumière
pour capter un regard
y déceler l'amour la tendresse l'espoir
Ce qu'il faut de courage
pour graver l'éternel
murmurer l'indicible et sourire à nouveau
Ce qu'il faut d'âme et cœur
pour renêtre paisible
étouffer l'insincère
et bâtir un demain
Oświęcim, Auschwitz-Birkenau, 17 mars 2019 Paris, 27 janvier 2021 © Autobiopoèmes, Devoir(s) de mémoire(s)
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