à Hélène Duffaure et Catherine Clémenceau,
en souvenir de nos délires poétiques
Textes écrits de 1987 à aujourd'hui
ROUGE ET NOIR
Rouge et noir
Est l’Hadès
Où les dieux
Sans scrupules
N’effraient plus
Les Vivants
Par les Morts
Rouge et noir
Est l’Espoir
Qui renait
Dans les cendres
Du désir
D’être forts
D’être heureux
Rouge et noir
Est le Ciel
Quand le soir
S’illumine
Quand la Ville
Se soulève
D’un seul Cri
Rouge et noire
Et la Nuit
Qui m’éveille
M’émerveille
Et m’envoute
Et m’emporte
Dans un Rêve
Rouge et noir
Est le Sang
Quand l’Amour
N’est plus vice
N’est plus viol
Ni pêché
Ni chantage
Rouge et noire
Est la Chair
Juvénile
De Pigalle
Qui console
Les amants
Éconduits
Rouge et noir
Est l’Amour
Quand il nait
Puis s’endort
Mais qu’il vit
À jamais
Dans nos cœurs
Rouge et noire
Est la Flamme
Impudique
À tes yeux
Qui l’implorent
Le désirent
Le dévorent
Rouge et noir
Est le Feu
Qui s’embrase
Sur nos corps
Affamés
Enfiévrés
Les consume
Rouge et noir
Est-ce rêve
Où je t’aime
Sans te voir
Sans t’avoir
Sur ma peau
Sur mon corps
Rouge et noire
Est la Femme
Qui s’endort
Dans mes bras
Sans un mot
Si ce n’est
Mot de mort
Rouge et noire
Et ma Vie
Avec Toi
Toute à Toi
À l’Amour
Qui nous lie
Pour la Vie
Rouge est noire
Est la Vie
Avec Toi
Toute à Nous
La Rochelle, janvier
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
L’ÉCHAFAUD
J'ai sur la bouche
La haine que mon cœur a proscrite
J'ai connu la liberté conquise assassinée
Le désamour
Vertébrale blessure
Carcérale rupture
J'ai la merde aux lèvres qui brûle
Cruelle amertume
La nuit s'emplit de soufre
Douleur
J'ai rompu le silence d'un cri-colère nocturne
Sur un toit pentu hulule un ange une réponse indistincte
Je n'attends que la mort
Excrémentielle
Toute de bleu vêtue
La foule hurle venue me voir
Mourir
Écarlate jouissance
Le couperet déjà se teinte de mon sang
- Bourrelle Où donc as-tu la tête Ne montre pas la mienne Elle n'en vaut pas la peine
La Rochelle, 12 janvier
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
DER DES DERS
Tu disais que ce serait ma dernière guerre
inégal combat contre mes propres démons
ce mal qui me ronge la mémoire
Restent la froidure
un éclair de lune
entre deux nuages noctilucents
à nouveau la noirceur
du ciel et de ton regard
de mon humeur vireuse
les effluves des antres noctambuleuses
Sous la verrière rouillée
de cette gare putride
personne ne t’accompagne pour un adieu
on ne va pas quand même prendre un ticket de quai
même pas une chanson de Delerm à pleurer sur la mer
Voie D
comme départ
déveine
désamour
déchirure
de profundis
comme une danse désarticulée
comme douze mois de décembre
sans détour
sans dormir
une dernière fois
Paris, 10-11 février
© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès
CŒUR PAVOT
De son bec fourbe le vanneau
perché sur ton épaule falaise
s'abreuve à ton cœur pavot
il explose tes amours mystifiées
les bourgeons de liard n'en cicatriseront plus les plaies
il neige es pétales noir-sang
dans le sombre des rides hivernales
entre deux racines de mandragore
les parques lucides viendront éclore des rêves avortés
tu les étendras sur le chemin de ronde
comme autant d'étendards funestes
pour les armées en dérive et les amants éconduits
Longues-sur-Mer, 24 février © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
(Texte écrit en illustration d'une œuvre d’Isabelle Rodriguez.)
Україна 2022
Être après la nuit sans fin
être au picotement de l'aube
dans le froid
le vent
mais être
être aux premières loges
voir s’étirer le soleil
sous la caresse des nuages
jour après jour
ciel après ciel
à nul autre pareil
sentir le beau jusqu'à s'en éblouir
sentir le chaud irradier les profondeurs de l’intime
* * * * * * * * * * * * *
Mais
là
debout
vivant
savoir qu'au-delà des haies
des champs
des villes invisibles
du silence et des chants d’oiseaux
des rires des enfants sur le chemin de l’école
résonnent
l’humiliation
la haine
la violence
la mort
- dommage collatéral la nomment les pervers -
sous les chenilles des chars
les tirs de canon
de missiles
les drones tueurs
les soukhoï
* * * * * * * * * * * * *
La vie n'a pas de sens pour le capital
et ses va-t-en-guerre
assassins d'humanité
ses diplomates aux mains ruisselantes
aux poches pleines
aux cris d’orfraie
aux jeux de puceaux effarouchés
* * * * * * * * * * * * *
S'il faut que le sang coule
ailleurs que dans les veines
de l'ouvrière et du paysan
de l'enseignante et de l'infirmier
de l'artiste et du caissier
de la chercheuse et de l'artisan
ouvrez les vôtres
poutines
marchands d'armes
et de misère
stratèges et militaires
fumez en la terre
et laissez nous dire avec Prévert
"quelle connerie la guerre"
Longues-sur-Mer, 24 février
© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès
24 FÉVRIER 2022
J'écris dans le silence des étoiles
en cette nuit qu'on achève plus tôt à l'Est
comme une histoire de ces enfants qui grandiront sans prendre le temps
pour la mémoire de ces enfants qui ne grandiront pas
* * * * * *
Un dictateur anesthésie le penser
l’humanité
tant et tant qu'on ne veut pas le croire à l'Ouest
parce que le gaz
parce que le blé
parce que les banques
parce que la diplomatie
un dictateur d'esbroufe
joker menteur
n'est ni vraiment sérieux
ni vraiment dangereux
croit-on
* * * * * *
Un dictateur déteste
qui ne lui ressemble
il décrète le mal et le bien
le sens de la marche
tout lui appartient
jusqu'au cœur
jusqu'au corps
des hommes et des femmes
* * * * * *
Le dictateur est providence il surveille menace arrête
torture emprisonne condamne au silence à l'oubli emprisonne empoisonne
* * * * * *
Un dictateur a soif
de sang
de gloire
alors il pisse un déluge de missiles et de balles
il déverse sa miction teintée de petite haine tranquille
sans inquiétude
il marque son territoire
lion sans crinière
sans courage
il veut son espace vital
* * * * * *
Un dictateur a faim
il hume le fumet
se délecte à l'avance d'un hors d'œuvre à sa démesure
une colombe étouffée avec son rameau farcie à la sanguette d'opposant au régime
une cervelle de journaliste flambée au lance-flammes
une chaudrée de cœurs d'enfants marinés dans les larmes des poètes
un sorbet de melon d'hiver et son coulis d'hémoglobine
le tout servi sur une nappe d'or et d'azur où s'essuient les mains grasses et les bouches immondes
bien arrosé de distillat de sordide et de folie
* * * * * *
Un dictateur doit satisfaire
ses besoins d'animal
il exhibe ses muscles de russe blanc
ce qu'il pense être son charme
sa virilité
écraser
croit-il
grandit
loi du plus fort en gueule et en armes
au ventre protéiné
loi de celui qui a les bourses les plus pleines
là où l'intelligence cède à l'instinct le plus vil
il bombe le torse
lâche ses bombes sur les civils
* * * * *
Un dictateur s’amuse
comme avec les manettes de son jeu vidéo
il jouit de son index
et déclenche des étoiles de feu
il rature le ciel trop beau trop bleu pour un pirate
et sème la mort plus vite que je ne sème mes mots
* * * * * *
J'écris dans le bruit des bottes qui martèle les tempes
dans la peur qui entremble le corps
dans ce feu qui glace les veines
dans ce froid qui mord et brûle les lèvres
dans ces champs ces quartiers dévastés
dans les décombres de nos rêves de paix
pour ces enfants drapés de haine
* * * * * *
Demain l’été sera
de blé mûr
de ciel bleu
tourmenté comme une toile de Vincent
* * * * * *
Je serai coquelicot
Longues-sur-Mer, 28 février
© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès
حبي حبي لماذا تخليت عني
À la sereine
dans les effluves d'olive et d'épices
et la transparence de leur peau danseurs et danseuses sarabandent leur corps astral et mellifluent
* * * * * * * * * * * * *
Ceci n'est que vin aigre
et pain rassis lithiase patriarcale
pétrifiée dans l'épure
* * * * * * * * * * * * *
Quand le noir s'effiloche dans la promesse du bleu le temps me traverse je ne sais plus si j'existe ou ne suis qu'un atome
de rêve étoilé
* * * * * * * * * * * * *
La lune était pourtant pleine de promesses de tendresse
* * * * * * * * * * * * *
J'arrime mon âme à la nuit
m'élève à l'approche de l'aube au loin
le coq s'étrangle en un râle inaudible
* * * * * * * * * * * * *
Si le jour déchire mon cœur étouffe l'espoir d'infinuit
je renierai le ciel
maudirai l'amour je serai sans passion
* * * * * * * * * * * * *
On se croit d’ici
on est déjà là-bas
on nait de nulle part
* * * * * * * * * * * * *
Quand les dés sont jetés sur l’étoffe précieuse
quand l’œil soyeux verse une larme carmine
quand s’y mêle la peur de l’après des serments
quand les lambeaux de ciel oriflamment la mort
quand les tartufes marouflent l’amour
quand la pierre roule dans le silence absurde
quand les lamentations ravissent ce qui restait de vaine espérance
le temps se fige et s’efface
* * * * * * * * * * * * *
À jamais le sommeil atomisé
Paris, 27-28 mars
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
JOUR DE CÈNE (14 NISAN)
C’était sous un pont (sur la Seine ?)
Dis t’en souviens-tu
Après tant de temps
Perdu pour pouvoir oublier
Tant de soupirs
Tu ne perdis pas au Change
C’était sous un pont
(Je revois la scène)
Qu’importe son nom
Était-ce le pont Mirabeau
Il faut que tu me souviennes
Sous l’arche coulait la Seine
(pour la rime ou la frime)
La Lune se mirait
Dans les eaux troubles
Et j’admirais
Les contours de ton corps double
Jusqu’au creux de ton aine
Un roide rayon frôlait
Ta chair blanche et saine
Y goutant je la trouvais
Froide et fade comme la Seine
Rochefort-sur-Mer, 1er avril
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
EPITAPHION
Sur sa tombe
Sans croix ni fleur
Pourra-t-on lire
–Lettres de cendres
Je suis le fossoyeur
des amours mortes
le croquemort
des illusions perdues
(Comme quoi on peut mourir
de l’amour des autres)
Rochefort-sur-Mer, 31 mai
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
SCHIZOPHRÉNIE
J’ai suivi somnambule
le long d’un fleuve noir
des filles aux cheveux verts
sans les voir
et des femmes au corps de sable
sans les aimer
Au bout de ma nuit linceul
guidé par je ne sais quel instinct
j’ai découvert l’espoir
L’intemporalité
Je suis sorti de ma torpeur
pour m’entendre dire
que je t’aime
Pour t’entendre dire
au loin
que tu ne m’aimes point
que si tu m’as aimé demain
tu ne m’aimeras jamais hier
Intemporalité de l’Amour
Essence de la Vie
Rochefort-sur-Mer, 2 juin
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
PORT-NAVALO 87
à Glenmor
Je chantai sur la grève
Au vent qui saline
Au vent qui roule
Les vagues qui déferlent
Sur les galets verts
Je chantai sur la grève
Aux marins
À leurs femmes
À leurs bâtards
Fils de l'alcool
De la mer
De l'amour
Et du vent
Je chantai sur la grève Les ailes bleues
Tourmentées
Par les esprits
De la terre
De la mer
Et du feu
Je cessai de chanter sur la grève
Lorsque les sirènes
Aux verts cheveux
M'envoûtèrent
Me noyèrent
Dans leurs corps
De sable et d'eau
Je chantai sur la grève
Et nul ne répondait
Qu'une voix lointaine
Indistincte
Voix d'espoir
Ou de honte
D'amour
Ou de haine
Jusqu'à l'épuisement
Je chantai sur la grève
Mais un oiseau sombre
Venu de la mer
Du ciel
Ou des enfers
Déchiqueta mon corps
Offert en croix
Je ne chanterai plus sur la grève
Pour que ton chant résonne encore
Dans les corps endeuillés
Kenavo l'ami
La Rochelle, 18 juin
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
BLEU COMME L’ENFER
à KM
Il y a le port et ses tours
Où montent les amantes guetter au loin l’Amour
Il y a la mer
Qui mêle ciel et enfer
J’appelle
vers le large
et derrière les remparts
le silence s’étire dans le soir
Il y a toi
Sacrifiant le silence
J’imagine la beauté du verbe
et l’éclat de ton corps
sur le bleu de l’enfer
ou le noir de la mer
Il y a toi
le silence
et la mer
Il y a moi
qui ne compte plus
et le silence rompu
J’oublie que j’existe
et me glisse
sur le sable vert
jusqu’à ce qu’il m’engloutisse
Il n’y a que moi
qui ne compte plus
J’oublie que je suis
j’oublie qui tu es
peut-être étais-je un autre
et peut-être cet autre t’a-t-il trompée
et peut-être cet autre n’est-il plus
Ai-je jamais existé
ailleurs que dans ton cœur
qui se meurt de trop d’amours
Il y a toi
floue comme un châle de brume
qui recouvre la ville
noyée dans des larmes océanes
La mer et le ciel
le port et ses tours
finissent par sombrer aussi
dans le lit bleu de mes nuits noires
Dans les limbes bleus de l’enfer
lui seul demeure
La Rochelle, 26 juin
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
PERSÉPHONE
Tu as le chien je suis le loup entre l'autre et l'un dans la ville canicule la lune entre deux murs semble prise au piège j'implore un sortilège
Peu t'importent mes chimères
tu tritures
gruges mes ténèbres tu te dresses quand il aboie sur les rives du Styx sur le pont de lave
tu craches
invectives
hameçonnes
tu tends la corde
à la face de ma peine
arraches mes yeux
pour servir d’appâts
au cerbère élyséen
usurpateur de Zeus
tu es sa vestale
À tes pieds gisent
les bris de mes rêves
Paris, 3 juillet
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
LE HIATUS BLEU
J’ai vu le bleu du ciel
et me suis demandé
si ce n’était là
le noir de l’enfer
Pourquoi me disais-tu
Le soir où naquit l’amour
entre tes draps encore chauds
dans un doux hiatus
« Bleu Amour
Le Bleu est enfer de soufre et de feu
Et rien n’est plus bleu que l’Amour
En train de naitre dans ma couche brulante
Entre mes cuisses de vestale »
Bleu Amour
J’ai vu le Bleu du ciel
Océan de noirceur
et m’y noyai
Tout linceul est bleu
La Rochelle, juillet
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
La LUNE ce soir
s'est voilée
en signe de deuil
LUNE noire
LUNE morne
pour mes amours mortes
Souffrance de la Nuit
Larme céleste
sur mes joues de braise
Gouffre de l'Enfer
Âme torturée
LUNE de cendres
LUNE pourpre
compagne de mon cœur
Blessure sanguinolente
Puits béant
Fontaine tarie
où dans une dernière flaque de Vie
agonise une salamandre
Eau croupie souillée
De la sève de mon amour
anéanti une nuit sang
Une nuit sans LUNE
Rochefort-sur-Mer, 28 juillet © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
Texte paru dans Les Astres, Jean Grassin éditeur, Paris-Carnac, janvier 1994
AMOUR CRUCIFIÉ
Un pivert sur un poteau d’ébène
clouait bruyamment
un cœur palpitant
Le sombre philtre
giclait tout autour
et de hideuses hyènes venaient
s’y abreuver
avant de fuir repues
regagner leurs lugubres tanières
Des femmes aux mêmes visages monstrueux
criaient et pleuraient
d’une joie perverse et maléfique
entamant une danse macabre
comme jadis les bacchantes furieuses
autour de l’animal sacrifié
Je perdis connaissance
avant d’entendre le dernier bêlement
de l’Agneau avant de voir
par son sang répandu
comme par miracle le bois
reverdir refleurir
Au firmament la bourrelle
remontait innocemment
son étincelant couperet
Rochefort-sur-Mer, 1er aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
ÉTÉ SANS TOI (ET SANS SOLEIL)
L'amour ne mûrira pas dans cet été de glace sans état de grâce où s'éclipsent les sentiments où s'évanouissent les rêves L'estive sordide lasse les papillons blancs laisse sur les papilles un goût amer un goût de mer et ces petits grains de sable sur la langue et dans les yeux à détester la dune et le ressac à maltraiter la lune et les étoiles en grandes marées de larmes à s'y noyer encore en grandes armées de lames à s'en rencoquiller Tu te fanes tout s'efface l'âme en pourrira l'amour y mourra Sauf si l'alchimie des mots...
Longues-sur-Mer, 4 aout © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
OMNES VULNERANT…
Immobile et perdu
accoudé sur le rebord de la fenêtre
je suis resté pendant des heures
à regarder mourir le jour
le maudire au soir écartelé
entre louves et chiennes
Vide des ténèbres
Je suis trop épuisé maintenant
pour retirer le linceul
de nos amours
Néant oppresseur
– Blasphémateur –
J’espérais la Nuit
Son apocryphe beauté
l’implore la déteste
insulte son silence
Ô vacuité des amours feintes
Rochefort-sur-Mer, 4 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
… ULTIMA NECAT
JE SAIS qu’au détour du chemin
qui me mène vers toi
le dernier arbre de la charmille
est une croix
JE SAIS que lorsque la foule
qui m’emprisonne s’écartera
seule face à moi
restera cette courtisane
que tout homme a peur d’étreindre
JE SAIS qu’à la fugace vision de ma vie
un dernier visage
flouté par les années
des larmes arides
une main qui fut douce
– l’autre : qui ne tient l’ultime rose rouge-sang-versé offerte –
caressant mes paupières
JE SAIS enfin que le dernier regret
à m’envahir
me tourmenter m’anéantir
sera de n’avoir pu de n’avoir su
préserver l’Amour – l’Unique –
de l’inexorable usure du temps
de la rouille nourrie des larmes amères et salées
vainement déversées
de la jalousie qui goutte à goutte
comme on distille le venin
le recouvrit
du linceul
des maudits
condamnés
Rochefort-sur-Mer, 5 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
LOUANN
pour Neven & Audrey,
tenter de mettre en mots l’indicible
Tu ne verras pas tes vingt ans
la vie la mort
ne t'ont pas laissé le temps
d'être
d'aimer
de découvrir le monde
tel que tu l'imaginais
meilleur que celui que nous bâtissions
À jamais
il nous reste le pastel éthéré des roses
ton sourire-soleil
dans ce faux été de larmes
et de neiges grises
il nous reste à humer le vent d'ouest
qui vante le parfum de ton âme
et la grâce de ton visage
gitane libre et fière
voletant de bruyère en fougère
dans les yeux-miroirs de celleux qui t'aiment
le cristal de ton rire
l’alchimie de ton sourire
et l’enchantement de ton regard
à travers les doutes
les failles du destin
et toi
douce fée tutoyant les étoiles
papillonnant entre le cœur d'une rose et l'universelle immensité
À jamais
Tu aurais redouté nos peurs
nos pleurs
assuré que la vie continue
même après l'avalanche
même après le déluge
Il reste de toi
l'étincelante lumière
inondant notre chemin
Longues-sur-Mer, 3-5 aout © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
PRO TESTAMENTO
Mon ultime et douloureux soupir
mon ultime souffle de vie
Tu sais celle à qui je le dédie
toi qui me fis autant souffrir que vivre
Retourne maintenant le sablier
puisqu’il est bientôt vide
et grave mon épitaphe
Sa Vie ne fut qu’Amour il ne méritait pas
de survivre à l’Amour qui lui fit trouver belle la Vie
Ailleurs luit encore soleil
Chante mes vers mes douces amours mortes
qu’elles s’élèvent à jamais comme des charmes
Pourquoi fracasser le sablier
Rochefort-sur-Mer, 6 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
PEU T’IMPORTE si j’attends
le Verbe
la Nuit se tait
et la Muse se terre
dans les impasses sombres
et silencieuses
Un lampadaire se penche
sur ma détresse
et la lampe rouge clignote
qui m’invite à entrer
Je passe et la Nuit
s’oublie Je fuis
le Verbe luisant
point à l’Aube
qui m’attend
La Mort se souvient
d’un certain rendez-vous
sous un calvaire de granit
PEU T’IMPORTE si j’attends
l’Amour
La Mort vient
L’Aube enfin bleue
m’invite au repos
clair-obscur
Un mur
Derrière
déjà
le Soleil
Rochefort-sur-Mer, 10 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
LE GLÉBEUX
Je suis fait de quelques cris
de plaisir partagé
d’un don réciproque
de neuf mois de patience
quelques heures de souffrance
Ma vie commença
par mon rejet du corps nourricier
vers un monde hostile
qui sentait l’éther
Je suis fait d’eau et de vent
d’un peu de poussière en suspens
Laissez-moi retourner à mon néant
dedans le ventre de Cybèle
Mère des mères et des pères
Terre unique
Rochefort-sur-Mer, 11 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
ABSENCE
Peux-tu vivre encore
Sans son cœur
Sans son ventre
Sans son rire
Ne te manque-t-il rien
Ni amour
Ni tendresse
Ni plaisir
Si tu restes sur un non
Il t’aime lui encore
Jusqu’à des années-lumière
Mon bel amour-soleil
Et brûle à jamais de ton feu
Rochefort-sur-Mer, 13 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
ÉPITAPHE
Je suis mort un soir d’été
Le soleil s’est noyé
Dans un océan d’amertume
Le temps s’est arrêté
Ce vingt-trois-juillet
De l’an de disgrâce
Mil neuf cent quatre vingt huit
Rochefort-sur-Mer, 15 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
RORSCHACH
J’ai dans la tête
un dessin d’enfant
mille bonshommes
deux mille yeux
quatre mille fleurs
et quelques chiens sans laisse une grande maison
avec cent une fenêtres
toutes ouvertes
pour le soleil et la lune
J’ai dans la tête
un rêve polychrome
Liberté première
immaculée
- Qui donc a déversé
dans mon âme
la fiole d’encre noire
Rochefort-sur-Mer, 20 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
MIGRATION
Un vol d’oies cendrées
Ce soir
Fuyait vers les marais d’Yves
Annonciateur des premiers frimas
De la fin de l’été
Combien d’amants l’apercevant
Pensèrent à leur amour
Fragile
Combien de vieillards
Sur le pas de la porte
Pensèrent à l’inexorabilité
Du temps
Pourquoi donc ce soir
Me ramène-t-il à la mort
Rochefort-sur-Mer, 22 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
NUIT D'ÉTÉ (I)
Sur ton épaule nue
court un frisson
Naguère fut-ce l’amour
Ce soir le froid qui te prend
est frisson de mort
Il y a le voile obscur
qui recouvre ton corps
Et la mystérieuse solitude
qui baigne l’abandon
Je regarde la Lune
L’Œil effrayant me guette
J’ai froid dans mon cœur
Le parfum de la pluie
me pénètre de son humide tiédeur
Est-ce la fin
d’un monde
d’un amour
Mon cœur
Pour qui sonnes-tu le tocsin
Rochefort-sur-Mer, 25 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
SECONDE MORT
Les mots m’auront accompagné tant et tant de printemps
ils se diront matin que le jour est venu de me désapprendre de me désenchanter
de me désincarner
alors je rangerai mes cahiers lignés
dans une malle du grenier les poings serrés dans les poches
je saluerai la mer, la lune et les étoiles irai prendre le dernier train de nuit
hisserai la grand-voile
réciterai Prévert sur le quai sans âme
d'une gare de grande ville
qu'arpente l'oubli et je laisserai là tout mon amour de l'humanité L'une ou l'autre peut être le recueillera
voudra bien l'adopter en se méfiant des épines
sans trop se soucier des cicatrices – mon amour est sensible l'humanité fragile Je ne chercherai toujours pas la lumière j'aime le partage la pénombre
et le vacillement de la nuit je me perdrai peut-être
nous surprendrai sans doute
il doit être tant de doux enfers
inexplorés Certain·es haïront – iels ne peuvent ne savent pas aimer – on a les sentiments mérités D'autres embelliront comme j'enjolivais avant-hier
avant iels encore aujourd'hui
encore et encore nous nous mentirons
à la nuit agonie aux rêves trahis Jusqu'où mon cœur ira-t-il irradié dans ses moindres veinules
par les amours impostrices et les hypocrites caresses jusqu'où vivra-t-il
en ce monde faux-sentimenteur Puis je descendrai ce sentier vert et parfumé
vers les ammonites mystérieuses
vers les galets ni toujours blancs
ni toujours lisses ceux qu'enfant je peignais ceux qui roulent marbrés au soleil
nous éblouissent et nous font vaciller Alors sur ma révérence
irrespectueuse
et deux trois pas de danse macabre on baissera le rideau
Sur mes lèvres un baiser
à la volette
Un brasier
Coup de Vague, Marsilly, août
© Autobiopoèmes, Les Couleurs de l’Hadès
À MÉLOS
Tu étais fille de la Mer
et du Soleil
Je t’admirais
lorsque tu dansais le soir à la Lune
Tu étais Lumière
Bleu du Ciel et de l’Amour
au son des chants et des guitares
Je t’adorais
mais l’été s’achève
Le temps est loin
déjà des amours éphémères
J’ai remis les voiles
Rochefort-sur-Mer, 2 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
DÉSAMOUR À MORT
Que me reste-t-il de ton amour
J’ai perdu jusqu’au parfum de tes lèvres
Jusqu’au velours de tes caresses
Je ne suis même plus certain
Qu’un jour tu m’aies aimé
Connus-je jamais l’amour
Quand bien même je refusais le Doute
Ô Temps
Es-tu cruel
Maudit sois-tu Amour
Est-il vrai que la Vie ne laisse
qu’un goût de Mort
et qu’Amour porte en lui
le poids de toutes nos défaites
Mort Amour n’ont que trop de points communs
pour n’être pas qu’un
Là-bas
tout au bout de la nuit
Rochefort-sur-Mer, 3 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
NUIT D’ÉTÉ (II)
En regardant la nuit
vers les cieux-cimetières
je m’imagine que
chaque étoile
est une amour morte
qui nargue les amants
séparés
et brille de son éclat
ultime
tel un souvenir
pour jusqu’au bout
nous faire souffrir
Rochefort-sur-Mer, 4 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
SUR LA MARGELLE
Combien de fois
par les printemps pluvieux
me suis-je penché
sur la margelle de ton puits
Qu’espérais-je y découvrir
quelque chose qui ressemblât au soleil
et qui m’invitât à l’amour
Je n’y découvris que les ténébreuses profondeurs
Le croupissement de ton sang
répandu sur l’autel du plaisir
et le morne incessant ruissèlement
du temps qui ride ton ventre
Sur la margelle de ton puits
je vis un jour ce corbeau rouge
que tu plumais ânonnant
« je t’aime un peu beaucoup… »
machinalement
Sur la margelle de ton puits
me vit-on m’assoir
pitoyable piteux dépité
quémandant ton asile
Depuis je ne me souviens de rien
ni de ce voyage au pays des abysses
ni de la mort qui certainement m’étreignit
ni comment j’en réchappai
ni de ce sang que mes mains
burent à la commissure de tes lèvres
ni des eaux qu’à ton puits je puisai
jusqu’au désenchantement
de ton charme
Infidèle
Rochefort-sur-Mer, 7 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
INCINÉRATION
J’espérais la mer
Je n’eus que l’amertume
Du port en hiver
Sous la brise la brume
Et les amarres auxquelles tu me tenais
J’espérais l’amour
Et j’eus l’amour adulte
Mort-né pour toujours
Au lieu que nos corps exultent
Sans les amarres auxquelles tu nous tenais
L’amer amour mort
Les Marquises se taisent
Au-delà du vieux port
Les femmes se voilent
L’horizon se farde
Pour les noces funèbres
Rochefort-sur-Mer, 10 septembre
La Rochelle, 13 janvier © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
SECONDE MORT D’UNE CARTOUCHE D’ENCRE
Nuit carcérale où la lune même parait être un boulet
Lente agonie sur une page blanche
Obsédante virginité qui pousse au viol
Viol de la pensée mutilée
Viol des sens
La mort la prit lorsque la page immaculée ma muse oubliée me rendit
C’est inutilement qu’est versé son sang noir
Ô lente agonie sur une page blanche
Ô vain sacrifice qui pleure sur nos néants
Maudit sois-tu
Mauvais poète
Obsédante virginité qui pousse au viol
Viol avec effraction
Blessures ayant entrainé la mort
Sans l’intention de la donner
Quoique…
Rochefort-sur-Mer, 14 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
PEU IMPORTE que brève ou longue soit ma vie
PEU IMPORTE que naissent ou meurent mes envies
PEU IMPORTE le soir
PEU IMPORTE la nuit
PEU IMPORTE l’aurore
PEU IMPORTE le jour
PEU IMPORTE l’espoir
PEU IMPORTE la vie
PEU IMPORTE la mort
Quand dans nos cœurs
Un bel amour se meurt
Rochefort-sur-Mer, 17 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
AUTOLYSE CÉLESTE
Le ciel s'ouvre les veines en un lent bal crépusculaire hémorragique L'âme délavée
le regard vide
je reste à le contempler là
assis sur un galet plat
au pied de la falaise
Le soir agonise
dans un tourbillon de phare
où se diluent la violine et le vermillon
de mes encres marines
Le vent m'accuse
de non-assistance
à déesse en détresse
que lui répondre
– traîtresses sont les prêtrises
et les pitreries de ce qu'ils nomment piété
le pire est l'âpre à venir
le jour d'après
à la prunelle de ses yeux
Ses yeux
se veulent lumière
faisceaux influents
mes étoiles sont ailleurs
dans les immatérielles abimes
elles n’étincèlent sans ténèbres
Il faudra la nuit blanche
entremblée
puis l'aube indolente
bleuâtre
en illusoire ligature des temps
Il faudra le cœur en dentelle
pour renaître
à l'Est
en tendresse
ou colère
à l'horizon de nos rêves
de nos révolutions
il faudra résister au jour
ennuager la muse et ses cerbères
aimer avec passion
la brume et la déraison
Paris, 24-26 septembre © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
Il pleut dans mes nuits
aux blafardes étoiles
Nuits sans lune
qui me font oublier le jour
et ses soleils
d’amour
Je me souviens d’un poème
d’Holderlin nuit d’amour nuit de mort
Suis-je mort
dis-moi
pourquoi vivrais-je
Il y a dans mes nuits
des anges déchus
des apprenties sorcières
des rêves inachevés
des métamorphoses condamnées
des exils
et des pleurs
Je me souviens de mon premier poème
du cent millième
chrysanthème
et d’un visage blême
Dans la glace
la mort
Rochefort-sur-Mer, 27 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
CIEL DE FIEL
La vorace tisse sa toile
piège l'éphémère amour avec la rosée Le soutané dévore l'espace traverse capricieux le parvis se signe au bénitier des amphibien·nes bouscule les vieilles matines les vieux endimanchés maudit le ciel et ses anges femelles Les charognards cherchent la faille
le pied de travers la rime facile rien n'échappe à leurs dieux mâles et voraces à leurs caresses perverses Vautours véniels
hyènes haineuses affutent serres et crocs culs bénis sur leurs missels becs et gueules fétides aux relents aigres du vin de messe en ce calice qu'on se partage sans masque Midi chape de plomb l'ombre d'un calvaire ithyphallique et la nausée en haleine de bouche en bouche l'hostie tapine sur l'autel terminus Ite missa est I miss you
Paris, 2 octobre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l’Hadès
AUTOMNE EN EMPORTE LE VENT
L'horizon diapré sombre La mer devient charbon L'écume sur ta chair feinte une caresse tente d’argenter
le crépuscule
mais se teinte de tristesse
engrise le sable et les galets et chaule ta chevelure
Ton derme frissonne au vent
L’enclume du ciel s’encre et menace
La mer monte et pleure sa romance Tu marmonnes
des mots amers
comme une ancre une insulte
à la fuite du temps
Il est l’heure absurde
où l’on se sent friable et fané
où l’on se récite en cœurs
les existences illusoires
les vaines blessures
Le désir se ride peu à peu L'amour meurt sous tes yeux
Il est l’heure ombreuse
où nos souvenirs
nos cicatrices
déploient leurs ailes blanches
les mêlent à celles des cormorans
je ne dégriserai pas ce soir
Le désir se ride peu à peu L'amour meurt à tes yeux
Il est l’heure cendrée
où le silence s’essouffle
où s’efface la mémoire
des chemins escarpés
des amours ondoyantes
Le désir se ride peu à peu L'amour meurt dans tes yeux
Il est l’heure obscure
crève-coeur
qui pleut en cataractes
des larmes lourdes d’angoisse
noyant les âmes et les corps
que la douleur emmêle
en la même danse macabre
Le désir
se ride peu à peu
L'amour meurt
Longues-sur-Mer, 22 octobre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
60 HEURES PAR SEMAINE
Premières zébrures de l'aube mon dernier rêve agonise sous la brulure du thé noir il balbutie sur mes lèvres embrume ton visage chaque mot est un supplice chaque regard vertige Qui a remplacé les dahlias de mon jardin par des chrysanthèmes La mouette solitaire a des airs de corbeau elle coasse sur la terre qui fume et son ricanement funeste s'estompe à l'envol J'ai le teint terreux dis-tu de ceux des âmes qu'on enterre et les yeux vides du modèle factice en vitrine Je débande comme arc sans majeur comme un vieux prostatique Le ciel aussi semble à décembre il se laisse descendre si bas qu'il s'accroche aux branches nues s'effiloche en poussières de cendres C'est un ciel de dimanche sur une mer éteinte Manche sans épaule ni bras Je ne sais pourquoi mon corps s'ankylose mes nuits s'apnéisent mes jours ne respirent plus asphyxiés addicté d'école mon cerveau s'overdose il explose en plein vol burnouté Et si ton sourire me chaude s'il m'arrache une larme de douleur de douceur je reste celui-là que noie la vie Bon débarras
Longues-sur-Mer, 26 octobre © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
JE SUIS LA MORT SANS NOM
La femme sans visage
Les paupières baissées
Des condamnés à mort
Mégalithes dressés des lointains rivages
JE SUIS LA MORT SANS NOM
La Rochelle, 1er novembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
Un soir de décembre
Tristesse des nuits sans lune
Sans étoile qui scintille
Rêve de mort
Un joueur de guitare
Qui râle mon malheur
Et pleure mon désespoir
Triste hymne à la mort
Où es-tu mon amour
Évanoui dans la nuit
As-tu fui mes rêves
Ne m’aimes-tu plus
Un soir de décembre
Faiblesse de l’être sans vie
Sans espoir d’être compris
Rêve de mort
Pauvre clown solitaire
Qui voile son malheur
Et rit de son désespoir
Triste numéro
Où es-tu mon amour
Mélancolique de cirque
As-tu fui mes rêves
Ne m’aimes-tu plus
Ma couche est trop grande désormais
La solitude est ma tombe-compagne
Que me manque ta tendresse
Que me manquent tes caresses
Et le gout sucré de tes lèvres
La Rochelle, 2 décembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
Un jour je me tuerai
Pour crever l'inutile absence
Crier ma honte de vivre
Quand croupit l'innocence
Dans les basfonds des villes
Quand l'enfant tue pour d'autres
Pour que d'autres s'enivrent
En l'imbécile ennui
En d'infernales jouissances
Du sang de l'amour
avorté
La Rochelle, 1er janvier © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
BLEU AMOUR
I
Gris le ciel de cette journée.
Grise la nuit qui tombe.
Grises les ombres qui s’évanouissent, les volutes qui dansent, s’estompent et se déchirent.
Grise l’impatiente attente de l’amour.
Grises les pensées de l’homme à la fenêtre s’enivrant de la nuit pour oublier.
Gris le temps qui s’écoule, le sable dans ses veines.
Gris les barreaux d’acier qui encloisonnent son cœur.
Le rêve refoule les larmes de son corps. Il cherche les étoiles que dissimulent les nuages.
Il ne sait pas la magie de la lune.
Défilent sous ses yeux un visage, un sourire, l’ébauche sensuelle d’un corps.
Ses éclats de rire, ses pleurs séchés par un baiser.
Les prénoms choisis pour le premier fruit de leur amour.
On lit dans ses yeux mouillés la fin d’un amour en partance.
Souffrance. Mésespérance.
Pourtant demain la vie.
Dans tous ses demains se lève un soleil.
Phénix bleu jaillissant l’amour entre ses bras ouverts.
II
L’amour est bleu et me noie dans l’océan de sa douceur. Infini tourbillon. Inaccessible horizon.
Je t’aime au-delà des frontières étoilées.
Jusqu’au bleu des portes de l’univers. Ou de l’enfer.
Châtelaillon, 18 avril © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
III
Sur la plage une femme debout.
Femme enfant face à la mer que chacune de ses larmes vient à grossir et noircir.
De ses bras écartés la lune projette l’ombre d’une croix.
D’encre et de ricil mon poème se dilue.
Dans le regard se noie la détresse d’un impossible amour. Bleu.
Celui de l’autre soir à la fête foraine.
Ce petit manouche aussitôt aimé.
Nuit bleue trop courte.
Ainsi nait l’éternité.
Au petit matin blême brinquebalant roulotes et chevaux s’en vont.
Les routes sont pavées de mauvaises intentions.
La caravane et l’amour se fondent dans le levant et ce soleil-fœtus avorté dans la grisaille du ciel et des larmes.
Il avait pourtant dit à l’oreille à demain mon amour.
À demain mon amour. À demain.
Après-demain. L’éternité.
D’autres éphémérides. D’autres amours.
D’autres larmes. Un enfant.
Le gris tapisse sa mémoire.
Pas le gris de l’écume les jours d’orage.
Pas le gris argenté de ce navire qui vogue entre mer et ciel.
Le gris du sable qui s’infiltre jusque dans sa nuque et son sexe.
Le gris des cendres et du vieux chat miteux.
Le gris ébréché des pierres tombales.
Le gris éméché de l’ivresse sale d’une enfance souillée.
Le gris médiocre des Marie déchues.
IV
Sur la plage une femme morte.
Le flux indécent lèche sa robe de pourpre.
Sa dentelle tressaille sur la chair froide.
Roide.
Dernier tremblement de vie.
Dernier semblant d'envie.
La lune sombre sur l’horizon et coule en tremblant.
Derniers soubresauts d’amour et de haine.
Dernier grain dans le sablier.
V
Et cet indécent bleu de l’aube insolente.
Il est des demains aux jours sans toi.
Bleu amour.
Bleu enfer.
Comme la nuit qui nous ressemble.
Comme le jour qui nous rassemble.
Comme la beauté tragique de nos rêves.
Comme la clarté magique de la lune sur les draps de notre amour.
Sauras-tu m’aimer en bleu.
Bleu notre amour.
Bleu ce baiser tendre.
Bleue la nuit qui revient
Bleu cet enfer qui nous étreint.
Paris, 5 mai © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
AMORICIDES
Tu es nu·e et ta nudité n'appelle ni vol ni voile ni viol ni violence elle n'est ni permissive ni perverse de nature C'est l'image qu'il·elles en ont qui salit te salit nous salit Leur âme écervelée et leur cœur crasse leur ventre insatiable leur vil bas-ventre imposent soumettent souillent spolient détruisent tuent Ils sont assassins de l'amour de la vie et de ce doux enfer qui nous embrase
Paris, 22 juin
Longues-sur-mer, 1er août
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
FALAISE
Je ne suis pas en retard
mais l'horloge tricote
parfois en avance
sur son temps
des écharpes
au lapin blanc qui s'échappe
les aiguilles dansent
se tordent
se nouent
comme le nœud
qui enserre ma peine et la suspend
sur une branche perdue
au-dessus du néant
immensément bleu
miroir-mémoire
facettes fragmentées des âmes torses
des amours mortes
sombres abysses
d'où s'élève la mélopée des sirènes
aux écailles d'argent
– Tu n'es pas en retard
tu es même en avance
dit dans sa superbe la dame en robe noire
Longues-sur-Mer, 20 juillet © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
PRÉPARATIFS
Choisiras-tu le lit de mousse ou celui d'écume pour mon dernier sommeil ?
Longues-sur-Mer, 2 aout
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
FILDEFÉRISTE
L’été s'achève avec lenteur
Son agonie fissure le miroir
il n’est plus d’hirondelles
restent les alouettes
Son écho crépusculaire
ricoche et se déchire contre les parois
Sur un fil de fer
tendu sur la fêlure du monde
Elle funambule entre deux rives
Elle est Déesse des Failles
des Détresses
et des Divergences
Paris, 13 septembre
© Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
MARS
Mars appelle le printemps mais rappelle la guerre non sur une planète peuplée de petits bonshommes verts
mais chez nous
sur notre terre
non pour jouer à cache-cache avec l’hiver mais la guerre pour de vrai
la guerre qui viole
mutile
exécute
assassine
tout ce qui résiste à l’envahisseur
tout ce qui résiste au dictateur
tout ce qui résiste à l’avide et au mercantile
tout ce qui résiste aux marchands d'armes et de mort
Europe s'en fiche
Mars attaque
et ça repart
De petits poutines
ravageurs ravagés givrés se jouent d’un escape game bas de gamme
de Palestine en Irak
du Yemen en Afghanistan
d’Ukraine au Mali
Quand ils en sortiront en ayant toutes et tous
et tout détruit
ne resteront que gravats
ruines
cendres
larmes
de l’humanité
Paris, 13 mars © Autobiopoèmes, Les couleurs de l'Hadès
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