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POUR UN INFINI PRINTEMPS DE LA POÉSIE, DES POÉTESSES ET DES POÈTES

Photo du rédacteur: Henri BaronHenri Baron

Textes sur les Printemps des Poètes 2024 - 2025



Le Printemps des poètes : fête populaire ou banalisation élitiste des idées de l'extrême-droite ?

 

« La poésie (...) est transmission vivante, ouverture d'esprit, partage et fraternité. Travail conscient de la langue, quête du mystère dans les mots, elle est par essence un legs et l’adresse d’une génération à une autre, une victoire de l’humanité sur le néant qui couche les générations mais n’éteint pas la parole. »

Christian Cardon

in Les échos de Maurin des Maures, n°7, juin 2012

 

 

L’écrivain Sylvain Tesson, bien que flirtant allègrement avec l'extrême-droite et ses idées, serait le parrain du Printemps des Poètes 2024. Ce rendez-vous annuel est censé promouvoir la poésie, de l'école primaire à l'université, en passant, entre autres, par les bibliothèques.

Je ne suis rien pour suggérer qu'il soit ou ne soit pas un grand écrivain. Ni pour lui reprocher de n’écrire des poèmes qu’en dilettante. Ce n'est pas l’objet ici. Ce qui interpelle, c'est le choix des organisateur·trices d'un évènement attendu dans les écoles, par toutes les passeuses et passeurs de poésie, par celles et ceux qui dépensent au quotidien une folle énergie à animer des ateliers, créer, diffuser la poésie, de nommer porte-bannière une personne qui se singularise par des ami·es aux idées qu'il serait insupportable de sortir de la bouche d'un·e enseignant·e.

Nous ne pouvons, nous ne devons laisser se banaliser, en particulier auprès de la jeunesse, les opinions nauséabondes qui franchissent d’ailleurs souvent la frontière du délit. Ce devrait être une évidence, mais les médias "dominants" jouent un jeu extrêmement dangereux, et cela ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 2017, le "barrage" contre l’abjection des Le Pen, Zemmour et autres s'est révélé être une passoire. Il y a quelques jours, pour justifier ses choix douteux, le président ne reprenait-il pas lui-même, pour justifier ses choix, une expression aux relents de pétainisme, portée par la droite raciste et l’extrême-droite, "pour que la France reste la France" ?

Or ne pas filtrer à l'École, ne pas lutter contre tout ce qui pourrait présenter sous un angle acceptable le racisme, la xénophobie, le sexisme, les LGBTQI+phobies, le validisme... revient à accepter de fait la possibilité de laisser gouverner notre pays par l'extrême-droite.

Depuis la parution dans Libération d’une tribune demandant à l’organisation du Printemps des Poètes de revenir sur son choix de parrainage, le mépris de classe se diffuse dans un "réarmement de la culture" version haineuse. Les Balkany, Praud, Naulleau, Pécresse, Le Maire, Ciotti, Dati, Bertrand, Jamet, le Figaro, Cnews, Le Point, Valeurs Actuelles... étriqué·es dans leur culture petite ou grande bourgeoise, de classe dominante, prennent la défense de l'indéfendable et rejettent toutes celles et tous ceux qui écrivent, enseignent, partagent la poésie contemporaine et leur dénient le droit de se réclamer de la culture. Peu importe – ou parce – qu'il pactise avec ce qu'il est de plus abject, il n'est qu'un "prince des poètes", sans discussion ni remise en cause possibles.

Les signataires de la tribune ne sont, quant à elles et eux, que "médiocres", "nains", "traîne-patins du système, écrivains sans lecteurs, acteurs sans public, créateurs sans talent", "ratés", "branquignoles", "frustrés, "sans talent", "censeurs", "jaloux", "précieuses ridicules", "pseudo-pléiade de 600 poètes autoproclamés et inconnus" "pouilleux", "cultureux", "cafards", "minables", "obscurs plumitifs", "terroristes", "condensé de wokisme crasse", "armée d’infirmes du verbe, condamnés à l’ombre par leur médiocrité", "tout petits plumitifs du niveau de minables gardes rouges et dénonciateurs des bas-fonds", "mécréants désacralisés islamo-gauchistes" et j'en passe. Ce florilège, incroyable et minable déchainement de haine, un peu semblable à celui qui dénonçait il y a quelques semaines les signataires d’une contre-tribune en réponse à celle appelant à la défense de Gérard Depardieu, justifierait presque, à lui seul, l'existence de la tribune contre le parrainage du Printemps des Poètes par Sylvain Tesson.

Pourtant, quand on sort des salons, de l'entre-soi littéraire et médiatique, ce sont bien les créatrices et créateurs contemporain·es qui rendent vivante au quotidien la poésie dans les écoles, les bibliothèques, les centres culturels, sur les réseaux sociaux, dans les bars, dans la rue... et peuvent amener la jeunesse à apprécier les "grand·es" auteur·es des siècles passés.

Alors, pour une culture humaniste, féministe, anticolonialiste, inclusive, signons la pétition :

 

HB, le 20/01/2024


 


Le Printemps des poètes : une tribune pour rien ?

 

Ce qui me surprend, chez les grand·es intellectuel·les qui font corps contre vents et marées, c'est leur capacité à esquiver de façon très simpliste – mais à celles et ceux-ci, on leur pardonne – le fond du problème et à retourner avec force moralisatrice l'alerte contre celles et ceux qui l'ont lancée. Du style « si t'es pas tessonien, t'es stalinien ! » et « c'est pas bien, ce que tu fais, tu sais ! c'est pas poli-joli ! » ou encore « tu dois aimer et apprendre à respecter les grands acteurs, auteurs, artistes, cinéastes... qui font la grandeur de la France, de son Art, de sa Littérature... » pour finir inexorablement par l’inéluctable « il faut séparer l'homme de son œuvre. » Certes, ce n'est pas dit de manière aussi puérile, "cour de récré", que je ne le traduis – mais je n'ai pas les manières pour écrire en tribun dans la presse, ni pour parler en expert sur les plateaux.

M'enfin ! Qui a dit que Tesson n'écrivait pas bien ? Qui a dit qu'il n'avait pas le droit de penser couleur vert-brun voire brun noir (quand bien même ses pensées suintent de-ci de-là dans ses écrits et frôlent les limites de la loi de 1881) ? Qui veut le censurer si des maisons d'édition lui font confiance et que son lectorat le plébiscite ?

Ce sur quoi de très nombreuses et nombreux auteur·es, bibliothécaires, enseignant·es ont essayé par cette tribune d’attirer l'attention des organisateur·rices du Printemps des Poètes c'est le danger de faire de Sylvain Tesson le parrain d'une manifestation conçue pour irradier la poésie dans les bibliothèques, les écoles, les collèges et au-delà... Résolument non, il n'est pas imaginable que Sylvain Tesson puisse être le héraut qui recommande la poésie à l'enfance et à la jeunesse dans toute leur diversité. Cette diversité-là, il en a peur, il n'en veut pas, il la vilipende.

Alors, quand on est petit·e, peut-être vaudrait-il mieux appuyer soi-même bien fort sur le bâillon qu'on nous tend avec condescendance ou ne pas parler trop fort, ne pas déranger l'ordre, les médias, celles et ceux qui les financent comme celles et ceux qui en vivent. Peut-être, surement, vaudrait-il mieux se dire que ce n'est qu'un mauvais moment à passer, qu'on n'est pas obligé·e de mentionner son nom quand on fera découvrir des poèmes aux enfants ou aux jeunes et qu'on n’a pas attendu ce parrainage-là pour lire, dire, faire écouter des poèmes de Jacques Prévert, Andrée Chedid, Cécile Coulon, Rim Battal ou Falmarès.

Sauf que c'est à force de tous ces petits renoncements qu'on s'habitue. On s'habitue à se taire, on s'habitue à ne pas réfléchir autrement, on s'habitue à courber l'échine sous le mépris de classe, on s'habitue à ne plus oser contredire, on s'habitue à entendre les insultes, on s’habitue à subir.

On s'habituait ! Et c'est peut-être ce qui dérange le plus, que les unes et les autres finissent par dire non ! assez ! ne nous représentez pas ! ne parlez pas en notre nom ! on ne veut plus de votre vieux monde empêtré dans ce que génère le capitalisme, avec ses relents racistes, sexistes et tout le reste ! Ce vieux monde est fini, vous l'avez vous-mêmes achevé, avec vos couvertures pseudo-écologiques, vos paroles hypocrites et vos plumes déliées. Même si demeurent des scories aujourd'hui – et ce n'est pas facile à vivre pour beaucoup – il est temps de passer à demain.

Cette tribune est salutaire. Je l'ai signée. Persiste et signe.

 

HB, le 23/01/2024



 

Volcanique


C'est le thème du "Printemps" de la Poésie - ou "des Poètes" et des Poétesses 2039. On a encore un peu de mal avec l'écriture inclusive...

2039 ? Non, 2025 !

Après l’Ardeur, la Beauté, le Courage, le Désir, l’Éphémère, les Frontières et la Grâce, tout le monde s'attendait à ce que cette 27e édition commence par la lettre H.

Comme Humanité ?

Et bien non. Raté.

Ce sera la lettre V. En avance sur son temps ? Volonté de remettre la Terre au centre de nos préoccupations ? Rupture avec des attendus trop évidents ? Ou bien tentative d'échapper à cette Humanité si forte qu'elle imprègne, doit, devrait imprégner toute poésie, toute forme d'art, si dérangeante soit-elle pour le capitalisme et ses avatars - le paternalisme, le colonialisme... ? 

V comme volcanique. « Notre volonté est de rendre toujours plus manifeste le dynamisme de cette vision pour que la poésie se donne à voir telle qu’elle est aujourd’hui : Volcanique ! Énergie à l’état pur, éruption imaginative, puissance du vivant. »

Vraiment ?

Volcanique. Comme l'héritage de son père, dieu tout-puissant, foudre à la main et cœur d'acier, lave sur la langue, sans égard aucun pour son peuple et ses aspirations, Jupiter l'Unique, qui revendique la loi du plus fort argenté, n'en a cure de la démocratie, s'assied sur les résultats des élections, méprise, asservit. Ce Vulcain-Père transforme l'État en Etna, sacrifie les services publics sur l'autel de la rentabilité et des grands saints patrons, ses féaux.

Volcanique. Un peu comme la volonté de détruire ce monde ancien, sans avenir parce que surconsommateur et sans intérêt pour la protection de notre planète, celles et ceux qui y (sur)vivent.

Volcanique. Un peu comme le peuple lorsqu'il se met à rêVer, se soulèVe, se réVolte. En dépassement de ses besoins élémentaires non satisfaits mais aussi en démonstration de son refus de l'arbitraire, de celui qui vient d'en haut, qu'il soit religieux et/ou politique. Violent.

Volcanique. Politique. La poésie a cette force qui révolutionne l'esprit, mais aussi les cœurs, les corps.

Elle peut être exutoire à la souffrance, à la colère, à l'injustice du monde. Un cri, un baume, une espérance, comme un recueil de Stéphanie Vovor ou de Cécile Coulon.

Volcanique.

Chiche !

 

HB, le 27/09/2024

 
 
 

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