Textes écrits de mai 2019 à aujourd'hui
UNE ENFANT POÈTE
Au creux du champ de ruines
elle abolit le temps
ravive la mémoire
et enterre la haine
Au cœur du champ de larmes
elle assèche le sang
des monstres vert de gris
ressuscite l’espoir
Au fond des champs de mars
desserrant les mâchoires
d’épouvante et de mort
elle entonne la paix
Au bord du champ d’horreur
tutoyant le destin
elle défie nos rêves
ravive le bonheur
Paris, 17 mai © Autobiopoèmes, Sensitivement
AMNÉSIE
Je sais avant d’écrire
je ne sais plus après
Que voulais-je dire ?
me dire ? te dire ? nous dire ?
Je savais avant d’écrire
mais jour après jour
mois après mois
mes rêves s’évaporent
brumes de l’aube
embruns des tempêtes
mes mots se dédisent
leur sens est part des anges
Quand les mots seuls demeurent
je te les dédie
lis-les tels qu’ils sont
lie-les à ta vie
aux sens plutôt qu’au sens
dans l’ombre ou la lumière
Fais-en ce que bon te semble
ils t’appartiennent
alors délire-les
délie-les
délivre-les
laisse-les t’envahir
te posséder
Paris, 21 mai © Autobiopoèmes, Sensitivement
PARTAGE
Tu consens le partage des parfums
des saveurs des caresses
des couleurs des musiques
Tu consens le partage du temps
son ruissèlement fragile
tant qu’inexorable éternité
Tu consens le partage des pleurs
et des rires ébréchant le silence
dans l’ivresse escarpée et la sinueuse venelle
Tu consens le partage de l’ombre ardente
et du soleil voilé
jusqu’à l’ambivalente et trouble clarté de la lune
Tu consens le partage de ton nom
et du non dont s’affublent nos poings levés
en luttes ancestrales et stériles
Tu consens le partage de l’amour
en robe de rimes et de vent
et sa prophétique brulure
Tu consens le partage mémoriel et amnésique
dans les limbes méandreux des éthers
où se perd ta pensée nimbée
Paris, 17 juin
© Autobiopoèmes, Sensitivement
ÉCRIRE
I
J'écris avec ma main (parfois comme un pied) J'écris seul sous la lune (le soleil ne le sait pas) J'écris des mots d'amour (qui ne sont ni crus ni crus) J'écris plus que je bois (ma mauresque sucrée) J'écris par peur du vide (ma vie déborde et ruisselle) J'écris par soif de vivre (jamais la mort ne m'obsède) J'écris la vérité (mais la travestis sans cesse) J'écris quand tu t'écries (par la grâce du silence) J'écris l'écho du corps (traîtresse est sa souffrance) J'écris les maux de l'âme (maitresse est sa poésie)
Paris, 5-11 juin
© Autobiopoèmes, Sensitivement
II
Sans doute est-ce
parce que je n’ai rien à dire
ou que je ne sais comment dire
ni à qui le dire
que j’écris
Arythmie solitaire du silence
après l’infinie logorrhée
vacance du verbe séculaire
quand sa volubile babel
étouffe le cri de mon mutisme
sordide mimétisme sémantique
Le vol ardent des martinets
trouble le calme impassible
des marronniers
Le soir sombre morne et sublime
et dans un souffle sensible et sensuel
assoupit la mémoire
J’avoue et crie
Je vous écris
Paris, 10 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
III
Il faut écrire quand on ne peut crier pour ne pas sacrifier les silences pour ne pas se fier aux offenses pour ne pas meurtrir les mémoires pour ne pas mourir de rage et de haine pour ne pas trahir les maux mon enfer pour nous enivrer de nos rêves
Longues-sur-Mer, 28 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
IV
Ténèbres. Tableau noir d'une fin d'enfance anheureuse qu'on crêve de quitter. Pages-nuits blanches d'effroi quand s'ancre le doute d'un impossible destin. À la craie, déflorer les ombres monstrueuses. À l'encre, vaincre le vertige aux frontières des falaises banquises. Au fusain, fuir le frisson des vagues folies qui te submergent. Écrire. Écrire sans relâche. Sans lâcher-prise. Se rêver maitre d'un futur incertain. Et crier non. Enfin. Comme un rite de passage. Initiatique. Espéranciel. Devenir passeur soi-même.
Longues-sur-Mer, 30 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
LIRE
I
Que tu lises
et t’enlises
le rêve te porte
t’emporte
te mène à l’aurore
délicate et radieuse
II
Tu oscilles
vacilles
mais la treille te retient
quand trillent dans l’éther le merle et le pinson
Longues-sur-Mer, 23 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
SORTILÈGE
J'ai la coupe soufflée
l'ivresse douce et le cœur libre
mon regard s'égare vers les déchirures du ciel
mes mains se tendent se tordent
si l'aube m'abandonne je renierai
le venin de la nuit
ses soleils sordides
mes encres invisibles
s'ouvre une brèche dans l'infini
où l'ennui me cherche
Paris, 20 juin - Longues-sur-Mer, 27 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
L’ABSENCE
Absence de sens Absence des sens Essence de l'absence Essentielle absence * Je cherche à te combler Mais le comble n'est que vide Absolu vide nudité de la vie rude et tue * Absence absolue Absence absconse Absoute et abhorrée Absence adorée * Si présente Si prégnante Absence infertile Absence infernale * Danse lente Si lentement Silence ne ment Solennellement * Longue absence Gouffre profond Infiniment sue Infirme absence * Douce absence Caressante et crue Impudique cruelle Imprudente éternelle * Languissante absence Délie langue et plume Relie nos chemins creux De la terre à la lune * Absence illusoire Illuminant le soir Enluminant l'espoir Tu veux y croire * Chasse d'absence Traces d'absences Champs d'absences Chants d'absence * Absence en soi Angoissante et nue Aiguisant l'errance Soyeuse et plue * Absence délicieuse Absence délictueuse D’une interminable saison Vision déraisonnable * Morsure de l'absence Sadique et morbide Obsédante et prude Secrète absence * Transes de l'absence Transperçant les cœurs Sublimante absence Sensuelle et charnelle * Absence des êtres Oppressant désert Où passe l'absence De rêve et de vent * Insolente absence Sentinelle insidieuse Indécente incestueuse Abstinente absence * Indélébile absence Indescriptible et délirante Imprescriptible et déchirante Oublieuse anonyme * Sanguinolente absence Humiliante humiliée Harcelante harcelée Abandon salutaire * Absence versatile Lénifiante universelle Sans vers ni rimes Absence chimérique * Non consentie Consanguine et drue Repense la poésie Panse les plaies vives * Insouciante absence Extatique absence Ses sexes exacerbés Impuissante absence * Absence hypnotique Languissant de haine Lancinante d'ennui Décidant mes nuits * Extralucide absence Absolu blasphème Haine obsessionnelle Obstinée passion * Absence enserrée En ses bras indociles En ses draps nicotine Vacance immortelle * Escapade invisible Éclipse indécente Non-sens par contumace Amnésie fugace et sombre * Absents sous le ciel Tu t’absinthes je dessaoule Esseulés dans la houle Foule sève et fiel * Absent·e
Paris, 27 mai
Longues-sur-Mer, 29 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
RÊVE
Si la source va vers l’écume
tes cheveux lianes aux vents
je remonterai contre marées et courants
les nervures du temps
jusqu’aux courbes
au vertige
aux précipices de ton corps
Malgré la fronde ou la folie
malgré la sécheresse de ton cœur
de tes entrailles
et la vacuité de l’encrier en équilibre sur ton ventre
j’écrirai sur une page jaunie
par le temps soleil
en cette interminable saison
qui fige l’émotion
délaisse les sentiments
et ressuscite ostensiblement
l’attente frigide
Mais tel un gisant
en sa sinistre absence
je m’ensommeille oublieux oublié
sous un ciel jadis diaphane
qui sanglote et saigne
aux noires étoiles incertaines
Longues-sur-Mer, 30 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
POÉSTIVALIE
La poésie serpente dans les méandres du temps
flane
acccélère
s’engouffre
s’enroule dans la spirale du vent
se dévêt de ses oripeaux
s’imprègne des notes
des parfums des couleurs
de la moite lumière des matins d’été
de la secrète douceur de nos rêves
du miel tendre et doré de l’espérance
Paris, 21 juin Longues-sur-Mer, 1er août © Autobiopoèmes, Sensitivement
FAILLES
Pour voir au-delà du mur rose ou gris
propre ou sale
il faut des fissures
des aspérités Le poète n'aime ni les murs lisses ni le ciel limpide ni la mer étale ni la rime rigide et convenue
Comme autant d’ampoules vides quand ce néant faussement beau
enlaidi par nécessité ne laisse à voir que le seul réel
la poésie se nourrit de l’imaginaire
s’insinue dans les failles
dessine et creuse des portes
donne à voir les multiples facettes de l’invisible
au-delà de l’horizon
au-delà des nuages
au-delà des paradis et des enfers
Longues-sur-Mer, 30 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
COMME UNE BOUTEILLE À LA MER
J’écris comme on lance des bouteilles à l’océan.
Ou aux étoiles.
Parfois un SOS.
Souvent un message à l’inconnu·e qui le recevra. Dans l’instant, l’heure qui suit, le lendemain.
Ou dans cent ans ?
Iel le traduira, l’interprètera. Se l’appropriera.
Au-delà des maux, de la solitude ou de la mort.
J’écris comme un enfant. Funambule entre doutes et certitudes.
La mer, les courants, les vents… Éclat de verre polis sur le sable… Comètes dans les yeux… Main tendue…
Un partage.
Le sens que j’aurai donné – ou aurais souhaité donner – se sera effacé dans la seconde, dans les années, ou dans les siècles anachorètes.
La mer, l’errance, le temps, le silence…
Peu importe.
Que demeurent la beauté polysémique des mots, de leur musique.
Que leur écume sensible berce les jours, enchante la vie, charme les âmes, chavire les cœurs.
J’écris comme j’aime.
Par-delà les rives et l’horizon.
Les nuages, les étoiles.
Là où porte ton regard, où te mènent tes rêves.
Merveillheureux si ce que j’écris te permet d’aimer…
La vie. Par-dessus tout.
Longues-sur-Mer, 14 août © Autobiopoèmes, Sensitivement
RAVIVER L’ESPOIR
Sur ses tréteaux le monde
entre l’amour et la haine
vacille fragile
*
Il ravit le verbe
enspirale le poète
dans sa trombe infinie
*
Alors la plume dérive
oscille entre laideur et beauté
entre violence et tendresse
*
Dans les abysses du siècle
elle et lui
ravivent l’espoir
phénix resplendissant
sans cesse harcelé
*
De la folie des hommes
bas instincts incendiaires
des remugles de leur pensée
jaillit parfois l’épure
d’un absolu chef d’œuvre
Longues-sur-Mer, 15-17 août © Autobiopoèmes, Sensitivement
DEVOIRS DE RÉSERVES
Un poète
(de toutes façons les poétesses n'existent pas
ou
sont hérésie)
doit être et rester poète
On ne l'a pas sonné
Il ne devrait pas donner
son avis
sans importance
sans expertise
(sans contrat avec céniouze)
Il devrait
se conformer à la norme
se confiner aux marges de sa page vierge
se limiter
à rimer
arrimé aux règles de l'académie française
à l'humanisme non revendicatif
à la résilience
à la bienséance
à l'obéissance
aux petites histoires mièvres
aux poèmes d'amours classiques
en de beaux draps repassés et bordés
sans arc-en-ciel
ne surtout pas se mêler
de réforme de l'orthographe
d'écriture inclusive
d'égalité
de droit(s) pour tou·tes
de féminisme
de féminicide
de conquis sociaux
d'éducation
de culture (d'accord un peu mais pas trop)
émancipatrices
de permaculture
de pesticides
de la saveur des fraises hors-sol
des tomates sur la tronche
d'élevages intensifs
de corrida
de richesses de quelques profiteurs
de misère pour le plus grand nombre
d'emplois sacrifiés sur l'autel de la concurrence libre et non faussée
d'économie
d'écologie
du bucher qui embrase la Terre-mère
de la mort de la Mer de Glace
de la banqueroute de la banquise
de décolonisation
de néocolonialisme
d'Histoire avec une majuscule (mais sont poéticocompatibles Bern Menant et Métronome)
de politique intérieure
de référendum qu'on enlise
de gilets jaunes
de drapeaux rouges
noirs
de la Marine héritière de son père
de politique extérieure
de marchés d'armes
de conflits qu'on génère
de révoltes
de révolution
de liberté de croire ou ne pas croire
de croisades
du blocus de Cuba
de Tahiti
des Ouïghours
de Palestine
d'Afghanistan
de là-bas jusqu'à notre porte
de ces amas d'atomes stellaires assassinés plusieurs fois
la dernière en Mare Nostrum
d'Humanité
Ça tombe bien
je ne suis pas poète
Longues-sur-Mer, 17-21 aout
© Autobiopoèmes, Sensitivement
CLAIR-OBSCUR
Entre soleil gisant
et lune en dentelle
se mêlent les lumières
les ombres persiennes
et mes pénombreuses pensées
Je cherche ma plume
– elle reste introuvable
et le souffle de la rime
ou de la prose
s’estompe dans les méandres de l’oubli
À la première étoile qui s’allume
meurt avant de naitre
ce premier poème avorton
– pont des soupirs entre deux rêves évanouis
Lors je remonte le cours du fleuve
- rive gauche insoumise
Notre-Dame incrédule
notre amour tressaille
comme ta chair sous ma caresse boréale
Je t’aime
Paris, 21 novembre – 25 janvier © Autobiopoèmes, Sensitivement
HUMARTISTE
« Les grands artistes n'ont pas de patrie. » Alfred de Musset
Tant pis si je radote si mes mots s'évaporent au petit matin blafard au mâtin petit cafard qui s'incruste et bourdonne sur les fleurs du mal tant pis pour les errantes rengaines de Maldoror tant pis si l'on hume ton aseptisé parfum tant pis si ma plume bande encore et prose à l'infini de sa veine sanguine et séminale tant pis si j'assume le médiocre et le pire si je bouscule tes souvenirs falsifiés l'enfance que tu noircis et déchires pour aveugler ton présent tes fausses impudicités tes lâches eschatologies tes combats prétextes et la haine que tu transpires Tant pis si tu adjures tes parjures J'ai plus d'un demi-siècle et je reste un enfant fidèle à mes rêves sans dieu ni prophète rétif à tes impostures même sincères même instillées même en souffrance L'art naît de l’humus
la poussière d’humanité qui nous imprègne
au pied des barricades comme un trait d'union un arc-en-ciel entre deux rives Artiste si tu te veux si tu te dis n'exclus qu'exclusion fanatisme soif de domination
Longues-sur-Mer, 20-21 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
AMOURICIDE
J'écris triste
mais si je crie la mort
c’est à l’encrier de vie
pour la tendresse d'un regard
la caresse d'un sourire
et déchanter l'inespoir
* * * * * * * J'irai casser ma pipe
avant l’aube hybride
sur les falaises de brume
en rêvant d'îles
en m'éloignant d'elles * * * * * * * Les humains feront silence
j'écouterai le chant des oiselles
le murmure des vaguelettes
qui s'attardent sur le sable Je sentirai la tendresse du vent
et son parfum d'algue et de sel
* * * * * * * En s'effaçant face à la lune
le soleil embrasera les horizons
terre mer incandescentes
et sirènes ardentes
* * * * * * * Mon cœur
souffriras-tu
une fois ultime
de laisser les vannes ouvertes
et s'écouler de mes veines l'infernale encre bleu-nuit
d’une parousie païenne * * * * * * * Mon œil
sauras-tu décrire l’invisible
l’éternel infini qui nous invite
à l’humilité
au partage de la sève
* * * * * * *
Mon oreille
orras-tu l’inaudible
les secrets de l’écorce et de la pierre
du sable et du ciel
pour mettre en musique les larmes du silence * * * * * * * Ma voix
auras-tu la force encore
quand tout se serre et se noue
de dire l’indicible
de maudire les amours emmêlées celles qui furent
celles qui fuirent
aussi fugaces que les étoiles filantes * * * * * * * Ma main pourras-tu graphier en épilogue
ces maux pleins et déliés
quelques mots de passage et de souffrance
à l'étroit dans leur carcan crânien
entre ombre et lumière
entre fées et sorcières
entre réel et chimère * * * * * * * Mais toi
auras-tu le cœur à me laisser vivre ma mort lui survivre peut-être en cette transhumance
ou transocéane éphémère et solitaire
Que feras-tu
de l’ivresse du bourdon
des lunes alanguies
des blessures et du sang d’encre
de ce qui reste de mes nuits
Riras-tu toujours
de mes versets futiles
* * * * * * * Avant l’eschatologique crémation
tu empliras les corbeilles d’argent
de mon moi vide inutile
– mes vieilles lunes ténébreuses
mes fragments raturés
mes déchirures étrangères
et familières pourtant –
tu t’en serviras pour embraser
les liesses d’antan
nos sublimes folies
l’âme et son néant
notre amour en son abime
Paris, 28-31 mai
© Autobiopoèmes, Sensitivement
FAILLES
Pour voir au-delà du mur rose ou gris
propre ou sale
il faut des fissures
des aspérités Le poète n'aime ni les murs lisses ni le ciel limpide ni la mer étale ni la rime rigide et convenue
Comme autant d’ampoules vides quand ce néant faussement beau
enlaidi par nécessité ne laisse à voir que le seul réel
la poésie se nourrit de l’imaginaire
s’insinue dans les failles
dessine et creuse des portes
donne à voir les multiples facettes de l’invisible
au-delà de l’horizon
au-delà des nuages
au-delà des paradis et des enfers
Longues-sur-Mer, 30 juillet
© Autobiopoèmes, Sensitivement
DEVOIR(S) DE RÉSERVE(S)
Un poète
(de toutes façons les poétesses n'existent pas
ou
sont hérésie)
doit être et rester poète
On n’a pas sonné la cloche
Un poète
ne devrait pas donner
son avis
sans importance
sans expertise
(sans contrat avec céniouze)
Un poète
devrait
se conformer à la norme
se confiner aux marges de sa page vierge
se limiter
à rimer
arrimé aux règles de l'académie française
à l'humanisme non revendicatif
à la résilience
à la bienséance
à l'obéissance
aux petites histoires mièvres
aux poèmes d'amours classiques
en de beaux draps repassés et bordés
sans arc-en-ciel
ne surtout pas se mêler
de réforme de l'orthographe
d'écriture inclusive
d'égalité
de droit(s) pour tou·tes
de féminisme
de féminicide
de conquis sociaux
de corrida
de richesses de quelques profiteurs
de misère pour le plus grand nombre
d'emplois sacrifiés sur l'autel de la concurrence libre et non faussée
d'économie
d'écologie
du bucher qui embrase la Terre-mère
de la mort de la Mer de Glace
de la banqueroute de la banquise
de cette école en blanqueroute
d'éducation
de culture (d'accord un peu mais pas trop)
émancipatrices
de permaculture
de pesticides
de la saveur des fraises hors-sol
des tomates sur la tronche
d'élevages intensifs
de décolonisation
de néocolonialisme
d'Histoire avec une majuscule (mais sont poéticocompatibles Bern Menant et Métronome)
de politique intérieure
de référendum qu'on enlise
de gilets jaunes
de drapeaux rouges
noirs
de violences policières
violences d’État
de la Marine héritière de son père
de tous les zemriens décomplexés
racistes misogynes homophobes
de politique extérieure
de marchés d'armes
de conflits qu'on génère
de révoltes
de révolution
de liberté de croire ou ne pas croire
de blasphémer
de croisades
du blocus de Cuba
de Tahiti
des Ouïghours
de Palestine
d'Afghanistan
de là-bas jusqu'à notre porte
de ces amas d'atomes stellaires assassinés plusieurs fois
la dernière en Mare Nostrum
d'Humanité
Ça tombe bien
je ne suis pas poète
Longues-sur-Mer, 17-21 aout
© Autobiopoèmes, Sensitivement
LE POÈTE
D'une aurore au soir
d'un crépuscule à l'aube
d’horreur en espoir de ses vers luisant dans la pénombre des chemins dans la traverse du destin
il ouvre les fenêtres allume le verbe enlumine les mots
Il est colporteur d’humanité
Longues-sur-Mer, 21 août
© Autobiopoèmes, Sensitivement
(G)REVE
Je n’en peux plus de leurs camisoles
de leurs vieilles lunes électriques
je veux rester libre
d’aimer
la noirceur de mes nuits
qu’il vente
qu’il pleure
je pose l’éteignoir sur la violence de leurs mots
de leur geste bestiale
scénarisée
Je veux substituer le tendre à l’absurdité meurtrière du monde
un peu de flamme et de chaleur à sa lumière factice et froide
l’humaniste poésie des passeurs et passeuses de beau à sa laideur médiatique
un peu d’âme et d’amour à sa haine tranquille et chronique
marinée
macronisée
zemmourisée
céniousée
cyanosée
De ma plume
de mes lèvres
je me joue de l’acide
de l’avide
des humain·es
je les vois en beau
ni demain
ni là-bas
Ici et maintenant
vive la révolution permanente
pacifique
paisible
amoureuse
dans la douceur de ta peau
de tes mots
des je t’aime qu’on laisse en traine
gazeux comme le plasma d’une étoile filante
Paris, 23 octobre
© Autobiopoèmes, Sensitivement
JOUR DE FÊTE
J’invite à ma table le Douanier Rousseau
Claude et Vincent
Camille sans son frère
mais trois autres Paul
autant de Jacques
George et deux Georges
un Cheval
Colette et Lucie
Elsa avec ou sans Louis
Milig et Katell
Andrée
François
Cécile
Leonard
quelques Jean
poètes et funambules
les Parques
Bacchus et Mélusine
les jumels en poétrie
Pascal et Marie
mon frère
nos muses et sorcières
en chair bien en chair
Autour d’un piano
d’un violoncelle
d’un orgue de barbarie
sur les tapis persans
dans cette salle ocrée
où flottent les parfums de miel
et des épices d’Orient
nous honorons la Femme et le vin
le rêve et le divin
le bonheur
le beau
le naïf
le noir sourire de nos nuits
un monde idéal
Les mains et les pinceaux dansent
les verres et les mots inondent nos lèvres
sculptent nos âmes
la nuit est belle utopie
rebelle et d’ombre
si je sombre elle m’élève
si belle en pénombre
comme je l’aime
sensuelle et si sombre
comme je t’aime
Paris, 17-18 décembre © Autobiopoèmes, Sensitivement
RECETTE
aiguiser
dénerver
éveiner
racler
inciser
pétrir
tamiser
aromatiser
flamber
mariner
débrider
dorer
émonder
rissoler
enrober
saupoudrer
embrocher
pimenter
râper
épluche
confire
étuver
hacher
infuser
distiller
gouter
alambiquer
associer
verser en pluie
dresser en neige
remuer délicatement
saupoudrer
partager les mots
Paris, 13 février
© Autobiopoèmes, Sensitivement
PEINTRE DES MOTS
Iel
enduit
esquisse
lie
mélange
assombrit
enlumine
illumine
ponce
pigmente
teinte
noircit
nuance
drape
assortit
éclabousse
déborde
égrène
époussète
affute
satine
laque
maroufle
expose
vernit
Tout peut être art et poésie
Paris, 16 février
© Autobiopoèmes, Sensitivement
LA POÉSIE ?
« La poésie est chant de l’âme »
Francis Gonnet
La poésie est champ de larmes
Comme vous ami·es poètes
je suis paysan de l’âme retournée
fertilisée par le terreau de vos mots
mots de maux
mots de peine
ou de joie
je sème au vent
d’encre
de pleurs
et de sang mêlés
tous ces mots mouillés
hurlements en silence
mais mots d’espérance
de partage
et d’attente
de les voir fleurir
s’aimer
semer à leur tour
Si une fois
même une seule
mes mots salés sont sucrés sur votre langue
effacent d’une caresse à vos yeux les perles grises
apaisent en musique vos oreilles
inversent la courbe de vos lèvres
bercent votre cœur
Alors je suis le plus heureux des hommes
* * * * * * *
La poésie est ce cri silencieux
essenciel
essentiel
Si tout est détruit
en nous
autour de nous
la poésie nous libère du vide
* * * * * * *
Parce qu'elle est création
elle est vie
Elle est en tout être
en toutes choses
pour qui s’éveille aux sens
* * * * * * *
La poésie est chant
illumination
souffle
Des fêlures de l’âme elle inonde le monde de sa lumière
l'enlumine
l'inspire
Elle tient de la sagesse et de la folie
de la mesure et de la démesure
de l’éphémère et de l’éternel
de l’ordre et du chaos
de la source et du feu
du silence et du cri
du néant
de l’infini
Paris, 19-20 février
© Autobiopoèmes, Sensitivement
UTOPOÉSIE
La poésie peut-elle abolir les limites les frontières les checkpoints les murs en béton tessondeverrisés
les clôtures barbelées
La poésie peut-elle abolir l’appropriation des richesses
la confiscation du pouvoir démocratique le détournement des médias
par quelques profiteurs
La poésie peut-elle abolir les discordes
les sentences
semées par les fanatiques leurs canons de papier
d’acier et leur irrésistible gout anthropophage
Poètes et poétesses de la terre
des mers et des airs
unissons-nous
Longues-sur-Mer, 25 février
© Autobiopoèmes, Sensitivement
TAILLE DE PIERRE
Tes maux tus
tu les
burines
éclates
évides
tailles
biseautes
cisèles
martèles
bouchardes
doucines
caresses
façonnes
galbes
polis
brosses
assembles
jointes
enduis
Restent les cicatrices
parfois belles et douces
peau neuve de tes mots
Pont-sur-Seulles, 25 février
© Autobiopoèmes, Sensitivement
MENUISERIE POÉTIQUE
Scie
cisèle
râpe
perce
cheville
lambourde
mortaise
ellipse
concis
toise grave
marquette
plaque
ponce
colle
visse
cloue
vernis
peut-être un chef d’œuvre sortira-t-il de tes mains
Longues-sur-Mer, 4 mars
© Autobiopoèmes, Sensitivement
ÉCRIRE ME CONSOLE
Lorsqu’en farandole les étoiles
en silence une à une s’éteignent
jouent avec nos morts
lorsque lentement le soleil écrase mes rêves
dans ce petit matin froid sans couleur
à briser l’espérance
il me reste à t’écrire
* * * * * * * * * * * * *
Écrire me console
même si d’autres lisent
ce que tu ne vois pas
parce que mes nuits sont trop sombres
même si mes mots griffent ou caressent d’autres cœurs
tu ne veux pas les voir
parce que tes jours t’éblouissent
et que tu détestes les ombres
* * * * * * * * * * * * *
Même mortes les étoiles scintillent
ma mémoire importe peu
elle s’est offerte à la nuit
à l’oubli
Paris, 8 octobre
© Autobiopoèmes, Sensitivement
VIVRE POÈTE
D'une étincelle entre deux mots caressés jouer avec les ombres
les silences
les mélodier illuminer l'obscur
Réenflammer la vie l'érupter la calciner
la vivre au présent et lui offrir un demain
Vivre poète merci Monsieur Bobin
Paris, 25 novembre
© Autobiopoèmes, Sensitivement
GOURMANDISE
Toi
tu inverses le sens du sable dans le sablier
l’averse à rebours
entre terre et ciel
Moi
mes souvenirs sont volatiles
ils oublient le beau
l'instant
et la poésie gourmande des jours sombres
Toi
tu sublimes mes mots
avec ta bouche ardente avant ripailles
avec ton cœur à transcender la langue
Le temps
aurait dû faire de la place
se délester des fausses certitudes
mais il fige dans la balance
les souvenirs lointains
comme une araignée par gourmandise
emmaillote ses proies
pour mieux les gouter
demain
plus tard
Toi
tu martèles le chemin
le macadam
les murs
retentissent de l'explosion de ton chant
sur tes lèvres gourmandes pour mes lèvres enchantées
subjuguées
sous tes pas impatients
le sol trépigne
se soulève
tonne
Toi
moi
défions la lumière
la nuit
et nos amours en charpie
dévorons le noir
la lune bleue
et nos rêves en devenir
Toi
tu parles et tes mots aubadent
cristallins
Ils éclairent le mystère suspendu sur le vide
moi
je suis de ceux qui t’écoutent
et prient les divinités de la danse
comme celles et ceux qui croient
parce qu'ils ne comprennent rien
j’écris ce que j’entends entre tes mots et les notes d'espoir
dans ces recoins de silence où s’évaporent les volutes de mémoire
ce que je vois derrière la brume dense du soir
ce que je sens entre l’ombre orageuse de ta caresse et ma peau dissolue
quand l’orgie de la nuit file vers l’aube où flotte déjà l’écharpe rapiécée de nos songes
quand nos anges s’accrochent aux désirs étoilés
toi si douce
moi dissout
Nous
en gambade
dans l’immensité futile
dans l’inutile intemporalité
Paris, 13 janvier
© Autobiopoèmes, Sensitivement
sur une œuvre de Magali MO
© Magali MO - Ange de l'Orage et Lune bleueMagali MO - Ange de l'Orage et Lune bleue
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