Textes écrits de février 2019 à aujourd'hui
Qui dit poésie dit philosophie et lumière.
(....) Elle est irréductible, incorruptible et réfractaire. Comme la mer, elle dit chaque fois tout ce qu’elle a à dire ; puis elle recommence avec une majesté tranquille, et avec cette variété inépuisable qui n’appartient qu’à l’unité. Cette diversité dans ce qui semble monotone est le prodige de l’immensité.
Flot sur flot, vague après vague, écume derrière écume, mouvement puis mouvement.”
Victor Hugo in William Shakespeare, Livre III “L’Art et la Science”, A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, éditeurs, 1864 (p. 125-160)
1
à Lily
Dans le soir qui s’éteint
Elle s’enivre fragile de la démesure du vent
au-delà des iles fantasmées
silencieuse
La terre a-t-elle déserté sa promesse
d’un printemps naissant
d’une périssable adolescence
ou de l’ambivalence
du sel et de la soie
Elle savoure amère et noire
l’obsédante absence
de limites
Infinie diatribe du temps qui s’échappe
Graye-sur-Mer, 27 février © Autobiopoèmes, Océanités
2
Je préfère les surplis rêches du soir
aux soies froissées de l’aube
Où mes mots lézardent à la lune
Je m’écorche sur les ornières du temps
leurs hostiles manières
L’eau qui perle à mon front
garde-t-elle ma mémoire
Le fleuve en son lit défait
dit-il mon passé
La mer qui gronde ou s’apaise
se repait-elle de mes souvenirs
J’abolis mes frontières
m’affranchis du temps
ravis l’espace incertain
Je vis de l’infini
du sens éthéré des choses
des effluves fastes de l’océan Sac et ressac accélèrent en cadence le rythme de mon cœur
Crescendo mon amour
Longues-sur-Mer, 4 mars
© Autobiopoèmes, Océanités
3
Le sable du temps
s’immisce dans ses songes
Le sac et le ressac
de l’océan ne cessent
Indifférence éclaboussée
L’horizon sombre
sans laisser de trace
de cette sirène solitaire
Crépuscule halluciné
Cieux ensommeillés
Et ce demain
- déjà -
sans destinée
Larguez les amours
Longues-sur-Mer, 7 mars
© Autobiopoèmes, Océanités
4
Le temps que s'efface le soleil qu'il naufrage le jour en une écarlate jouissance
Le temps de l'instant suffisant pour sabler la bouillarde
trinquer nos sourires
entrechoquer les lèvres et revenir à la vie
s’émerveiller de la robe
si se dérobe la raison
Le temps qu'il faut à la nuit pour plomber l'éternité pour écraser mes rêves bleus et noirs ou les laisser fuir par le goulot avec les chimères et les licornes
Le temps qu'il me faut pour finir la bouteille et la jeter à la mer vide d'avenir emplie de mémoire de ces maux envasés que mes mots désertent Le temps qu'il faut à la lune pour gercer l'horizon jaillir du néant enlunimer ton ventre Le temps qu'il faut aux étoiles pour embriller tes yeux enluminer d'étrange l'estran silencieux
et pourtant son vacarme incessant
Le temps qu'il faut à la vie pour sauter de roche en roche acérée de vague en vague à l'âme incertaine néanmoins sûre d'elle Le temps qu'il faut au printemps pour éclore doux-amer au tanin pour tâcher le verbe
Le temps qu'il faut à la flamme pour danser du rire aux larmes vaciller incertaine de paix en guerre lasse et sale Le temps qu'il me faut pour maudire ma boutanche et sa vaine jouissance
Le temps qu'il faut à l'amour sec et salé sur la laisse de mer pour s'affranchir de l'écrin qui l'enserre au destin des sombres oubliettes lagéniformes
Le temps qu'il faut à la mort pour surgir du chaos acérer les rochers
vert sombre ébréchés où se brisent mon ivresse et nos rêves d'enfants
Le temps qu'il faut au temps pour effacer les traces des amours éphémères des morts étourdies des songes absous
Le temps qu’il faut à l’écume
pour submerger la mémoire
Le temps qu'il faut à l'aube pour dégriser la nuit Le temps que le rafiot sombre dans l'oubli Le temps qu'il faut à l'âme pour couver son chagrin Et le temps pour le corps de se soulever matin
Il est déjà si tard
Longues-sur-Mer, 22-24 avril
© Autobiopoèmes, Océanités
5
L’aube mal aiguisée
déchiquette la nuit
Une lueur au loin
croit dans l’embrasure horizontale
d’une croyance tremblotante
ambigüe
qu’embrase le temps
qu’embrasse la mort
Et tout s’éteint
Longues-sur-Mer, 25 avril
© Autobiopoèmes, Océanité
6
Sous le silence drapé
du linceul des sirènes
la douce solitude des fées
m’émerveille
m’ensommeille
Je n’ai plus d’âge
ni de nom à la frange des astres
lorsque ta peau frémissant
me sombre et m’inonde
lorsque ton sourire insensé
efface ma mémoire cadencée
ses rumeurs poussiéreuses
les scories crasses de la vie
Longues-sur-Mer, 28 avril
© Autobiopoèmes, Océanités
7
J’écoute le chant
de l’arbre dans la nuit
de la terre qui respire
des pierres et du ruisseau
Je parle aux étoiles
qui semblent me répondre
des mots oubliés
presque insensés
Ils célèbrent la Vie
l’Amour
la Lumière
Longues-sur-Mer, 29 avril
© Autobiopoèmes, Océanité
8
La falaise porte mes souvenirs
blesse l’illusion de mes rêves étoilés
La vague enroule l’horizon
en une infinie spirale
Que de mots
de mensonges
de chimères
et de rivages infertiles
Que de corps
d’ardents songes
de mortes mers
et de sirènes stériles
Sans nom
Les soleils de mon âme
s’éteignent un à un
Les lambeaux de mémoire
virevoltent
effilochent l’étoffe du temps
dans la voie lactée
de notre possible amour
Longues-sur-Mer, 3 mai
© Autobiopoèmes, Océanités
9
À semer
à s'aimer
sans modération
mon jardin secret
sauvage
s'entrelace de mille couleurs
mille fragrances
s'entremêle de mille fleurs-poèmes
Longues-sur-Mer, 5 mai
© Autobiopoèmes, Océanités
10
Mers fluentes
Mers saoules
Mers traitres
Mers filantes
Mers moires
Mers enfouies
dans le silence vertige
et la volte-face
d’une vie
Comme sur l’or factice de l’estran
s’efface ma mémoire
Asnelles, 1er juin © Autobiopoèmes, Océanités
11
La mouette rit-elle
dans les tumultes du vent
les spasmes océans
les vagues versatiles
La mouette crie-t-elle
à l’amour onirique
et ses miettes charitables
chichement jetées
aux vents fantasques
Poète écrit-elle d’une arabesque
renonce au verre vespéral
annonce la mort mordorée
de mes falaises
Que meurent vos fadaises
Qu’elles meurent d’aise
et de votre volatile oubli
de votre haine bourgeoise
oisive et sourde
Creuse les fosses ourdies du temps
Noies-y vos faux tours de magie
votre monde chimérique imbu
Brise la corde onirique et nue
qui t’aliène au mensonge
Colleville-sur-Mer, 2 juin
© Autobiopoèmes, Océanités
12
Entre mer et dune je t’implore
Il pleut des pans de nuit sur l'océan satiné de mes rêves
Le chant salin du vent caresse râpeux ma peau si blême de baron sans arme et sans armure
Sur la tour de mon château de sable abandonné de ses chattes de ses chiennes de ses songes de pierre et d'Espagne
J’apostrophe l’écume et divague
D'amphibies sirènes des princesses persanes
montent des douves
assiègent ma forteresse
et m’enserrent de leurs longs bras maigres
Il flotte un parfum d’algues putréfiées
et d’œnanthe safranée
mon âme abandonne ses ultimes défenses
elles se saisissent de mon corps
enduisent d’onguents ma peau
vergéturée par le sel et les ans
Leur plainte couvre mes silences
se mêle au rire sardonique
des mouettes et des ergs
d’où surgissent d’autres femmes
Je ne suis plus personne
Je ne suis rien
Ai-je jamais été
Longues-sur-Mer, 21 juin
© Autobiopoèmes, Océanités
13
Je sais les nervures ruisselantes de ta peau
jusqu’à tes lèvres salines
qu’arpentent les nuages de tes songes
Ces draps flétris caniculaires
où s’emmêlent nos poussières d’étoiles
sont l’écume des nuits
S’enivrent nos phénix
d’humus et d’hymen
scandaleux artifice
La sorgue sera lunaire et blanche
sens enchevêtrés
sans interdits
Re-naissance
Longues-sur-Mer, 29 juillet
© Autobiopoèmes, Océanités
14
Autant que ton âme torturée
ou ta vie minée d’ornières
ce chemin tortueux
où se tordent nos pas argileux
s’élève à flanc de falaise
s’éclipse dans l’ombre des ronces
et des prunelliers
entre vertige et silence
solitude et détresse
Tu te demandes comment
vivent ou survivent
au cœur des vents salins
dans l’ombre calcaire
molène vipérine
criste giroflée
et douce lagure
Au terme du chemin
la lumière t’éblouit
et la finitude t’aveugle
Longues-sur-Mer, 23 octobre
© Autobiopoèmes, Océanités
15
De l’aube bleutée terne
au flamboyant crépuscule
j’ai remonté la mort
démonté les vents
dispersé l’amour
écartelé nos songes
4
ton sablier de nacre et silex
reprendre à Saturne
les aiguilles du temps
rendre la silice à la mer
entendre le charme des sirènes
sombrer de désir
et maudire Ulysse
Des tisons de colère
sous les braises des rêves
j’ai traqué le sommeil
détraqué mon morpheil
traitre malveillant
désarmé l’amour
hostile et cruel
enamouré la houle
promise aux brisants
aux caresses des phares
fomenté leur révolte
en vénéneux vacarme
de l’aurore irrascible
J’entends la mort
où la vague mugit
Longues-sur-Mer, 28-29 octobre © Autobiopoèmes, Océanités
16
Je suis né deux fois
sous les rires moqueurs
d’une insolente mouette blindée
de l’éclat d’un amour
fractale sacrifiée
la sève ruissèle
de mon olympe
Je suis né de toi
de l’éclat grenade d’un regard
sous les vagues d’écume
de folles déferlantes
sous les duvets célestes
d’anges rebelles
démons dociles
la silice volatile masque les pavés
Imperceptibles rivages d’or et d’azur
manifestes de lumière
clarté première
elliptique
teintes virginales
d’un espoir immaculé
flamboyant
le vin tourne allègre
je ne battrai pas retraite
Éternité nue
éternité tue
éternité traitre
Je suis né sur la grève
grave et grivoise
une nuit grenat
une nuit granit
nuit de plomb
le vin tourne à l’aigre
Je suis né du sang d’ébène
je suis né de l’amour et de la mer
je suis né de la mort et de l’amer
Longues-sur-Mer, 26 décembre
Paris, 16 janvier
© Autobiopoèmes, Océanités
17
Ce soir je déteste l’hiver
mièvre ou turpide
Il vente dans mon âme
une impétueuse tempête
animale
sel d’un amour que bourrasquent tes mots
*****
Je me blottis sous la grève
seul sous un ciel sans étoile
Et si mon cœur pleut
des gouttes célestes
des embruns solitaires
Serait-ce joie feinte
*****
La falaise de mes certitudes se fissure
Les roches ancestrales se fracturent
et dans le fragile équilibre de mes doutes
de calcaire et d’argile
la nuit se fracasse
*****
Éboulis de sentiments diffus
dans le vacarme houleux de la mer
ma poésie danse
vacille
s’évanouit
divulgâchée par l’insolent envoûtement du chant
des sirènes insoumises
*****
Soudain le silence
indocile
irrespirable
*****
Coma poétique
Parchemin vierge de vie
*****
Ta main s’amarre à la mienne
Ton être frissonne
Ton cœur tremble
et notre amour vibre
dissout en cadence la raison
quand nos lèvres se mêlent
lentement
infiniment
*****
Un désir inassouvi
apprivoise notre mort
incertaine complice de l’absence sordide
Port-en-Bessin, 14 février
Longues-sur-Mer, 15 février
© Autobiopoèmes, Océanités
18
Je n’ai traversé
ni océan ni mer
j’ai dû piétiner
quelques cafards
quelques miettes
les disputer
aux goélands aux mouettes
*****
Mes rêves m’ont porté
plus loin que mes pieds
les vers m’ont trouvé
peu comestible
peu épicé
lorsque cinq pieds sous terre
j’ai maudit dieux et diables
rimes et chimères
*****
J’ai franchi la frontière
du paradoxe amoureux
j’ai tutoyé l’enfer
irrévérencieux
à l’endroit à l’envers
et contre tous
les Chiron les Cerbère
*****
J’ai déboulonné les statues
à bride abattue
cocufié Pépin le Bref
– j’aime les pieds longs et fins –
renversé les réverbères
de mon accent pointu
et mes rêves de large
et de grands vents
haut comme trois pommes
sur la falaise on est géant
*****
J’ai rabiboché les fées les elfes
bouleversé les certitudes
des matrones mafieuses
des patrons mal embouchés
explosé mes servitudes
et tes Jésus Marie Joseph
évidé tes habitudes
déserté mes fiefs
*****
Il me restait à trouver
le courage et la force
de désaimer
de déserter le bleu
les tours du vieux port
pour les tertres de Montmartre
et d’autres ailleurs
d’autres calcaires
le brou de Soulages
les chemins de halage
les cours de ton cœur
et les courbes de ton corps
Longues-sur-Mer, 21 juin
Paris, 9 juillet
© Autobiopoèmes, Océanités
19
En offrande Nos corps nus sur l'estive après l'albe transhumance de nos cœurs L'âme en comète incertaine dans l'immensité de mer et ciel mêlés Le vol gracile de la sterne la brusque plongée du poignard dans les chairs Et la valse fragile de l'éphémère
crépusculaire
Danse macabre
Saint-Laurent-sur-Mer, 19 juillet
Longues-sur-Mer, 20 juillet
© Autobiopoèmes, Océanités
20
Dans cette rue normande où les brumes s'effilochent où roucoule l'été et coulent bière et cidre Les rires se grisent en terrasse rivalisent avec les clapotis le bouillonnement de l'Aure
en son désir de mer l'émerveil de l'Autre au sourire de sa chair
Bayeux, 13 juillet
Longues-sur-Mer, 23 juillet
© Autobiopoèmes, Océanités
21
J’irai glaner les blés
l’avoine et le seigle
sur les terres d’argiles
qui m’enracinent
dans cet horizon
de cendre
De falaises bessines
en fadaises mesquines
dans la tyrannie des signes
un coquelicot s’excusera
de paraitre fripé
résistant à Nessie
réchappé de la faux
Sur ce sol à cidre
ma bolée débordera
de cette écume grise
où les émotions
muselées
s’enlarment
De face
de profil tu me distilles
m’évapores
m’effaces
me partdesanges
Longues-sur-Mer, 9 août
© Autobiopoèmes, Océanités
22
Au mitan de la nuit noire sur une mer asséchée par désespoir et mes larmes trop acides par anamour je traverse sans Elle un désert de sel et d'ocres
La lune m'est une île une oasis où mes mots s'abreuvent où ma soif de vivre s'étanche philtre d'oubli des ils et des elles phagocytes cannibales
Lunapark
Longues-sur-Mer, 10 août
© Autobiopoèmes, Océanités
23
Aux confins du ciel et de la mer
dans l’écarlate brasier
sombre l’adolescente insouciance
Vers une mort sans nom
sinon renoncement
les courants de couardise
entourbillonnent les inconsciences
fragmentent les paradis perdus
dissolvent les innocentes amours
– Ô dieux et déesses des baïnes
gorgé·es de haine et de traîtrise
Pourtant
à la nuit levée
des abysses de l’immémoire
émerge l’espérance
Elle
Plage du Peu des Hommes, La Couarde-sur-Mer, 30 octobre Longues-sur-Mer, 12 août
© Autobiopoèmes, Océanités
24
Depuis l'estuaire silencieux un frêle esquif atteint le large profite du vent de terre pour voguer loin des rives et des récifs du temps La jeune femme algues en crinière épouse la mer mère il ne sera et dans ce vertige absolu dans les abysses peuplées de ses chimères plonge son regard salé
Longues-sur-Mer, 16 août
© Autobiopoèmes, Océanités
26
Je suis né deux fois
sur tes rives sauvages
entre rêve étincelle
et sombre amour
d’une prière païenne
et d’un cœur en offrande
Je suis né de toi
sous le rire moqueur
d’une mouette insolente
sous la vague d’écume
en amours déferlantes
entre les robes d’albâtre
d’angéliques rebelles
Bluette enflammée
légèreté stellaire
clarté lunaire
d’un phare des confins
ardence vaginale
virginale
d’une espérance insensée
sublimée
Écorché
je suis né de l’amour et de l’amer
Longues-sur-Mer, 29 octobre
© Autobiopoèmes, Océanités
28
Entre bocage et chenal
entre escarpe et falaise
entre argile et silex
sous le ciel de traine
qui m’étire jusqu’à l’estran
dans le reflet flouté de ton âme
je me laisse à rêver d’une vie
sans récif
sans esquisse
sans crevasse
juste l’exquise douceur
de ton derme amoureux
sur mon vieux corps rugueux
et la bogue de mon cœur
entre étale et tempête
entre mirage et miroir
entre vierge et vertige
Pourquoi faut-il sans trêve
qu’un bug grève les amours
les achève dans le funeste vacarme
d’un hiver en transe belliqueuse
Longues-sur-Mer, 29 décembre
© Autobiopoèmes, Océanités
29
Le vent verdit mes paumes
ouvertes vers les iles et elles
dépose le sel du large
sur ma peau
Il me vertmarine
me noroise et me grise
Je tremble
je flageole
Je redeviens algue
embrun
éther
Longues-sur-Mer, 30 décembre
© Autobiopoèmes, Océanités
30
en écho à Jean Diharsce
de deuil en divorce ennoircir l’œil funeste dénigrer les cœurs incompris comprimés « juste fermer le jour »[1]
ou bien à peine entrouvrir la nuit
sur la lande amazone où s’absinthent les vents
de la mer à la lune est-elle enfin venue
l’ère du rêve nu des compromis
des tables de fête où s’invitent louves et devins
diner déconfiné bonheureux endiablé
par la promesse vive des mimosas
festinons ballerine rebelle et divin échanson
enchantons les noces permises d’idéal et poésie
pour un courant d’air un amour de piano
blasphémons cadencés la morgue et la camarde
s’il nous reste un peu d’ivresse accordéons-nous
dansons du creux de la sorgue à l’aube nouvelle
et « que reviennent les vents de toute miséricorde »[2]
Paris, 7-8 février
© Autobiopoèmes, Océanités
[1] Jean Diharsce, « Veuf de la fête… », poème publié sur Facebook le 7 février 2021
[2] Glenmor, Apocalypse, La Coupe et la Mémoire (1979)
31
La Manche est mon miroir elle voit la vie en bleu en adule le ciel n'est pas ridée jamais grise reste calme imperturbable
Ni la marée vespérale si différente de sa sœur matinale ni le cri des goélands ni le ricanement des mouettes - pas de hyènes ici - ne l'indisposent Jusqu'à ce que... les vents se déchaînent rompent les amarres déchirent leurs amours et hurlent vers le ciel
Paris, 20 février
© Autobiopoèmes, Océanités
32
Cette île m’ensorcèle
tu la nommes prélude
elle a le parfum suave de la grenade et de la rose
sans soigner nos folies
tu m’ex-îleras
Cette flamme me dévore
tu dis que tu m’embrases
nous braverons le large les tempêtes
la violence des cieux
celle des silences
tu m’ensauveras
Et vogue la galère
tu la vois en galion
nous fuirons les havres placides
où l’on s’amarre à jamais
nous éviterons les ports
où s’ancrent les illusions
tu me déferreras
Nous dévierons des sagesses
tu leur préfères l’aventure
noctambules et libres nous serons funambules
sans épargne sans calcul
des arpents de mer
sans aliéner l’horizon
aux promesses d’éternité
tu hisseras la grand voile
Longues-sur-Mer, 26 février
Paris, 10 mars
© Autobiopoèmes, Océanités
33
Depuis la nuit des temps
je remue le monde
dans l'obscur et la clarté je défie le jour et je m'y fonds
renie le soleil traque la pénombre
mesure chaque mois
mes révolutions
* * * * * * * * * * * * *
J'exhibe mes cratères sans honte et sans peur
épouse la terre
j’enlace les âmes
les ensemence
les divorce
* * * * * * * * * * * * *
Je commande à la mer
aux forêts aux cités manipule les hommes leurs folies leurs amours
je fascine j’attire
et tout sombre dans les sources
les ruisseaux les océans
* * * * * * * * * * * * *
Avec mes sœurs sorcières nous envoutons les fées entrainons sarabandes
endiablons les corps
immolons à leurs amants
leurs faces ombrées
* * * * * * * * * * * * *
On me vénère me maudit
m’éclipse ou m’humanise
on m’utilise
me nationalise
me brode sur les drapeaux
* * * * * * * * * * * * *
On me débite en quartiers
avec treize de mes larmes un dernier sacrifice
aux divinités absurdes on me rabote en croissant
jusqu'à noircir le ciel et faire luire les étoiles
* * * * * * * * * * * * *
Nouvelle je renaitrai pourtant serpe d'argent sans manche
inspiratrice virginale m'arrondirai aube après nuit nuit après jour dans l'incessant va et vient des amours elliptiques
et l’attraction des sens
Longues-sur-Mer, 19 avril
© Autobiopoèmes, Océanités
34
Swept by the wind
in the wide sweep of sea
a sailing ship is swaying
It does not smell sweet
The swell is swollen more and more
Suddenly a rumble of thunder
so sinks the boat
in a deathly swirl
and all swell sailors are giving way to madness
They are in dire straits swaggerless swimmers now
until the green and grey wave covers everything
Then only then as a swoosh
in the deafening silence of the ocean
calm returns
Nothing
nor anyone
Paris, 24 mai – 10 juin
© Autobiopoèmes, Océanités
35
Throw the wisdom
– the madness of the world through the open window
as we throw from the fifth floor
crumbs to gulls
with no hope of finding
the scattered pieces of the puzzle
of life
Paris, 11 juin
© Autobiopoèmes, Océanités
37
J'ai la mémoire de l'encre celle des mots couchés sur le papier celles des maux dits
des maux pansés des faux silences
des vrais mensonges J'ai la mémoire de l'ancre celle des bas-fonds qu'on racle jusqu'à s'y fixer celle des rochers et des ports
qui nous retiennent
nous brisent les voiles
Je survivais en encrant de ce bleu nuit sombre
des cahiers d'écolier soufrés
bleuis d'outre-tombe
de prose amère et de rimes salées
entre enfer et paradis
Je reviendrai m'ancrer dans les fêlures de ton cœur
m'écorcher aux brisures de ton rire
m'écrouer dans les geôles de tes mains
me noyer dans l'océan de tes yeux
Je n'aurai pas de tombe
n'encombrerai pas de traces
ta destinée sans visage
sans aencrage
Longues-sur-Mer, 14-15 juillet
© Autobiopoèmes, Océanités
38 (CHAOS)
Because you are endless wave
because I thought I was an impregnable cliff
only chaos remains
and I love you
Longues-sur-Mer, 23 juillet
© Autobiopoèmes, Océanités
39 (F. & MER)
Depuis l'estuaire
silencieux
un frêle esquif
atteint le large
profite du vent de terre
pour voguer loin des rives
et des récifs du temps
La jeune femme
aux cheveux verts
songe à la mer qu'elle ne sera pas
et dans ce vertige absolu
plonge son regard salé
dans les abysses
Longues-sur-Mer, 16 aout
© Autobiopoèmes, Océanités
40
à Melwenn
Bonne nuit la nuit Bonjour le jour * Cette évidence m'emporte d'un fou rire je la borde et la déborde La nuit pour l'ennui Le jour pour l'amour * L'envers se brise il est si tard tes yeux s'allument midi minuit Les vagues de ta colère comme sac et ressac échouent en silence une lune câline sur le sable vert Sans tambour ni tempête nos cœurs métronoment la mélodie de la mer et du vent
Araignée du soir…
* Melwenn à Longues-sur-Mer, 22 aout
Paris, 30 aout
© Autobiopoèmes, Océanités
41 (DE PROFUNDIS SEMIPUELLAE)
Tu as le gout de la mer cette saveur verte et bleue entre sel et ciel à l'offrande de tes lèvres tu grises celles et ceux que tu choisis en chevelure ambrée en seins devinés au doux de tes mains d'un psaume en murmure tu les chavires à la prière perlée de ton regard tu les ravis en tes abysses ton désir ruissèle noble libre Cet éphémère a le parfum d'éternel
Paris, 15 janvier
© Autobiopoèmes, Océanités
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