Textes écrits de 1987 à aujourd'hui
CHARME OU MALÉFICE
Je m'alluvionne
sur la courbe de tes rivages
je t’illusionne
de mes incessants ravages
sur ton buisson ardent
je nous désillusionne
sur le doux de tes reins
j'irai mécréant
prier tes seins
sur l'autre hémisphère
aux suaves saveurs bienveillantes
mais si l'éternité reste à défaire
je sombrerai dans ta prunelle
à la sombre invite accueillante
comme en un cœur de pucelle
Paris, 10 janvier
© Autobiopoèmes, Exils
EXIL AMOUREUX
Mon amour
murmurait
entre cuisse et nombril
bel et pur
belle épure
mon amour
je ne te croyais
ni d'elle ni d'il
ni tes blanches ailes
ni ta pâle idylle
ni tes hirondelles
ni tes archipels
ni tes rêves d'iles
jamais
pour toujours
condamné à l'exil
con damné à l'ex-il
Paris, 11 janvier
© Autobiopoèmes, Exils
NUIT LYONNAISE
à Hélène R.
Rêve ou souvenir ?
Mille fois j’ai vécu cette nuit de l’hiver lyonnais, mille fois j’ai descendu les escaliers sombres vers les fleuves noirs, mille fois j’ai croisé ces regards honteux et ces visages blafards, mille fois j’ai couru le long des quais déserts et malodorants, implorant ton amour...
Réalité, ou pure illusion de mon âme rêveuse ?
Le soir sombre par taches
Et semble recouvrir
La ville vile et lâche
Qui paraît s’évanouir
Dans la brume nocturne
Sensuelle et taciturne
Les passants se font rares
Les passes sont désertes
Les filles du trottoir
Filent d’un pas alerte
Au bras de leurs amants
D’un soir pour quelques francs
Les guitares se taisent
Au fond du cabaret
Et les dernières braises
S’éteignent sous les pieds
Des danseuses aux seins nus
Aux lèvres des canuts
Les traboules se vident
Des dernières putains
Au teint bien trop livide
Pour faire jouir matin
Les obscènes crapules
Qui les payent sans scrupules
Sur les quais métropoles
gisent de vieux dockers
Saouls de mauvais alcools
L’âme ivre de poker
Alors s’endort le Rhône
Aux confins de la Saône
Alors s’endort mon corps
Ivre de ton corps blond
En ton brûlant lit d’or
Où je me glisse oblong
Et je m’immole aux braises
De mes amours lyonnaises
Rochefort-sur-Mer, 10 février
© Autobiopoèmes, Exils
LE DISEUR DE MÉLANCOLIES
"Dans la ville endormie le diseur de mélancolies..."
Magali MO
À la croisée des sentes feintes entre terre et ciel entre un verre d'absinthe et la cuiller de miel entre les vers de l'absente et l'envers des rêves jusqu’à la cruelle attente d'une montée de sève quand avant le jour déjà triment les pauvres et que dorment sur leurs crimes les faubourgeois une plainte perforante enmauve la brume en rabat-joie Le diseur de mélancolies psalmodie dans le désert la ville verticale endormie et ses rimes à limonaire Il n'est mélodie qu'allumés les réverbères à la mort de la nuit aux heures délétères L'aurore en bancales lignes de fuite enchaine lunes et chimères l'amour en diagonale en suite
addict d'alcools amers
À l’étal encore gris
sortie d’un Chaplin
un chouia rossinante
une fleuriste morose
emmêle ancolie
et pétales de rose
à la plainte lancinante
d’un amour chasse-spleen
et d’un orgue de barbarie
Dans la ville endormie
sous un ciel fourbe
l’éteigneur de réverbère
redresse les courbes
et le diseur de mélancolies
entre clous et planches
emporté par deux cerbères
en blouse blanche
lentement sombre en l’oubli
Paris, 21 juin - 4 juillet
© Autobiopoèmes, Exils
Photographie de Magali MO
TOXIQUE
Cœur de pierre pour sarabande mortuaire en transes tu pseudodanses sans âme sans fin seul le courage doute je t'aimais mais tu l'as feint tu saltimbanques en route tu saltimbanqueroutes sans préliminaires
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Lui se prend pour Eros se pose en héros s'impose et s'offre ton sang de rose son érotisme en défaut son faux sabre en son fourreau à l'instant des palabres tu te cabres
* * * * * * * * * * * * *
Tu l'ignores et sa tare infidèle barbare mais un peu tard seul son ego scabreux vante son honneur et s'agite sans pudeur dans l'ivresse des vents des fausses censures et les fosses du Tartare jusqu'à la garde aux confins de camarde c'est l'instant des blessures
* * * * * * * * * * * * *
C'est l'instant des souffrances
des sales vérités tues
des longues errances
sur les sentes battues
les vagues impasses de Charybde
en Sylla de cauchemars glauques
en pulsions sordides
et ces psaumes impies et rauques
pour cœur mystique et soumis
Paris, 1er octobre
© Autobiopoèmes, Exils
EXIL EN INSOMNIE
Par la persienne
la lune fait des siennes
péripatéticienne
chiromancienne
elle me colonise
me tyrannise
m'agonise
m'insomnise
La nuit s'éternise
je deviens loup à Venise
flou en exil
fou condamné à l'asile
Paris, 4 octobre
© Autobiopoèmes, Exils
(AN)ABSTÈME
Que sais-tu de ma sève
De mes morts maléfices
Tu t’enivres sans trêve
De mes mains oasis
– De mes vains artifices
*****
Tu me rêves sage érotique
Quand tu m’enlaces m’enlaisses
Je ne suis qu’un hère erratique
Anathème aux cent sirventès
– Anabstème au sang d’allégresse
*****
Profanées tes lèvres sur mes silences
Jusqu’au fiévreux frisson sur mon échine
Tuée mon opalescente insolence
À la lie du calice à colchicine
– Tu es ma douce amertume assassine
Paris, 18 octobre
© Autobiopoèmes, Exils
EXIL ÉTHYLIQUE
à Aline C.
Ses yeux noirs se cernent
De profondes rides
Et cherchent un corps
- Celui d’un amant ?
Un amour fragile
Désespérément.
Ses lèvres se ferment
Sur un verre vide
Et boivent encore
- Ou bien font semblant ?
À l’amour facile
Égoïstement.
Son âme s’énerve
Dans l’aube livide
Rêve à l’âge d’or
- Ô trêves d’antan !
D’un amour fébrile
Éphémèrement.
Pont-sur-Yonne, 5-6 novembre © Autobiopoèmes, Exils
EN NUIT
J’écris
nu comme un ver
J’écris
ni trop mûr ni trop vert
J’écris
les jadis les naguère
J'écris demain comme hier Je crie en humble troubadour
J'écris des nuits entières J’écris
au lance-flamme ou pierre
J’écris
en temps de paix et de guerre
J’écris
riche de toi dans la misère
Je crie jusqu'à en écorcher le jour
J’écris
à la gouaille de la tenancière
J’écris
au sourire forcé de la postière
J’écris
aux affres de l’infirmière
J’écris
aux larmes sèches de la caissière
Je crie
en compte à rebours
J’écris
sans confins sans frontières J’écris
à coups dans la fourmilière
J’écris
pour charmer les geôlières
J’écris
à celleux qu’on laisse à la mer
Je crie
sans rime à zemmour
J’écris
poursuivi d’usurières
J’écris
sur les murs des pissotières
J’écris
de mes veines libertaires
J’écris
du fond de ta croupière
Je crie
à rougir les bourges de Cabourg
J’écris
m… aux rancunières
J’écris
maudites fées putassières
J’écris
j’éructe j’ulcère
J’écris
des gouffres d’enfer
Je crie à en gangrener l'amour
J’écris
en chat de gouttière
J’écris
comme on griffe on lacère
J’écris
au creux des roncières
J’écris
chemin des ornières
Je crie
sans clairon ni tambour
J'écris de païennes prières
J’écris
sans morale et sans père
J’écris
un anti-bréviaire
J’écris
à l’encre-colère
Je crie
sans cœur sans humour
J’écris
au chaud dans ta chatière
J’écris
sans prélude sans manières
J’écris
sur la soie de ta guêpière
J’écris
nos amours sorcières
Je crie
de ta petite cour
J'écris de sombre et de lumière
J’écris
à crever ce cancer
J'écris
en suivant ma bière
J’écris
une bouteille à l’amer
Je crie pour t'aimer toujours
Paris, 8-10 décembre
© Autobiopoèmes, Exils
HOSPITALITÉ
Est-ce que je peux t'emprunter
un peu de temps
un peu d'été
ou de printemps
un peu de terre
lopin à vivre
loin de mes guerres
un peu de rire
tourner la page
un peu de tendre
et de partage
bûches à fendre
demain la paix
un peu de pain
le verbe aimer
cœur sur la main
cœur sur la grève
un bout d'enfance
un peu de rêve
un peu d'en France
Est-ce que je peux t'emprunter un peu d'amour je te rendrai
un peu chaque jour
de mon ultime exil
tant que durera ma vie
pour m'avoir offert asile
à toi hôte ou hôtesse merci
Longues-sur-Mer, 25 décembre
© Autobiopoèmes, Exils
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