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  • Photo du rédacteurHenri Baron

AUTOBIOPOÈMES - Sensitivement

Dernière mise à jour : 2 mars 2023


Textes écrits de mai 2019 à aujourd'hui





UNE ENFANT POÈTE



Au creux du champ de ruines

elle abolit le temps

ravive la mémoire

et enterre la haine


Au cœur du champ de larmes

elle assèche le sang

des monstres vert de gris

ressuscite l’espoir


Au fond des champs de mars

desserrant les mâchoires

d’épouvante et de mort

elle entonne la paix

Au bord du champ d’horreur

tutoyant le destin

elle défie nos rêves

ravive le bonheur


Paris, 17 mai © Autobiopoèmes, Sensitivement


 

AMNÉSIE



Je sais avant d’écrire

je ne sais plus après

Que voulais-je dire ?

me dire ? te dire ? nous dire ?

Je savais avant d’écrire

mais jour après jour

mois après mois

mes rêves s’évaporent

brumes de l’aube

embruns des tempêtes

mes mots se dédisent

leur sens est part des anges

Quand les mots seuls demeurent

je te les dédie

lis-les tels qu’ils sont

lie-les à ta vie

aux sens plutôt qu’au sens

dans l’ombre ou la lumière

Fais-en ce que bon te semble

ils t’appartiennent

alors délire-les

délie-les

délivre-les

laisse-les t’envahir

te posséder

Paris, 21 mai © Autobiopoèmes, Sensitivement


 


PARTAGE


Tu consens le partage des parfums

des saveurs des caresses

des couleurs des musiques

Tu consens le partage du temps

son ruissèlement fragile

tant qu’inexorable éternité

Tu consens le partage des pleurs

et des rires ébréchant le silence

dans l’ivresse escarpée et la sinueuse venelle

Tu consens le partage de l’ombre ardente

et du soleil voilé

jusqu’à l’ambivalente et trouble clarté de la lune

Tu consens le partage de ton nom

et du non dont s’affublent nos poings levés

en luttes ancestrales et stériles

Tu consens le partage de l’amour

en robe de rimes et de vent

et sa prophétique brulure

Tu consens le partage mémoriel et amnésique

dans les limbes méandreux des éthers

où se perd ta pensée nimbée


Paris, 17 juin

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


ÉCRIRE


I

J'écris avec ma main (parfois comme un pied) J'écris seul sous la lune (le soleil ne le sait pas) J'écris des mots d'amour (qui ne sont ni crus ni crus) J'écris plus que je bois (ma mauresque sucrée) J'écris par peur du vide (ma vie déborde et ruisselle) J'écris par soif de vivre (jamais la mort ne m'obsède) J'écris la vérité (mais la travestis sans cesse) J'écris quand tu t'écries (par la grâce du silence) J'écris l'écho du corps (traîtresse est sa souffrance) J'écris les maux de l'âme (maitresse est sa poésie)

Paris, 5-11 juin

© Autobiopoèmes, Sensitivement

II

Sans doute est-ce

parce que je n’ai rien à dire

ou que je ne sais comment dire

ni à qui le dire

que j’écris

Arythmie solitaire du silence

après l’infinie logorrhée

vacance du verbe séculaire

quand sa volubile babel

étouffe le cri de mon mutisme

sordide mimétisme sémantique

Le vol ardent des martinets

trouble le calme impassible

des marronniers

Le soir sombre morne et sublime

et dans un souffle sensible et sensuel

assoupit la mémoire

J’avoue et crie

Je vous écris


Paris, 10 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement

III


Il faut écrire quand on ne peut crier pour ne pas sacrifier les silences pour ne pas se fier aux offenses pour ne pas meurtrir les mémoires pour ne pas mourir de rage et de haine pour ne pas trahir les maux mon enfer pour nous enivrer de nos rêves



Longues-sur-Mer, 28 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement


IV


Ténèbres. Tableau noir d'une fin d'enfance anheureuse qu'on crêve de quitter. Pages-nuits blanches d'effroi quand s'ancre le doute d'un impossible destin. À la craie, déflorer les ombres monstrueuses. À l'encre, vaincre le vertige aux frontières des falaises banquises. Au fusain, fuir le frisson des vagues folies qui te submergent. Écrire. Écrire sans relâche. Sans lâcher-prise. Se rêver maitre d'un futur incertain. Et crier non. Enfin. Comme un rite de passage. Initiatique. Espéranciel. Devenir passeur soi-même.



Longues-sur-Mer, 30 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement

 

LIRE

I

Que tu lises

et t’enlises

le rêve te porte

t’emporte

te mène à l’aurore

délicate et radieuse


II

Tu oscilles

vacilles

mais la treille te retient

quand trillent dans l’éther le merle et le pinson

Longues-sur-Mer, 23 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


SORTILÈGE


J'ai la coupe soufflée l'ivresse douce et le cœur libre mon regard s'égare vers les déchirures du ciel mes mains se tendent se tordent si l'aube m'abandonne je renierai le venin de la nuit ses soleils sordides mes encres invisibles s'ouvre une brèche dans l'infini où l'ennui me cherche


Paris, 20 juin - Longues-sur-Mer, 27 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


L’ABSENCE


Absence de sens Absence des sens Essence de l'absence Essentielle absence * Je cherche à te combler Mais le comble n'est que vide Absolu vide nudité de la vie rude et tue * Absence absolue Absence absconse Absoute et abhorrée Absence adorée * Si présente Si prégnante Absence infertile Absence infernale * Danse lente Si lentement Silence ne ment Solennellement * Longue absence Gouffre profond Infiniment sue Infirme absence * Douce absence Caressante et crue Impudique cruelle Imprudente éternelle * Languissante absence Délie langue et plume Relie nos chemins creux De la terre à la lune * Absence illusoire Illuminant le soir Enluminant l'espoir Tu veux y croire * Chasse d'absence Traces d'absences Champs d'absences Chants d'absence * Absence en soi Angoissante et nue Aiguisant l'errance Soyeuse et plue * Absence délicieuse Absence délictueuse D’une interminable saison Vision déraisonnable * Morsure de l'absence Sadique et morbide Obsédante et prude Secrète absence * Transes de l'absence Transperçant les cœurs Sublimante absence Sensuelle et charnelle * Absence des êtres Oppressant désert Où passe l'absence De rêve et de vent * Insolente absence Sentinelle insidieuse Indécente incestueuse Abstinente absence * Indélébile absence Indescriptible et délirante Imprescriptible et déchirante Oublieuse anonyme * Sanguinolente absence Humiliante humiliée Harcelante harcelée Abandon salutaire * Absence versatile Lénifiante universelle Sans vers ni rimes Absence chimérique * Non consentie Consanguine et drue Repense la poésie Panse les plaies vives * Insouciante absence Extatique absence Ses sexes exacerbés Impuissante absence * Absence hypnotique Languissant de haine Lancinante d'ennui Décidant mes nuits * Extralucide absence Absolu blasphème Haine obsessionnelle Obstinée passion * Absence enserrée En ses bras indociles En ses draps nicotine Vacance immortelle * Escapade invisible Éclipse indécente Non-sens par contumace Amnésie fugace et sombre * Absents sous le ciel Tu t’absinthes je dessaoule Esseulés dans la houle Foule sève et fiel * Absent·e

Paris, 27 mai

Longues-sur-Mer, 29 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


RÊVE


Si la source va vers l’écume

tes cheveux lianes aux vents

je remonterai contre marées et courants

les nervures du temps

jusqu’aux courbes

au vertige

aux précipices de ton corps

Malgré la fronde ou la folie

malgré la sécheresse de ton cœur

de tes entrailles

et la vacuité de l’encrier en équilibre sur ton ventre

j’écrirai sur une page jaunie

par le temps soleil

en cette interminable saison

qui fige l’émotion

délaisse les sentiments

et ressuscite ostensiblement

l’attente frigide

Mais tel un gisant

en sa sinistre absence

je m’ensommeille oublieux oublié

sous un ciel jadis diaphane

qui sanglote et saigne

aux noires étoiles incertaines

Longues-sur-Mer, 30 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

POÉSTIVALIE


La poésie serpente dans les méandres du temps

flane

acccélère

s’engouffre

s’enroule dans la spirale du vent

se dévêt de ses oripeaux

s’imprègne des notes

des parfums des couleurs

de la moite lumière des matins d’été

de la secrète douceur de nos rêves

du miel tendre et doré de l’espérance


Paris, 21 juin Longues-sur-Mer, 1er août © Autobiopoèmes, Sensitivement

 

FAILLES


Pour voir au-delà du mur rose ou gris

propre ou sale

il faut des fissures

des aspérités Le poète n'aime ni les murs lisses ni le ciel limpide ni la mer étale ni la rime rigide et convenue

Comme autant d’ampoules vides quand ce néant faussement beau

enlaidi par nécessité ne laisse à voir que le seul réel

la poésie se nourrit de l’imaginaire

s’insinue dans les failles

dessine et creuse des portes

donne à voir les multiples facettes de l’invisible

au-delà de l’horizon

au-delà des nuages

au-delà des paradis et des enfers



Longues-sur-Mer, 30 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

COMME UNE BOUTEILLE À LA MER


J’écris comme on lance des bouteilles à l’océan.

Ou aux étoiles.

Parfois un SOS.

Souvent un message à l’inconnu·e qui le recevra. Dans l’instant, l’heure qui suit, le lendemain.

Ou dans cent ans ?

Iel le traduira, l’interprètera. Se l’appropriera.

Au-delà des maux, de la solitude ou de la mort.

J’écris comme un enfant. Funambule entre doutes et certitudes.

La mer, les courants, les vents… Éclat de verre polis sur le sable… Comètes dans les yeux… Main tendue…

Un partage.

Le sens que j’aurai donné – ou aurais souhaité donner – se sera effacé dans la seconde, dans les années, ou dans les siècles anachorètes.

La mer, l’errance, le temps, le silence…

Peu importe.

Que demeurent la beauté polysémique des mots, de leur musique.

Que leur écume sensible berce les jours, enchante la vie, charme les âmes, chavire les cœurs.

J’écris comme j’aime.

Par-delà les rives et l’horizon.

Les nuages, les étoiles.

Là où porte ton regard, où te mènent tes rêves.

Merveillheureux si ce que j’écris te permet d’aimer…

La vie. Par-dessus tout.


Longues-sur-Mer, 14 août © Autobiopoèmes, Sensitivement


 


RAVIVER L’ESPOIR


Sur ses tréteaux le monde

entre l’amour et la haine

vacille fragile

*

Il ravit le verbe

enspirale le poète

dans sa trombe infinie

*

Alors la plume dérive

oscille entre laideur et beauté

entre violence et tendresse

*

Dans les abysses du siècle

elle et lui

ravivent l’espoir

phénix resplendissant

sans cesse harcelé

*

De la folie des hommes

bas instincts incendiaires

des remugles de leur pensée

jaillit parfois l’épure

d’un absolu chef d’œuvre


Longues-sur-Mer, 15-17 août © Autobiopoèmes, Sensitivement


 


DEVOIRS DE RÉSERVES





Un poète

(de toutes façons les poétesses n'existent pas

ou

sont hérésie)

doit être et rester poète

On ne l'a pas sonné

Il ne devrait pas donner

son avis

sans importance

sans expertise

(sans contrat avec céniouze)

Il devrait

se conformer à la norme

se confiner aux marges de sa page vierge

se limiter

à rimer

arrimé aux règles de l'académie française

à l'humanisme non revendicatif

à la résilience

à la bienséance

à l'obéissance

aux petites histoires mièvres

aux poèmes d'amours classiques

en de beaux draps repassés et bordés

sans arc-en-ciel

ne surtout pas se mêler

de réforme de l'orthographe

d'écriture inclusive

d'égalité

de droit(s) pour tou·tes

de féminisme

de féminicide

de conquis sociaux

d'éducation

de culture (d'accord un peu mais pas trop)

émancipatrices

de permaculture

de pesticides

de la saveur des fraises hors-sol

des tomates sur la tronche

d'élevages intensifs

de corrida

de richesses de quelques profiteurs

de misère pour le plus grand nombre

d'emplois sacrifiés sur l'autel de la concurrence libre et non faussée

d'économie

d'écologie

du bucher qui embrase la Terre-mère

de la mort de la Mer de Glace

de la banqueroute de la banquise

de décolonisation

de néocolonialisme

d'Histoire avec une majuscule (mais sont poéticocompatibles Bern Menant et Métronome)

de politique intérieure

de référendum qu'on enlise

de gilets jaunes

de drapeaux rouges

noirs

de la Marine héritière de son père

de politique extérieure

de marchés d'armes

de conflits qu'on génère

de révoltes

de révolution

de liberté de croire ou ne pas croire

de croisades

du blocus de Cuba

de Tahiti

des Ouïghours

de Palestine

d'Afghanistan

de là-bas jusqu'à notre porte

de ces amas d'atomes stellaires assassinés plusieurs fois

la dernière en Mare Nostrum

d'Humanité


Ça tombe bien

je ne suis pas poète


Longues-sur-Mer, 17-21 aout

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

CLAIR-OBSCUR


Entre soleil gisant

et lune en dentelle

se mêlent les lumières

les ombres persiennes

et mes pénombreuses pensées

Je cherche ma plume – elle reste introuvable et le souffle de la rime ou de la prose s’estompe dans les méandres de l’oubli

À la première étoile qui s’allume meurt avant de naitre ce premier poème avorton – pont des soupirs entre deux rêves évanouis

Lors je remonte le cours du fleuve - rive gauche insoumise Notre-Dame incrédule notre amour tressaille comme ta chair sous ma caresse boréale

Je t’aime

Paris, 21 novembre – 25 janvier © Autobiopoèmes, Sensitivement


 


HUMARTISTE

« Les grands artistes n'ont pas de patrie. » Alfred de Musset

Tant pis si je radote si mes mots s'évaporent au petit matin blafard au mâtin petit cafard qui s'incruste et bourdonne sur les fleurs du mal tant pis pour les errantes rengaines de Maldoror tant pis si l'on hume ton aseptisé parfum tant pis si ma plume bande encore et prose à l'infini de sa veine sanguine et séminale tant pis si j'assume le médiocre et le pire si je bouscule tes souvenirs falsifiés l'enfance que tu noircis et déchires pour aveugler ton présent tes fausses impudicités tes lâches eschatologies tes combats prétextes et la haine que tu transpires Tant pis si tu adjures tes parjures J'ai plus d'un demi-siècle et je reste un enfant fidèle à mes rêves sans dieu ni prophète rétif à tes impostures même sincères même instillées même en souffrance L'art naît de l’humus

la poussière d’humanité qui nous imprègne

au pied des barricades comme un trait d'union un arc-en-ciel entre deux rives Artiste si tu te veux si tu te dis n'exclus qu'exclusion fanatisme soif de domination

Longues-sur-Mer, 20-21 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


AMOURICIDE


J'écris triste

mais si je crie la mort

c’est à l’encrier de vie

pour la tendresse d'un regard

la caresse d'un sourire

et déchanter l'inespoir

* * * * * * * J'irai casser ma pipe

avant l’aube hybride

sur les falaises de brume

en rêvant d'îles

en m'éloignant d'elles * * * * * * * Les humains feront silence

j'écouterai le chant des oiselles

le murmure des vaguelettes

qui s'attardent sur le sable Je sentirai la tendresse du vent

et son parfum d'algue et de sel

* * * * * * * En s'effaçant face à la lune

le soleil embrasera les horizons

terre mer incandescentes

et sirènes ardentes

* * * * * * * Mon cœur

souffriras-tu

une fois ultime

de laisser les vannes ouvertes

et s'écouler de mes veines l'infernale encre bleu-nuit

d’une parousie païenne * * * * * * * Mon œil

sauras-tu décrire l’invisible

l’éternel infini qui nous invite

à l’humilité

au partage de la sève


* * * * * * *

Mon oreille

orras-tu l’inaudible

les secrets de l’écorce et de la pierre

du sable et du ciel

pour mettre en musique les larmes du silence * * * * * * * Ma voix

auras-tu la force encore

quand tout se serre et se noue

de dire l’indicible

de maudire les amours emmêlées celles qui furent

celles qui fuirent

aussi fugaces que les étoiles filantes * * * * * * * Ma main pourras-tu graphier en épilogue

ces maux pleins et déliés

quelques mots de passage et de souffrance

à l'étroit dans leur carcan crânien

entre ombre et lumière

entre fées et sorcières

entre réel et chimère * * * * * * * Mais toi

auras-tu le cœur à me laisser vivre ma mort lui survivre peut-être en cette transhumance

ou transocéane éphémère et solitaire


Que feras-tu

de l’ivresse du bourdon

des lunes alanguies

des blessures et du sang d’encre

de ce qui reste de mes nuits


Riras-tu toujours

de mes versets futiles

* * * * * * * Avant l’eschatologique crémation

tu empliras les corbeilles d’argent

de mon moi vide inutile

– mes vieilles lunes ténébreuses

mes fragments raturés

mes déchirures étrangères

et familières pourtant –

tu t’en serviras pour embraser

les liesses d’antan

nos sublimes folies

l’âme et son néant

notre amour en son abime



Paris, 28-31 mai

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


FAILLES



Pour voir au-delà du mur rose ou gris

propre ou sale

il faut des fissures

des aspérités Le poète n'aime ni les murs lisses ni le ciel limpide ni la mer étale ni la rime rigide et convenue

Comme autant d’ampoules vides quand ce néant faussement beau

enlaidi par nécessité ne laisse à voir que le seul réel

la poésie se nourrit de l’imaginaire

s’insinue dans les failles

dessine et creuse des portes

donne à voir les multiples facettes de l’invisible

au-delà de l’horizon

au-delà des nuages

au-delà des paradis et des enfers



Longues-sur-Mer, 30 juillet

© Autobiopoèmes, Sensitivement



 

DEVOIR(S) DE RÉSERVE(S)





Un poète

(de toutes façons les poétesses n'existent pas

ou

sont hérésie)

doit être et rester poète

On n’a pas sonné la cloche


Un poète

ne devrait pas donner

son avis

sans importance

sans expertise

(sans contrat avec céniouze)


Un poète

devrait

se conformer à la norme

se confiner aux marges de sa page vierge

se limiter

à rimer

arrimé aux règles de l'académie française

à l'humanisme non revendicatif

à la résilience

à la bienséance

à l'obéissance

aux petites histoires mièvres

aux poèmes d'amours classiques

en de beaux draps repassés et bordés

sans arc-en-ciel

ne surtout pas se mêler

de réforme de l'orthographe

d'écriture inclusive

d'égalité

de droit(s) pour tou·tes

de féminisme

de féminicide

de conquis sociaux

de corrida

de richesses de quelques profiteurs

de misère pour le plus grand nombre

d'emplois sacrifiés sur l'autel de la concurrence libre et non faussée

d'économie

d'écologie

du bucher qui embrase la Terre-mère

de la mort de la Mer de Glace

de la banqueroute de la banquise

de cette école en blanqueroute

d'éducation

de culture (d'accord un peu mais pas trop)

émancipatrices

de permaculture

de pesticides

de la saveur des fraises hors-sol

des tomates sur la tronche

d'élevages intensifs

de décolonisation

de néocolonialisme

d'Histoire avec une majuscule (mais sont poéticocompatibles Bern Menant et Métronome)

de politique intérieure

de référendum qu'on enlise

de gilets jaunes

de drapeaux rouges

noirs

de violences policières

violences d’État

de la Marine héritière de son père

de tous les zemriens décomplexés

racistes misogynes homophobes

de politique extérieure

de marchés d'armes

de conflits qu'on génère

de révoltes

de révolution

de liberté de croire ou ne pas croire

de blasphémer

de croisades

du blocus de Cuba

de Tahiti

des Ouïghours

de Palestine

d'Afghanistan

de là-bas jusqu'à notre porte

de ces amas d'atomes stellaires assassinés plusieurs fois

la dernière en Mare Nostrum

d'Humanité


Ça tombe bien

je ne suis pas poète


Longues-sur-Mer, 17-21 aout

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


LE POÈTE


D'une aurore au soir

d'un crépuscule à l'aube

d’horreur en espoir de ses vers luisant dans la pénombre des chemins dans la traverse du destin

il ouvre les fenêtres allume le verbe enlumine les mots

Il est colporteur d’humanité


Longues-sur-Mer, 21 août

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 


(G)REVE


Je n’en peux plus de leurs camisoles

de leurs vieilles lunes électriques

je veux rester libre

d’aimer

la noirceur de mes nuits

qu’il vente

qu’il pleure

je pose l’éteignoir sur la violence de leurs mots

de leur geste bestiale

scénarisée


Je veux substituer le tendre à l’absurdité meurtrière du monde

un peu de flamme et de chaleur à sa lumière factice et froide

l’humaniste poésie des passeurs et passeuses de beau à sa laideur médiatique

un peu d’âme et d’amour à sa haine tranquille et chronique

marinée

macronisée

zemmourisée

céniousée

cyanosée


De ma plume

de mes lèvres

je me joue de l’acide

de l’avide

des humain·es

je les vois en beau

ni demain

ni là-bas


Ici et maintenant

vive la révolution permanente

pacifique

paisible

amoureuse

dans la douceur de ta peau

de tes mots

des je t’aime qu’on laisse en traine

gazeux comme le plasma d’une étoile filante


Paris, 23 octobre

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

JOUR DE FÊTE



J’invite à ma table le Douanier Rousseau

Claude et Vincent

Camille sans son frère

mais trois autres Paul

autant de Jacques

George et deux Georges

un Cheval

Colette et Lucie

Elsa avec ou sans Louis

Milig et Katell

Andrée

François

Cécile

Leonard

quelques Jean

poètes et funambules

les Parques

Bacchus et Mélusine

les jumels en poétrie

Pascal et Marie

mon frère

nos muses et sorcières

en chair bien en chair


Autour d’un piano

d’un violoncelle

d’un orgue de barbarie

sur les tapis persans

dans cette salle ocrée

où flottent les parfums de miel

et des épices d’Orient

nous honorons la Femme et le vin

le rêve et le divin

le bonheur

le beau

le naïf

le noir sourire de nos nuits

un monde idéal


Les mains et les pinceaux dansent

les verres et les mots inondent nos lèvres

sculptent nos âmes

la nuit est belle utopie

rebelle et d’ombre

si je sombre elle m’élève

si belle en pénombre

comme je l’aime

sensuelle et si sombre

comme je t’aime



Paris, 17-18 décembre © Autobiopoèmes, Sensitivement




 

RECETTE




aiguiser

dénerver

éveiner

racler

inciser

pétrir

tamiser

aromatiser

flamber

mariner

débrider

dorer

émonder

rissoler

enrober

saupoudrer

embrocher

pimenter

râper

épluche

confire

étuver

hacher

infuser

distiller

gouter

alambiquer

associer

verser en pluie

dresser en neige

remuer délicatement

saupoudrer


partager les mots


Paris, 13 février

© Autobiopoèmes, Sensitivement



 

PEINTRE DES MOTS




Iel

enduit

esquisse

lie

mélange

assombrit

enlumine

illumine

ponce

pigmente

teinte

noircit

nuance

drape

assortit

éclabousse

déborde

égrène

époussète

affute

satine

laque

maroufle

expose

vernit


Tout peut être art et poésie


Paris, 16 février

© Autobiopoèmes, Sensitivement



 


LA POÉSIE ?



« La poésie est chant de l’âme »

Francis Gonnet


La poésie est champ de larmes


Comme vous ami·es poètes

je suis paysan de l’âme retournée

fertilisée par le terreau de vos mots

mots de maux

mots de peine

ou de joie

je sème au vent

d’encre

de pleurs

et de sang mêlés

tous ces mots mouillés

hurlements en silence

mais mots d’espérance

de partage

et d’attente

de les voir fleurir

s’aimer

semer à leur tour


Si une fois

même une seule

mes mots salés sont sucrés sur votre langue

effacent d’une caresse à vos yeux les perles grises

apaisent en musique vos oreilles

inversent la courbe de vos lèvres

bercent votre cœur

Alors je suis le plus heureux des hommes


* * * * * * *


La poésie est ce cri silencieux

essenciel

essentiel

Si tout est détruit

en nous

autour de nous

la poésie nous libère du vide


* * * * * * *


Parce qu'elle est création

elle est vie


Elle est en tout être

en toutes choses

pour qui s’éveille aux sens


* * * * * * *


La poésie est chant

illumination

souffle


Des fêlures de l’âme elle inonde le monde de sa lumière

l'enlumine

l'inspire


Elle tient de la sagesse et de la folie

de la mesure et de la démesure

de l’éphémère et de l’éternel

de l’ordre et du chaos

de la source et du feu

du silence et du cri

du néant

de l’infini




Paris, 19-20 février

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

UTOPOÉSIE




La poésie peut-elle abolir les limites les frontières les checkpoints les murs en béton tessondeverrisés

les clôtures barbelées


La poésie peut-elle abolir l’appropriation des richesses

la confiscation du pouvoir démocratique le détournement des médias

par quelques profiteurs


La poésie peut-elle abolir les discordes

les sentences

semées par les fanatiques leurs canons de papier

d’acier et leur irrésistible gout anthropophage

Poètes et poétesses de la terre

des mers et des airs unissons-nous


Longues-sur-Mer, 25 février

© Autobiopoèmes, Sensitivement



 


TAILLE DE PIERRE




Tes maux tus

tu les

burines

éclates

évides

tailles

biseautes

cisèles

martèles

bouchardes

doucines

caresses

façonnes

galbes

polis

brosses

assembles

jointes

enduis


Restent les cicatrices

parfois belles et douces

peau neuve de tes mots


Pont-sur-Seulles, 25 février

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

MENUISERIE POÉTIQUE




Scie

cisèle

râpe

perce

cheville

lambourde

mortaise

ellipse

concis

toise grave

marquette

plaque

ponce

colle

visse

cloue

vernis


peut-être un chef d’œuvre sortira-t-il de tes mains


Longues-sur-Mer, 4 mars

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

ÉCRIRE ME CONSOLE



Lorsqu’en farandole les étoiles

en silence une à une s’éteignent

jouent avec nos morts

lorsque lentement le soleil écrase mes rêves

dans ce petit matin froid sans couleur

à briser l’espérance

il me reste à t’écrire


* * * * * * * * * * * * *


Écrire me console

même si d’autres lisent

ce que tu ne vois pas

parce que mes nuits sont trop sombres

même si mes mots griffent ou caressent d’autres cœurs

tu ne veux pas les voir

parce que tes jours t’éblouissent

et que tu détestes les ombres


* * * * * * * * * * * * *


Même mortes les étoiles scintillent

ma mémoire importe peu

elle s’est offerte à la nuit

à l’oubli



Paris, 8 octobre

© Autobiopoèmes, Sensitivement


 

VIVRE POÈTE



D'une étincelle entre deux mots caressés jouer avec les ombres

les silences

les mélodier illuminer l'obscur

Réenflammer la vie l'érupter la calciner

la vivre au présent et lui offrir un demain

Vivre poète merci Monsieur Bobin


Paris, 25 novembre

© Autobiopoèmes, Sensitivement

 

GOURMANDISE




Toi

tu inverses le sens du sable dans le sablier

l’averse à rebours

entre terre et ciel


Moi

mes souvenirs sont volatiles

ils oublient le beau

l'instant

et la poésie gourmande des jours sombres


Toi

tu sublimes mes mots

avec ta bouche ardente avant ripailles

avec ton cœur à transcender la langue


Le temps

aurait dû faire de la place

se délester des fausses certitudes

mais il fige dans la balance

les souvenirs lointains

comme une araignée par gourmandise

emmaillote ses proies

pour mieux les gouter

demain

plus tard


Toi

tu martèles le chemin

le macadam

les murs

retentissent de l'explosion de ton chant

sur tes lèvres gourmandes pour mes lèvres enchantées

subjuguées

sous tes pas impatients

le sol trépigne

se soulève

tonne


Toi

moi

défions la lumière

la nuit

et nos amours en charpie

dévorons le noir

la lune bleue

et nos rêves en devenir


Toi

tu parles et tes mots aubadent

cristallins

Ils éclairent le mystère suspendu sur le vide

moi

je suis de ceux qui t’écoutent

et prient les divinités de la danse

comme celles et ceux qui croient

parce qu'ils ne comprennent rien

j’écris ce que j’entends entre tes mots et les notes d'espoir

dans ces recoins de silence où s’évaporent les volutes de mémoire

ce que je vois derrière la brume dense du soir

ce que je sens entre l’ombre orageuse de ta caresse et ma peau dissolue

quand l’orgie de la nuit file vers l’aube où flotte déjà l’écharpe rapiécée de nos songes

quand nos anges s’accrochent aux désirs étoilés

toi si douce

moi dissout


Nous

en gambade

dans l’immensité futile

dans l’inutile intemporalité


Paris, 13 janvier

© Autobiopoèmes, Sensitivement

sur une œuvre de Magali MO


© Magali MO - Ange de l'Orage et Lune bleueMagali MO - Ange de l'Orage et Lune bleue




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