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Photo du rédacteurHenri Baron

AUTOBIOPOÈMES - Les couleurs de l'Hadès

Dernière mise à jour : 18 avr. 2022



à Hélène Duffaure et Catherine Clémenceau,

en souvenir de nos délires poétiques



Textes écrits de 1987 à aujourd'hui



ROUGE ET NOIR



Rouge et noir

Est l’Hadès

Où les dieux

Sans scrupules

N’effraient plus

Les Vivants

Par les Morts

Rouge et noir

Est l’Espoir

Qui renait

Dans les cendres

Du désir

D’être forts

D’être heureux

Rouge et noir

Est le Ciel

Quand le soir

S’illumine

Quand la Ville

Se soulève

D’un seul Cri

Rouge et noire

Et la Nuit

Qui m’éveille

M’émerveille

Et m’envoute

Et m’emporte

Dans un Rêve

Rouge et noir

Est le Sang

Quand l’Amour

N’est plus vice

N’est plus viol

Ni pêché

Ni chantage

Rouge et noire

Est la Chair

Juvénile

De Pigalle

Qui console

Les amants

Éconduits

Rouge et noir

Est l’Amour

Quand il nait

Puis s’endort

Mais qu’il vit

À jamais

Dans nos cœurs

Rouge et noire

Est la Flamme

Impudique

À tes yeux

Qui l’implorent

Le désirent

Le dévorent

Rouge et noir

Est le Feu

Qui s’embrase

Sur nos corps

Affamés

Enfiévrés

Les consume

Rouge et noir

Est-ce rêve

Où je t’aime

Sans te voir

Sans t’avoir

Sur ma peau

Sur mon corps

Rouge et noire

Est la Femme

Qui s’endort

Dans mes bras

Sans un mot

Si ce n’est

Mot de mort

Rouge et noire

Et ma Vie

Avec Toi

Toute à Toi

À l’Amour

Qui nous lie

Pour la Vie

Rouge est noire

Est la Vie

Avec Toi

Toute à Nous


La Rochelle, janvier

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


L’ÉCHAFAUD



J'ai sur la bouche La haine que mon cœur a proscrite J'ai connu la liberté conquise assassinée Le désamour Vertébrale blessure Carcérale rupture J'ai la merde aux lèvres qui brûle Cruelle amertume La nuit s'emplit de soufre Douleur J'ai rompu le silence d'un cri-colère nocturne Sur un toit pentu hulule un ange une réponse indistincte Je n'attends que la mort Excrémentielle Toute de bleu vêtue La foule hurle venue me voir Mourir Écarlate jouissance Le couperet déjà se teinte de mon sang

- Bourrelle Où donc as-tu la tête Ne montre pas la mienne Elle n'en vaut pas la peine



La Rochelle, 12 janvier

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 

DER DES DERS

Tu disais que ce serait ma dernière guerre

inégal combat contre mes propres démons

ce mal qui me ronge la mémoire


Restent la froidure

un éclair de lune

entre deux nuages noctilucents

à nouveau la noirceur

du ciel et de ton regard

de mon humeur vireuse

les effluves des antres noctambuleuses


Sous la verrière rouillée

de cette gare putride

personne ne t’accompagne pour un adieu

on ne va pas quand même prendre un ticket de quai

même pas une chanson de Delerm à pleurer sur la mer


Voie D

comme départ

déveine

désamour

déchirure

de profundis

comme une danse désarticulée

comme douze mois de décembre

sans détour

sans dormir

une dernière fois

Paris, 10-11 février

© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès


 

CŒUR PAVOT

De son bec fourbe le vanneau perché sur ton épaule falaise s'abreuve à ton cœur pavot il explose tes amours mystifiées les bourgeons de liard n'en cicatriseront plus les plaies il neige es pétales noir-sang dans le sombre des rides hivernales entre deux racines de mandragore les parques lucides viendront éclore des rêves avortés tu les étendras sur le chemin de ronde comme autant d'étendards funestes pour les armées en dérive et les amants éconduits

Longues-sur-Mer, 24 février © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


(Texte écrit en illustration d'une œuvre d’Isabelle Rodriguez.)


 


Україна 2022

Être après la nuit sans fin

être au picotement de l'aube

dans le froid

le vent

mais être

être aux premières loges

voir s’étirer le soleil

sous la caresse des nuages

jour après jour

ciel après ciel

à nul autre pareil

sentir le beau jusqu'à s'en éblouir

sentir le chaud irradier les profondeurs de l’intime


* * * * * * * * * * * * *


Mais

debout

vivant

savoir qu'au-delà des haies

des champs

des villes invisibles

du silence et des chants d’oiseaux

des rires des enfants sur le chemin de l’école

résonnent

l’humiliation

la haine

la violence

la mort

- dommage collatéral la nomment les pervers -

sous les chenilles des chars

les tirs de canon

de missiles

les drones tueurs

les soukhoï


* * * * * * * * * * * * *


La vie n'a pas de sens pour le capital

et ses va-t-en-guerre

assassins d'humanité

ses diplomates aux mains ruisselantes

aux poches pleines

aux cris d’orfraie

aux jeux de puceaux effarouchés


* * * * * * * * * * * * *


S'il faut que le sang coule

ailleurs que dans les veines

de l'ouvrière et du paysan

de l'enseignante et de l'infirmier

de l'artiste et du caissier

de la chercheuse et de l'artisan

ouvrez les vôtres

poutines

marchands d'armes

et de misère

stratèges et militaires

fumez en la terre

et laissez nous dire avec Prévert

"quelle connerie la guerre"



Longues-sur-Mer, 24 février

© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès



 


24 FÉVRIER 2022

J'écris dans le silence des étoiles

en cette nuit qu'on achève plus tôt à l'Est

comme une histoire de ces enfants qui grandiront sans prendre le temps

pour la mémoire de ces enfants qui ne grandiront pas


* * * * * *


Un dictateur anesthésie le penser

l’humanité

tant et tant qu'on ne veut pas le croire à l'Ouest

parce que le gaz

parce que le blé

parce que les banques

parce que la diplomatie

un dictateur d'esbroufe

joker menteur

n'est ni vraiment sérieux

ni vraiment dangereux

croit-on


* * * * * *


Un dictateur déteste qui ne lui ressemble il décrète le mal et le bien le sens de la marche tout lui appartient jusqu'au cœur jusqu'au corps des hommes et des femmes

* * * * * *


Le dictateur est providence il surveille menace arrête

torture emprisonne condamne au silence à l'oubli emprisonne empoisonne


* * * * * *


Un dictateur a soif

de sang

de gloire

alors il pisse un déluge de missiles et de balles

il déverse sa miction teintée de petite haine tranquille

sans inquiétude

il marque son territoire

lion sans crinière

sans courage

il veut son espace vital


* * * * * *


Un dictateur a faim

il hume le fumet

se délecte à l'avance d'un hors d'œuvre à sa démesure

une colombe étouffée avec son rameau farcie à la sanguette d'opposant au régime

une cervelle de journaliste flambée au lance-flammes

une chaudrée de cœurs d'enfants marinés dans les larmes des poètes

un sorbet de melon d'hiver et son coulis d'hémoglobine

le tout servi sur une nappe d'or et d'azur où s'essuient les mains grasses et les bouches immondes

bien arrosé de distillat de sordide et de folie


* * * * * *


Un dictateur doit satisfaire

ses besoins d'animal

il exhibe ses muscles de russe blanc

ce qu'il pense être son charme

sa virilité

écraser

croit-il

grandit

loi du plus fort en gueule et en armes

au ventre protéiné

loi de celui qui a les bourses les plus pleines

là où l'intelligence cède à l'instinct le plus vil

il bombe le torse

lâche ses bombes sur les civils


* * * * *


Un dictateur s’amuse

comme avec les manettes de son jeu vidéo

il jouit de son index

et déclenche des étoiles de feu

il rature le ciel trop beau trop bleu pour un pirate

et sème la mort plus vite que je ne sème mes mots


* * * * * *


J'écris dans le bruit des bottes qui martèle les tempes

dans la peur qui entremble le corps

dans ce feu qui glace les veines

dans ce froid qui mord et brûle les lèvres

dans ces champs ces quartiers dévastés

dans les décombres de nos rêves de paix

pour ces enfants drapés de haine


* * * * * *


Demain l’été sera

de blé mûr

de ciel bleu

tourmenté comme une toile de Vincent


* * * * * *


Je serai coquelicot


Longues-sur-Mer, 28 février

© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès


 

حبي حبي لماذا تخليت عني




À la sereine

dans les effluves d'olive et d'épices

et la transparence de leur peau danseurs et danseuses sarabandent leur corps astral et mellifluent


* * * * * * * * * * * * *

Ceci n'est que vin aigre

et pain rassis lithiase patriarcale

pétrifiée dans l'épure


* * * * * * * * * * * * *


Quand le noir s'effiloche dans la promesse du bleu le temps me traverse je ne sais plus si j'existe ou ne suis qu'un atome

de rêve étoilé

* * * * * * * * * * * * *

La lune était pourtant pleine de promesses de tendresse


* * * * * * * * * * * * *

J'arrime mon âme à la nuit

m'élève à l'approche de l'aube au loin

le coq s'étrangle en un râle inaudible

* * * * * * * * * * * * *

Si le jour déchire mon cœur étouffe l'espoir d'infinuit

je renierai le ciel

maudirai l'amour je serai sans passion

* * * * * * * * * * * * *

On se croit d’ici

on est déjà là-bas

on nait de nulle part

* * * * * * * * * * * * *


Quand les dés sont jetés sur l’étoffe précieuse

quand l’œil soyeux verse une larme carmine

quand s’y mêle la peur de l’après des serments

quand les lambeaux de ciel oriflamment la mort

quand les tartufes marouflent l’amour

quand la pierre roule dans le silence absurde

quand les lamentations ravissent ce qui restait de vaine espérance

le temps se fige et s’efface

* * * * * * * * * * * * *


À jamais le sommeil atomisé

Paris, 27-28 mars

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès

 


JOUR DE CÈNE (14 NISAN)


C’était sous un pont (sur la Seine ?)

Dis t’en souviens-tu

Après tant de temps

Perdu pour pouvoir oublier

Tant de soupirs

Tu ne perdis pas au Change

C’était sous un pont

(Je revois la scène)

Qu’importe son nom

Était-ce le pont Mirabeau

Il faut que tu me souviennes

Sous l’arche coulait la Seine

(pour la rime ou la frime)

La Lune se mirait

Dans les eaux troubles

Et j’admirais

Les contours de ton corps double

Jusqu’au creux de ton aine

Un roide rayon frôlait

Ta chair blanche et saine

Y goutant je la trouvais

Froide et fade comme la Seine

Rochefort-sur-Mer, 1er avril

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès

 


EPITAPHION


Sur sa tombe

Sans croix ni fleur

Pourra-t-on lire

–Lettres de cendres

Je suis le fossoyeur

des amours mortes

le croquemort

des illusions perdues

(Comme quoi on peut mourir

de l’amour des autres)



Rochefort-sur-Mer, 31 mai

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


SCHIZOPHRÉNIE



J’ai suivi somnambule

le long d’un fleuve noir

des filles aux cheveux verts

sans les voir

et des femmes au corps de sable

sans les aimer

Au bout de ma nuit linceul

guidé par je ne sais quel instinct

j’ai découvert l’espoir

L’intemporalité

Je suis sorti de ma torpeur

pour m’entendre dire

que je t’aime

Pour t’entendre dire

au loin

que tu ne m’aimes point

que si tu m’as aimé demain

tu ne m’aimeras jamais hier

Intemporalité de l’Amour

Essence de la Vie



Rochefort-sur-Mer, 2 juin

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


PORT-NAVALO 87


à Glenmor



Je chantai sur la grève

Au vent qui saline

Au vent qui roule

Les vagues qui déferlent

Sur les galets verts

Je chantai sur la grève

Aux marins

À leurs femmes

À leurs bâtards

Fils de l'alcool

De la mer

De l'amour

Et du vent

Je chantai sur la grève Les ailes bleues

Tourmentées

Par les esprits

De la terre

De la mer

Et du feu

Je cessai de chanter sur la grève

Lorsque les sirènes

Aux verts cheveux

M'envoûtèrent

Me noyèrent

Dans leurs corps

De sable et d'eau

Je chantai sur la grève

Et nul ne répondait

Qu'une voix lointaine

Indistincte

Voix d'espoir

Ou de honte

D'amour

Ou de haine

Jusqu'à l'épuisement

Je chantai sur la grève

Mais un oiseau sombre

Venu de la mer

Du ciel

Ou des enfers

Déchiqueta mon corps

Offert en croix

Je ne chanterai plus sur la grève

Pour que ton chant résonne encore

Dans les corps endeuillés

Kenavo l'ami

La Rochelle, 18 juin

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

BLEU COMME L’ENFER


à KM


Il y a le port et ses tours

Où montent les amantes guetter au loin l’Amour


Il y a la mer

Qui mêle ciel et enfer

J’appelle

vers le large

et derrière les remparts

le silence s’étire dans le soir


Il y a toi

Sacrifiant le silence


J’imagine la beauté du verbe

et l’éclat de ton corps

sur le bleu de l’enfer

ou le noir de la mer


Il y a toi

le silence

et la mer

Il y a moi

qui ne compte plus

et le silence rompu


J’oublie que j’existe

et me glisse

sur le sable vert

jusqu’à ce qu’il m’engloutisse


Il n’y a que moi

qui ne compte plus

J’oublie que je suis

j’oublie qui tu es

peut-être étais-je un autre

et peut-être cet autre t’a-t-il trompée

et peut-être cet autre n’est-il plus

Ai-je jamais existé

ailleurs que dans ton cœur

qui se meurt de trop d’amours

Il y a toi

floue comme un châle de brume

qui recouvre la ville

noyée dans des larmes océanes

La mer et le ciel

le port et ses tours

finissent par sombrer aussi

dans le lit bleu de mes nuits noires

Dans les limbes bleus de l’enfer

lui seul demeure


La Rochelle, 26 juin

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 

PERSÉPHONE

Tu as le chien je suis le loup entre l'autre et l'un dans la ville canicule la lune entre deux murs semble prise au piège j'implore un sortilège

Peu t'importent mes chimères

tu tritures

gruges mes ténèbres tu te dresses quand il aboie sur les rives du Styx sur le pont de lave

tu craches

invectives

hameçonnes

tu tends la corde

à la face de ma peine

arraches mes yeux

pour servir d’appâts

au cerbère élyséen

usurpateur de Zeus

tu es sa vestale


À tes pieds gisent

les bris de mes rêves



Paris, 3 juillet

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


LE HIATUS BLEU



J’ai vu le bleu du ciel

et me suis demandé

si ce n’était là

le noir de l’enfer

Pourquoi me disais-tu

Le soir où naquit l’amour

entre tes draps encore chauds

dans un doux hiatus

« Bleu Amour

Le Bleu est enfer de soufre et de feu

Et rien n’est plus bleu que l’Amour

En train de naitre dans ma couche brulante

Entre mes cuisses de vestale »

Bleu Amour

J’ai vu le Bleu du ciel

Océan de noirceur

et m’y noyai

Tout linceul est bleu

La Rochelle, juillet

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



La LUNE ce soir

s'est voilée

en signe de deuil

LUNE noire

LUNE morne

pour mes amours mortes

Souffrance de la Nuit

Larme céleste

sur mes joues de braise

Gouffre de l'Enfer

Âme torturée

LUNE de cendres

LUNE pourpre

compagne de mon cœur

Blessure sanguinolente

Puits béant

Fontaine tarie

où dans une dernière flaque de Vie

agonise une salamandre

Eau croupie souillée

De la sève de mon amour

anéanti une nuit sang

Une nuit sans LUNE

Rochefort-sur-Mer, 28 juillet © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


Texte paru dans Les Astres, Jean Grassin éditeur, Paris-Carnac, janvier 1994


 


AMOUR CRUCIFIÉ

Un pivert sur un poteau d’ébène

clouait bruyamment

un cœur palpitant

Le sombre philtre

giclait tout autour

et de hideuses hyènes venaient

s’y abreuver

avant de fuir repues

regagner leurs lugubres tanières

Des femmes aux mêmes visages monstrueux

criaient et pleuraient

d’une joie perverse et maléfique

entamant une danse macabre

comme jadis les bacchantes furieuses

autour de l’animal sacrifié

Je perdis connaissance

avant d’entendre le dernier bêlement

de l’Agneau avant de voir

par son sang répandu

comme par miracle le bois

reverdir refleurir

Au firmament la bourrelle

remontait innocemment

son étincelant couperet


Rochefort-sur-Mer, 1er aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

ÉTÉ SANS TOI (ET SANS SOLEIL)

L'amour ne mûrira pas dans cet été de glace sans état de grâce où s'éclipsent les sentiments où s'évanouissent les rêves L'estive sordide lasse les papillons blancs laisse sur les papilles un goût amer un goût de mer et ces petits grains de sable sur la langue et dans les yeux à détester la dune et le ressac à maltraiter la lune et les étoiles en grandes marées de larmes à s'y noyer encore en grandes armées de lames à s'en rencoquiller Tu te fanes tout s'efface l'âme en pourrira l'amour y mourra Sauf si l'alchimie des mots...



Longues-sur-Mer, 4 aout © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


OMNES VULNERANT…



Immobile et perdu

accoudé sur le rebord de la fenêtre

je suis resté pendant des heures

à regarder mourir le jour

le maudire au soir écartelé

entre louves et chiennes

Vide des ténèbres

Je suis trop épuisé maintenant

pour retirer le linceul

de nos amours

Néant oppresseur

– Blasphémateur –

J’espérais la Nuit

Son apocryphe beauté

l’implore la déteste

insulte son silence

Ô vacuité des amours feintes

Rochefort-sur-Mer, 4 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

… ULTIMA NECAT


JE SAIS qu’au détour du chemin

qui me mène vers toi

le dernier arbre de la charmille

est une croix

JE SAIS que lorsque la foule

qui m’emprisonne s’écartera

seule face à moi

restera cette courtisane

que tout homme a peur d’étreindre

JE SAIS qu’à la fugace vision de ma vie

un dernier visage

flouté par les années

des larmes arides

une main qui fut douce

– l’autre : qui ne tient l’ultime rose rouge-sang-versé offerte –

caressant mes paupières

JE SAIS enfin que le dernier regret

à m’envahir

me tourmenter m’anéantir

sera de n’avoir pu de n’avoir su

préserver l’Amour – l’Unique –

de l’inexorable usure du temps

de la rouille nourrie des larmes amères et salées

vainement déversées

de la jalousie qui goutte à goutte

comme on distille le venin

le recouvrit

du linceul

des maudits

condamnés

Rochefort-sur-Mer, 5 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 

LOUANN

pour Neven & Audrey, tenter de mettre en mots l’indicible

Tu ne verras pas tes vingt ans la vie la mort ne t'ont pas laissé le temps d'être d'aimer de découvrir le monde tel que tu l'imaginais meilleur que celui que nous bâtissions À jamais il nous reste le pastel éthéré des roses ton sourire-soleil dans ce faux été de larmes et de neiges grises il nous reste à humer le vent d'ouest qui vante le parfum de ton âme et la grâce de ton visage gitane libre et fière voletant de bruyère en fougère dans les yeux-miroirs de celleux qui t'aiment le cristal de ton rire l’alchimie de ton sourire et l’enchantement de ton regard à travers les doutes les failles du destin et toi douce fée tutoyant les étoiles papillonnant entre le cœur d'une rose et l'universelle immensité À jamais Tu aurais redouté nos peurs nos pleurs assuré que la vie continue même après l'avalanche même après le déluge Il reste de toi l'étincelante lumière inondant notre chemin

Longues-sur-Mer, 3-5 aout © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 


PRO TESTAMENTO


Mon ultime et douloureux soupir

mon ultime souffle de vie

Tu sais celle à qui je le dédie

toi qui me fis autant souffrir que vivre

Retourne maintenant le sablier

puisqu’il est bientôt vide

et grave mon épitaphe

Sa Vie ne fut qu’Amour il ne méritait pas

de survivre à l’Amour qui lui fit trouver belle la Vie

Ailleurs luit encore soleil

Chante mes vers mes douces amours mortes

qu’elles s’élèvent à jamais comme des charmes


Pourquoi fracasser le sablier


Rochefort-sur-Mer, 6 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


PEU T’IMPORTE si j’attends

le Verbe

la Nuit se tait

et la Muse se terre

dans les impasses sombres

et silencieuses

Un lampadaire se penche

sur ma détresse

et la lampe rouge clignote

qui m’invite à entrer

Je passe et la Nuit

s’oublie Je fuis

le Verbe luisant

point à l’Aube

qui m’attend

La Mort se souvient

d’un certain rendez-vous

sous un calvaire de granit

PEU T’IMPORTE si j’attends

l’Amour

La Mort vient

L’Aube enfin bleue

m’invite au repos

clair-obscur

Un mur

Derrière

déjà

le Soleil


Rochefort-sur-Mer, 10 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

LE GLÉBEUX


Je suis fait de quelques cris

de plaisir partagé

d’un don réciproque

de neuf mois de patience

quelques heures de souffrance

Ma vie commença

par mon rejet du corps nourricier

vers un monde hostile

qui sentait l’éther

Je suis fait d’eau et de vent

d’un peu de poussière en suspens

Laissez-moi retourner à mon néant

dedans le ventre de Cybèle

Mère des mères et des pères

Terre unique


Rochefort-sur-Mer, 11 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


ABSENCE


Peux-tu vivre encore

Sans son cœur

Sans son ventre

Sans son rire


Ne te manque-t-il rien

Ni amour

Ni tendresse

Ni plaisir

Si tu restes sur un non

Il t’aime lui encore

Jusqu’à des années-lumière

Mon bel amour-soleil

Et brûle à jamais de ton feu


Rochefort-sur-Mer, 13 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


ÉPITAPHE


Je suis mort un soir d’été

Le soleil s’est noyé

Dans un océan d’amertume

Le temps s’est arrêté

Ce vingt-trois-juillet

De l’an de disgrâce Mil neuf cent quatre vingt huit


Rochefort-sur-Mer, 15 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


RORSCHACH

J’ai dans la tête

un dessin d’enfant

mille bonshommes

deux mille yeux

quatre mille fleurs

et quelques chiens sans laisse une grande maison

avec cent une fenêtres

toutes ouvertes

pour le soleil et la lune

J’ai dans la tête

un rêve polychrome

Liberté première

immaculée

- Qui donc a déversé

dans mon âme

la fiole d’encre noire

Rochefort-sur-Mer, 20 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

MIGRATION


Un vol d’oies cendrées

Ce soir

Fuyait vers les marais d’Yves

Annonciateur des premiers frimas

De la fin de l’été

Combien d’amants l’apercevant

Pensèrent à leur amour

Fragile

Combien de vieillards

Sur le pas de la porte

Pensèrent à l’inexorabilité

Du temps

Pourquoi donc ce soir

Me ramène-t-il à la mort


Rochefort-sur-Mer, 22 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

NUIT D'ÉTÉ (I)



Sur ton épaule nue

court un frisson

Naguère fut-ce l’amour

Ce soir le froid qui te prend

est frisson de mort

Il y a le voile obscur

qui recouvre ton corps

Et la mystérieuse solitude

qui baigne l’abandon

Je regarde la Lune

L’Œil effrayant me guette

J’ai froid dans mon cœur

Le parfum de la pluie

me pénètre de son humide tiédeur

Est-ce la fin

d’un monde

d’un amour

Mon cœur

Pour qui sonnes-tu le tocsin


Rochefort-sur-Mer, 25 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

SECONDE MORT

Les mots m’auront accompagné tant et tant de printemps

ils se diront matin que le jour est venu de me désapprendre de me désenchanter

de me désincarner

alors je rangerai mes cahiers lignés

dans une malle du grenier les poings serrés dans les poches

je saluerai la mer, la lune et les étoiles irai prendre le dernier train de nuit

hisserai la grand-voile

réciterai Prévert sur le quai sans âme

d'une gare de grande ville

qu'arpente l'oubli et je laisserai là tout mon amour de l'humanité L'une ou l'autre peut être le recueillera

voudra bien l'adopter en se méfiant des épines

sans trop se soucier des cicatrices – mon amour est sensible l'humanité fragile Je ne chercherai toujours pas la lumière j'aime le partage la pénombre

et le vacillement de la nuit je me perdrai peut-être

nous surprendrai sans doute

il doit être tant de doux enfers

inexplorés Certain·es haïront – iels ne peuvent ne savent pas aimer – on a les sentiments mérités D'autres embelliront comme j'enjolivais avant-hier

avant iels encore aujourd'hui

encore et encore nous nous mentirons

à la nuit agonie aux rêves trahis Jusqu'où mon cœur ira-t-il irradié dans ses moindres veinules

par les amours impostrices et les hypocrites caresses jusqu'où vivra-t-il

en ce monde faux-sentimenteur Puis je descendrai ce sentier vert et parfumé

vers les ammonites mystérieuses

vers les galets ni toujours blancs

ni toujours lisses ceux qu'enfant je peignais ceux qui roulent marbrés au soleil

nous éblouissent et nous font vaciller Alors sur ma révérence

irrespectueuse

et deux trois pas de danse macabre on baissera le rideau

Sur mes lèvres un baiser

à la volette

Un brasier


Coup de Vague, Marsilly, août

© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès



 

À MÉLOS


Tu étais fille de la Mer

et du Soleil

Je t’admirais

lorsque tu dansais le soir à la Lune

Tu étais Lumière

Bleu du Ciel et de l’Amour

au son des chants et des guitares

Je t’adorais

mais l’été s’achève

Le temps est loin

déjà des amours éphémères

J’ai remis les voiles

Rochefort-sur-Mer, 2 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

DÉSAMOUR À MORT


Que me reste-t-il de ton amour

J’ai perdu jusqu’au parfum de tes lèvres

Jusqu’au velours de tes caresses

Je ne suis même plus certain

Qu’un jour tu m’aies aimé

Connus-je jamais l’amour

Quand bien même je refusais le Doute

Ô Temps

Es-tu cruel

Maudit sois-tu Amour

Est-il vrai que la Vie ne laisse

qu’un goût de Mort

et qu’Amour porte en lui

le poids de toutes nos défaites

Mort Amour n’ont que trop de points communs

pour n’être pas qu’un

Là-bas

tout au bout de la nuit


Rochefort-sur-Mer, 3 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


NUIT D’ÉTÉ (II)


En regardant la nuit

vers les cieux-cimetières

je m’imagine que

chaque étoile

est une amour morte

qui nargue les amants

séparés

et brille de son éclat

ultime

tel un souvenir

pour jusqu’au bout

nous faire souffrir

Rochefort-sur-Mer, 4 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


SUR LA MARGELLE


Combien de fois

par les printemps pluvieux

me suis-je penché

sur la margelle de ton puits

Qu’espérais-je y découvrir

quelque chose qui ressemblât au soleil

et qui m’invitât à l’amour

Je n’y découvris que les ténébreuses profondeurs

Le croupissement de ton sang

répandu sur l’autel du plaisir

et le morne incessant ruissèlement

du temps qui ride ton ventre

Sur la margelle de ton puits

je vis un jour ce corbeau rouge

que tu plumais ânonnant

« je t’aime un peu beaucoup… »

machinalement

Sur la margelle de ton puits

me vit-on m’assoir

pitoyable piteux dépité

quémandant ton asile

Depuis je ne me souviens de rien

ni de ce voyage au pays des abysses

ni de la mort qui certainement m’étreignit

ni comment j’en réchappai

ni de ce sang que mes mains

burent à la commissure de tes lèvres

ni des eaux qu’à ton puits je puisai

jusqu’au désenchantement

de ton charme

Infidèle

Rochefort-sur-Mer, 7 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès




INCINÉRATION


J’espérais la mer

Je n’eus que l’amertume

Du port en hiver

Sous la brise la brume

Et les amarres auxquelles tu me tenais

J’espérais l’amour

Et j’eus l’amour adulte

Mort-né pour toujours

Au lieu que nos corps exultent

Sans les amarres auxquelles tu nous tenais

L’amer amour mort

Les Marquises se taisent

Au-delà du vieux port

Les femmes se voilent

L’horizon se farde

Pour les noces funèbres

Rochefort-sur-Mer, 10 septembre

La Rochelle, 13 janvier © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


SECONDE MORT D’UNE CARTOUCHE D’ENCRE


Nuit carcérale où la lune même parait être un boulet

Lente agonie sur une page blanche

Obsédante virginité qui pousse au viol

Viol de la pensée mutilée

Viol des sens

La mort la prit lorsque la page immaculée ma muse oubliée me rendit

C’est inutilement qu’est versé son sang noir

Ô lente agonie sur une page blanche

Ô vain sacrifice qui pleure sur nos néants

Maudit sois-tu

Mauvais poète

Obsédante virginité qui pousse au viol

Viol avec effraction

Blessures ayant entrainé la mort

Sans l’intention de la donner

Quoique…

Rochefort-sur-Mer, 14 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


PEU IMPORTE que brève ou longue soit ma vie

PEU IMPORTE que naissent ou meurent mes envies

PEU IMPORTE le soir

PEU IMPORTE la nuit

PEU IMPORTE l’aurore

PEU IMPORTE le jour

PEU IMPORTE l’espoir

PEU IMPORTE la vie

PEU IMPORTE la mort

Quand dans nos cœurs

Un bel amour se meurt


Rochefort-sur-Mer, 17 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

AUTOLYSE CÉLESTE

Le ciel s'ouvre les veines en un lent bal crépusculaire hémorragique L'âme délavée

le regard vide je reste à le contempler là assis sur un galet plat au pied de la falaise Le soir agonise dans un tourbillon de phare où se diluent la violine et le vermillon de mes encres marines Le vent m'accuse de non-assistance à déesse en détresse que lui répondre – traîtresses sont les prêtrises et les pitreries de ce qu'ils nomment piété le pire est l'âpre à venir le jour d'après à la prunelle de ses yeux Ses yeux se veulent lumière faisceaux influents mes étoiles sont ailleurs dans les immatérielles abimes elles n’étincèlent sans ténèbres Il faudra la nuit blanche entremblée puis l'aube indolente bleuâtre en illusoire ligature des temps Il faudra le cœur en dentelle pour renaître à l'Est en tendresse ou colère à l'horizon de nos rêves de nos révolutions il faudra résister au jour ennuager la muse et ses cerbères aimer avec passion la brume et la déraison

Paris, 24-26 septembre © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


Il pleut dans mes nuits

aux blafardes étoiles

Nuits sans lune

qui me font oublier le jour

et ses soleils

d’amour

Je me souviens d’un poème

d’Holderlin nuit d’amour nuit de mort

Suis-je mort

dis-moi

pourquoi vivrais-je

Il y a dans mes nuits

des anges déchus

des apprenties sorcières

des rêves inachevés

des métamorphoses condamnées

des exils

et des pleurs

Je me souviens de mon premier poème

du cent millième

chrysanthème

et d’un visage blême

Dans la glace

la mort

Rochefort-sur-Mer, 27 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


CIEL DE FIEL



La vorace tisse sa toile

piège l'éphémère amour avec la rosée Le soutané dévore l'espace traverse capricieux le parvis se signe au bénitier des amphibien·nes bouscule les vieilles matines les vieux endimanchés maudit le ciel et ses anges femelles Les charognards cherchent la faille

le pied de travers la rime facile rien n'échappe à leurs dieux mâles et voraces à leurs caresses perverses Vautours véniels

hyènes haineuses affutent serres et crocs culs bénis sur leurs missels becs et gueules fétides aux relents aigres du vin de messe en ce calice qu'on se partage sans masque Midi chape de plomb l'ombre d'un calvaire ithyphallique et la nausée en haleine de bouche en bouche l'hostie tapine sur l'autel terminus Ite missa est I miss you



Paris, 2 octobre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l’Hadès


 


AUTOMNE EN EMPORTE LE VENT


L'horizon diapré sombre La mer devient charbon L'écume sur ta chair feinte une caresse tente d’argenter

le crépuscule

mais se teinte de tristesse

engrise le sable et les galets et chaule ta chevelure


Ton derme frissonne au vent

L’enclume du ciel s’encre et menace

La mer monte et pleure sa romance Tu marmonnes

des mots amers

comme une ancre une insulte

à la fuite du temps


Il est l’heure absurde

où l’on se sent friable et fané

où l’on se récite en cœurs

les existences illusoires

les vaines blessures


Le désir se ride peu à peu L'amour meurt sous tes yeux


Il est l’heure ombreuse

où nos souvenirs

nos cicatrices

déploient leurs ailes blanches

les mêlent à celles des cormorans

je ne dégriserai pas ce soir


Le désir se ride peu à peu L'amour meurt à tes yeux


Il est l’heure cendrée

où le silence s’essouffle

où s’efface la mémoire

des chemins escarpés

des amours ondoyantes


Le désir se ride peu à peu L'amour meurt dans tes yeux


Il est l’heure obscure

crève-coeur

qui pleut en cataractes

des larmes lourdes d’angoisse

noyant les âmes et les corps

que la douleur emmêle

en la même danse macabre


Le désir se ride peu à peu L'amour meurt

Longues-sur-Mer, 22 octobre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

60 HEURES PAR SEMAINE

Premières zébrures de l'aube mon dernier rêve agonise sous la brulure du thé noir il balbutie sur mes lèvres embrume ton visage chaque mot est un supplice chaque regard vertige Qui a remplacé les dahlias de mon jardin par des chrysanthèmes La mouette solitaire a des airs de corbeau elle coasse sur la terre qui fume et son ricanement funeste s'estompe à l'envol J'ai le teint terreux dis-tu de ceux des âmes qu'on enterre et les yeux vides du modèle factice en vitrine Je débande comme arc sans majeur comme un vieux prostatique Le ciel aussi semble à décembre il se laisse descendre si bas qu'il s'accroche aux branches nues s'effiloche en poussières de cendres C'est un ciel de dimanche sur une mer éteinte Manche sans épaule ni bras Je ne sais pourquoi mon corps s'ankylose mes nuits s'apnéisent mes jours ne respirent plus asphyxiés addicté d'école mon cerveau s'overdose il explose en plein vol burnouté Et si ton sourire me chaude s'il m'arrache une larme de douleur de douceur je reste celui-là que noie la vie Bon débarras


Longues-sur-Mer, 26 octobre © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 

JE SUIS LA MORT SANS NOM

La femme sans visage

Les paupières baissées

Des condamnés à mort

Mégalithes dressés des lointains rivages

JE SUIS LA MORT SANS NOM

La Rochelle, 1er novembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 


Un soir de décembre

Tristesse des nuits sans lune

Sans étoile qui scintille

Rêve de mort

Un joueur de guitare

Qui râle mon malheur

Et pleure mon désespoir

Triste hymne à la mort

Où es-tu mon amour

Évanoui dans la nuit

As-tu fui mes rêves

Ne m’aimes-tu plus

Un soir de décembre

Faiblesse de l’être sans vie

Sans espoir d’être compris

Rêve de mort

Pauvre clown solitaire

Qui voile son malheur

Et rit de son désespoir

Triste numéro

Où es-tu mon amour

Mélancolique de cirque

As-tu fui mes rêves

Ne m’aimes-tu plus

Ma couche est trop grande désormais

La solitude est ma tombe-compagne

Que me manque ta tendresse

Que me manquent tes caresses

Et le gout sucré de tes lèvres

La Rochelle, 2 décembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

Un jour je me tuerai

Pour crever l'inutile absence

Crier ma honte de vivre

Quand croupit l'innocence

Dans les basfonds des villes

Quand l'enfant tue pour d'autres

Pour que d'autres s'enivrent

En l'imbécile ennui

En d'infernales jouissances

Du sang de l'amour

avorté

La Rochelle, 1er janvier © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

BLEU AMOUR


I


Gris le ciel de cette journée.

Grise la nuit qui tombe.

Grises les ombres qui s’évanouissent, les volutes qui dansent, s’estompent et se déchirent.

Grise l’impatiente attente de l’amour.

Grises les pensées de l’homme à la fenêtre s’enivrant de la nuit pour oublier.

Gris le temps qui s’écoule, le sable dans ses veines.

Gris les barreaux d’acier qui encloisonnent son cœur.

Le rêve refoule les larmes de son corps. Il cherche les étoiles que dissimulent les nuages.

Il ne sait pas la magie de la lune.

Défilent sous ses yeux un visage, un sourire, l’ébauche sensuelle d’un corps.

Ses éclats de rire, ses pleurs séchés par un baiser.

Les prénoms choisis pour le premier fruit de leur amour.

On lit dans ses yeux mouillés la fin d’un amour en partance.

Souffrance. Mésespérance.

Pourtant demain la vie.

Dans tous ses demains se lève un soleil.

Phénix bleu jaillissant l’amour entre ses bras ouverts.


II


L’amour est bleu et me noie dans l’océan de sa douceur. Infini tourbillon. Inaccessible horizon.

Je t’aime au-delà des frontières étoilées.

Jusqu’au bleu des portes de l’univers. Ou de l’enfer.


Châtelaillon, 18 avril © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



III


Sur la plage une femme debout.

Femme enfant face à la mer que chacune de ses larmes vient à grossir et noircir.

De ses bras écartés la lune projette l’ombre d’une croix.

D’encre et de ricil mon poème se dilue.

Dans le regard se noie la détresse d’un impossible amour. Bleu.

Celui de l’autre soir à la fête foraine.

Ce petit manouche aussitôt aimé.

Nuit bleue trop courte.

Ainsi nait l’éternité.

Au petit matin blême brinquebalant roulotes et chevaux s’en vont.

Les routes sont pavées de mauvaises intentions.

La caravane et l’amour se fondent dans le levant et ce soleil-fœtus avorté dans la grisaille du ciel et des larmes.

Il avait pourtant dit à l’oreille à demain mon amour.

À demain mon amour. À demain.

Après-demain. L’éternité.

D’autres éphémérides. D’autres amours.

D’autres larmes. Un enfant.

Le gris tapisse sa mémoire.

Pas le gris de l’écume les jours d’orage.

Pas le gris argenté de ce navire qui vogue entre mer et ciel.

Le gris du sable qui s’infiltre jusque dans sa nuque et son sexe.

Le gris des cendres et du vieux chat miteux.

Le gris ébréché des pierres tombales.

Le gris éméché de l’ivresse sale d’une enfance souillée.

Le gris médiocre des Marie déchues.


IV


Sur la plage une femme morte.

Le flux indécent lèche sa robe de pourpre.

Sa dentelle tressaille sur la chair froide.

Roide.

Dernier tremblement de vie.

Dernier semblant d'envie.

La lune sombre sur l’horizon et coule en tremblant.

Derniers soubresauts d’amour et de haine.

Dernier grain dans le sablier.

V


Et cet indécent bleu de l’aube insolente.

Il est des demains aux jours sans toi.

Bleu amour.

Bleu enfer.

Comme la nuit qui nous ressemble.

Comme le jour qui nous rassemble.

Comme la beauté tragique de nos rêves.

Comme la clarté magique de la lune sur les draps de notre amour.

Sauras-tu m’aimer en bleu.

Bleu notre amour.

Bleu ce baiser tendre.

Bleue la nuit qui revient

Bleu cet enfer qui nous étreint.


Paris, 5 mai © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

AMORICIDES

Tu es nu·e et ta nudité n'appelle ni vol ni voile ni viol ni violence elle n'est ni permissive ni perverse de nature C'est l'image qu'il·elles en ont qui salit te salit nous salit Leur âme écervelée et leur cœur crasse leur ventre insatiable leur vil bas-ventre imposent soumettent souillent spolient détruisent tuent Ils sont assassins de l'amour de la vie et de ce doux enfer qui nous embrase

Paris, 22 juin

Longues-sur-mer, 1er août

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès


 

FALAISE

Je ne suis pas en retard mais l'horloge tricote parfois en avance sur son temps des écharpes au lapin blanc qui s'échappe les aiguilles dansent se tordent se nouent comme le nœud qui enserre ma peine et la suspend sur une branche perdue au-dessus du néant immensément bleu miroir-mémoire facettes fragmentées des âmes torses des amours mortes sombres abysses d'où s'élève la mélopée des sirènes aux écailles d'argent – Tu n'es pas en retard tu es même en avance dit dans sa superbe la dame en robe noire

Longues-sur-Mer, 20 juillet © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 

PRÉPARATIFS

Choisiras-tu le lit de mousse ou celui d'écume pour mon dernier sommeil ?




Longues-sur-Mer, 2 aout

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 

FILDEFÉRISTE

L’été s'achève avec lenteur

Son agonie fissure le miroir

il n’est plus d’hirondelles

restent les alouettes

Son écho crépusculaire

ricoche et se déchire contre les parois

Sur un fil de fer tendu sur la fêlure du monde Elle funambule entre deux rives

Elle est Déesse des Failles

des Détresses

et des Divergences



Paris, 13 septembre

© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès



 


MARS

Mars appelle le printemps mais rappelle la guerre non sur une planète peuplée de petits bonshommes verts

mais chez nous

sur notre terre

non pour jouer à cache-cache avec l’hiver mais la guerre pour de vrai

la guerre qui viole

mutile

exécute

assassine

tout ce qui résiste à l’envahisseur

tout ce qui résiste au dictateur

tout ce qui résiste à l’avide et au mercantile

tout ce qui résiste aux marchands d'armes et de mort


Europe s'en fiche Mars attaque et ça repart

De petits poutines

ravageurs ravagés givrés se jouent d’un escape game bas de gamme

de Palestine en Irak

du Yemen en Afghanistan

d’Ukraine au Mali

Quand ils en sortiront en ayant toutes et tous

et tout détruit

ne resteront que gravats

ruines

cendres

larmes

de l’humanité


Paris, 13 mars © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès

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